Réflexion
C'est en forgeant qu'on devient forgeron » proverbe C'est en écrivant qu'on devient écriveron » Raymond Queneau C'est en lisant qu'on devient liseron. » Maurice Fombeure C'est en sciant que Léonard de Vinci » calembour
Bouleversement de la pratique littéraire : la cyberlittérature

De tous les arts, la littérature est celui qui a rencontré l’informatique le plus tôt. Aujourd’hui la commercialisation du livre électronique prend la dimension d’une véritable révolution culturelle comparable à la diffusion de l’imprimerie, à la naissance du roman-feuilleton dans la presse à grand tirage du XIXe siècle ou, à l’invention du livre de poche.
Le texte numérique est à l’origine d’un renouvellement radical des rapports auteur-texte-lecteur.

L’exemple de cette nouvelle situation est la renaissance du feuilleton sur Internet. L’écrivain Jacques Jouet a été le premier en France à publier chaque jour sur le site des éditions P.O.L. un des 245 épisodes de son roman « la République de Mek-Ouyes », tandis que Martin Winckler propose à ses lecteurs de leur envoyer chaque jour un épisode de son roman-feuilleton « Légendes ». L’auteure Chris Simon a récemment publié en séries « Lacan et la boîte de mouchoirs » – Un autre exemple appartenant au passé : en Juillet 2000, Stephen King lançait un défi au monde de l’édition en proposant à ses lecteurs de télécharger sur son site son nouveau roman « The Plant » à raison d’un dollar par épisode. Son expérience a pris fin prématurément pour des raisons que je ne vais pas développer ici, c’est un auteur à succès, pas le meilleur pour illustrer le propos de mon article.
Est-ce-que la reprise du roman-feuilleton qui a eu un énorme succès pour les auteurs au XIXe siècle ne serait pas une bonne méthode de publication numérique ?
Ma question est celle-ci : Comment passer du mode invisible en mode visible ? Quelle est la meilleure stratégie à adopter pour être lu ? Le roman-feuilleton est-il un format idéal de publication en ligne ? N’est-ce-pas l’opportunité de toucher plus facilement des lecteurs ?
- Chapitres publiés de façon régulière
- Petit prix
- Liberté du lecteur de poursuivre ou non l’aventure
Comment faire fonctionner un roman-feuilleton en ligne ?
Quel rythme ? Une publication par chapitre ?
Cette méthode est-elle susceptible de plaire aux lecteurs ?
Mes questions : (si vous avez le temps d’y répondre je vous en remercie d’avance)
- Quel rythme de parution ?
- Journalier – je trouve cela impossible, en tout cas pour moi.
- Hebdomadaire
- Mensuel
- Bi-mensuel
- Avec un nombre de pages chaque fois similaire ?
- Pas de gratuité – tout travail mérite salaire –
Mais un prix accessible à toutes les bourses – lequel ?
- 1€
- 1,50€
- 2€
Si le lecteur qui a lu le Chapitre 1 à 1,50€ n’est pas satisfait il n’est pas obligé de continuer l’aventure et n’a pas dépensé une fortune pour satisfaire sa curiosité. Par contre s’il a aimé l’épisode, il a rendez-vous régulièrement avec l’histoire jusqu’à son point final.
Dans la longue histoire de l’écrit, l’apparition de chaque nouveau support d’inscription du texte a généralement provoqué une modification des usages et des modes de lecture. La littérature a toujours été dépendante de ses supports et de ses moyens de production. La pierre gravée, le volumen, le codex, le livre imprimé, la machine à écrire, le traitement de texte ont tour à tour suscité des modes de lecture et d’écriture différents. Avec le support numérique, le changement est encore plus radical.

Le livre électronique séduit les habitués du livre en préservant certaines de ses caractéristiques essentielles. À l’inconfort de la lecture sur écran qui impose au lecteur de rester mal assis devant son ordinateur de bureau, il substitue les avantages de la mobilité. Il tient dans la main, peut s’emporter partout et offre une assez bonne lisibilité.
Pourquoi cette question : Aimeriez-vous lire un roman au format feuilleton ?

Je vais répondre par une question qui me turlupine, quel est le meilleur moyen de donner au lecteur l’envie de lire un auteur inconnu, de le découvrir, de découvrir ses écrits ?
Les plateformes comme Amazon et Kobo/fnac (il y en a d’autres) ouvrent les portes de leur boutique aux auteurs indépendants, sans frais, sans investissement financier, mais elles sont géantes, ce sont de véritables labyrinthes où l’on se perd à peine y a-t-on posé les yeux. Sans compter qu’en France elles ont mauvaise réputation. Pourtant, ce sont les seules plateformes qui ne demandent pas d’investissement financier et qui donnent 70% du prix de vente du livre à l’auteur, et ce, de façon régulière, pas en fin d’année.
Comment un lecteur peut-il trouver le livre d’un auteur inconnu des médias et du monde littéraire au milieu de plusieurs centaines de milliers d’autres livres ?

Écrire est un long travail, passionnant, mais réalisable ; la mise en page peut s’acquérir avec quelques tutos et un logiciel efficace, la mise en ligne sur les plateformes de vente de livres au format epub est de plus en plus facile. Mais rien, absolument rien, ne peut garantir à un auteur que quelqu’un s’arrêtera devant la couverture de son livre — si belle soit-elle — pour le feuilleter et en lire ne serait-ce qu’un extrait.
Le temps de l’écriture, de la mise en page, de l’impression, de la mise en ligne ou en vitrine, est définissable ; le temps de la rencontre avec les lecteurs
est toujours une plongée dans l’inconnu.
Pour un auteur célèbre, il y a des dizaines, voir des centaines d’auteurs anonymes sur le web. Quelle chance ont-ils de trouver leur public ?
On a quelques exemples — où la réaction des lecteurs à un livre a été fulgurante, mais tout le monde sait que la règle générale est beaucoup moins exaltante ; la réaction arrive parfois plusieurs mois après la publication, voire plusieurs années ; il arrive parfois qu’elle ne se fasse pas du tout. Un domaine impossible à maîtriser pour un auteur, quelque soit son talent…
Certains penseront : Pourquoi ne pas soumettre — *Mettre dans un état de dépendance, proposer à l’examen, ramener à l’obéissance. Soumettre les rebelles — vos manuscrits à des éditeurs ? Pourquoi ne pas prendre le circuit classique de l’édition ?
Je vous ai répondu en ce qui me concerne après l’ * ci-dessus.

Attendre le retour d’un improbable « comité de lecture » au mieux six mois après l’envoi d’un manuscrit ? Manuscrit qui, s’il a la « chance » d’être publié, le sera sans véritable travail de relecture et de correction, « trop coûteux » – Une fois publié au format livre broché il restera 3 semaines sur les rayons des libraires avant le retour à la case départ, pour finir au pilon. Toute cette mise en scène pour gagner à peine 5% des ventes — s’il y en a — ce n’est pas non plus un conte de fée. D’autant que les journaux, les revues littéraires, les auteurs déjà édités ne cessent d’écrire chaque année des articles sur leur précarité grandissante.
En se libérant des délais qu’impose le processus de fabrication des livres, la publication sur le web tend à abolir la distance entre l’auteur et ses lecteurs en rapprochant le temps de l’écriture de celui de sa lecture.









































