Catégorie : Notes de lectures

Nous lisons parce que, même si lire n’est pas indispensable pour vivre, la vie est plus aisée, plus claire, plus ample pour ceux qui lisent que pour ceux qui ne lisent pas.

— Antoine Compagnon

  • Du domaine des Murmures

    Du domaine des Murmures

    De Carole Martinez

    Une tragédie, avec toute la désespérance de ces histoires vouées à un destin fatal.

    L’histoire en quelques mots :

    En 1187, Esclarmonde refuse le mariage arrangé voulu par son  père. Elle tourne le dos aux traditions de l’époque, aux convenances de son rang et le jour de ses noces dit non à Lothaire de Montfaucon. Elle ne veut pas être sous les ordres d’un seigneur, d’un maître. Elle demande à vivre une vie de recluse et s’enterre vive dans une cellule de 4 m2 avec une fenestrelle pourvue de barreaux, attenante  à la chapelle du château. Le matin juste avant son emmurement, un homme la viole dans la forêt. Esclarmonde se tait et commence sa vie de recluse.

    Quelques mois passent et l’enfermée donne inexplicablement naissance à un garçon. Si elle sait que cette conception n’a rien d’immaculé, son entourage, lui, crie au miracle : « Je n’avais pas menti, je m’étais contentée de taire une vérité que personne n’avait envie d’entendre, et mon silence m’avait offert un espace blanc à brader, un vide dont chacun s’était emparé avec délice. » Le monde extérieur la considère comme une sainte. Elle devine les âmes et reçoit les confidences des pèlerins qui viennent à elle ou lui laissent des messages grâce au « réseau des emmurées ».
    « Je n’avais jamais tant reçu, tant parlé. » Depuis sa petite fenêtre aménagée dans ce qui ressemble à un tombeau, la jeune fille de 15 ans devient celle par qui le bien arrive, celle qui offre la rémission des péchés et auprès de qui la communauté se purifie.

    Cet enfermement est pour elle une évasion. À 15 ans, elle dit non à son père et se soustrait au joug de la condition de femme du XIIe siècle.
    Ce qu’elle qualifie de « mort » est pour elle  un espace de vie : elle force l’existence à lui offrir une place dans un monde gouverné par les hommes et la religion.

    Seulement ce qui semble un temps une forme d’évasion va se révéler insupportable, et le mot tombeau, enterrée vivante, prendra alors toute la dimension de son horreur. Le choix de ses 15 ans lui deviendra insoutenable. « […] un calvaire dont cette pauvre idiote n’avait jamais rêvé », dit-elle en parlant d’elle-même. Elzéar, son enfant, la quitte car il doit vivre une vie normale et bientôt il ne pourra plus passer par la fenestrelle. Puis un clerc se présente au château et lui demande de faire vœu de silence éternel. Son père a tout avoué sur la naissance de son petit-fils avant de mourir. L’église veut la condamner, veut encore plus, elle veut coudre la bouche pour s’assurer le secret de la naissance de l’enfant.

    « Comment pouvait-on me mutiler ainsi ? J’avais choisi de me clôturer, non de me taire. Cette fois la recluse volontaire se changeait bel et bien en prisonnière et je n’étais plus seulement la captive de la jeune fille de quinze ans qui, n’imaginant son bonheur qu’en Dieu, avait fait ériger cette chapelle, de cette naïve damoiselle des Murmures persuadée de gagner la béatitude et la liberté en s’emmurant vivante, d’une innocente qui ne savait encore rien du monde et ignorait à quel point un être peut changer. »

    Il y aura bien une femme, magnifique, pleine de vie, une véritable alliée qui lui proposera de l’aider. Bérangère, lui dira que rien n’est encore impossible, qu’elle peut sortir de son tombeau, qu’un mur est destructible. Comme on l’aime cette Bérangère, on a envie de l’aider, on a envie de lui trouver des marteaux , des outils efficaces pour enfin détruire cette tombe et libérer la recluse qui ne supporte plus sa condition et se rend enfin compte de l’abomination de son choix. Mais il y a la parole donnée. Elle lui propose alors d’être son émissaire et d’aller voir le pape à Rome pour qu’il la libère de son vœu. Car lui seul peut rouvrir dignement son sépulcre. Mais c’est sans compter sur les villageois rassurés par la présence d’une sainte à proximité, sur ces pèlerins qui ont besoin de se libérer de leurs péchés, Esclarmonde est leur garantie pour le paradis.
    « Que deviendraient-ils si la recluse revenait sur sa parole ? »

    J’ignorais qu’il arrivait que le menu peuple, aveuglé par la terreur, commît des meurtres pour qu’un saint ne quittât pas son pays.

    esclarmondeOrigine et étymologie de ESCLARMONDE:

    Esclarmonde est un prénom féminin issu de l’occitan esclarmonda, c’est-a-dire « éclaire le monde ». Ce prénom fut très répandu jusqu’à la fin du Moyen Âge dans toutes les régions d’Europe grâce à la chanson de geste Huon de Bordeaux dans laquelle le héros, protégé par le nain Obéron, réussit à conquérir Esclarmonde. Il est aujourd’hui assez rare.
    Esclarmonde célèbres : Esclarmonde de Foix, et plusieurs autres Parfaites du catharisme.

    Un conte médiéval, un souffle épique

    Mon avis de lectrice

    plume-et-encrier

    Une belle écriture, un beau souffle, le livre se lit facilement et nous emporte rapidement à cette époque lointaine du Moyen âge. Il nous donne une vision de ce moment de l’histoire, juste (bien documenté) et sans grande envie d’y retourner. Le sujet est intéressant, la condition des femmes de cette époque, la place imposante de la religion. Si l’auteure ne s’était pas lancé dans la surenchère aux souffrances elle aurait pu ravir totalement mes heures de lecture.

    C ‘est une tragédie, avec toute la désespérance de ces histoires vouées à un destin fatal. À travers le choix de l’emmurement, Esclarmonde va vivre une vie de recluse. Prisonnière à vie mais sans les régulières sorties et déplacements accordés à des prisonniers entre guillemets normaux. Un choix extrême, insupportable pour le commun des mortels. À travers cet état d’enfermement volontaire il y avait déjà beaucoup à dire. Pourquoi surenchérir avec le supplice de l’enfant, le viol, le vœu de silence. Vous me direz cela aurait fait un autre livre, et ces choix apportent des questions et une évolution au personnage. Cela lui permet de se rendre compte de l’horreur de son choix. C’est vrai, mais tout ce vocabulaire autour de la souffrance, de la douleur, de l’horreur, éveille chez moi une sorte de rejet. C’est un univers beaucoup trop sombre.

    bisnounours

    Notre époque aime particulièrement les univers sombres et torturés que ce soit au cinéma, à la télévision ou dans les livres. Je recherche autre chose dans les pages d’un livre. Je ne dis pas non plus que je ne désire lire que des livres qui se passeraient au pays des Bisnounours, un pays féerique, une histoire sans danger ne sont fidèles à aucun monde … cependant …
    Ce genre de lecture ne m’apporte rien, ne m’ouvre aucune fenêtre, ne répond à aucune de mes questions, ne me fait ni rêver, ni voyager. Mon avis ne concerne bien sûr que moi, ce livre a eu de nombreux prix, il ne sera pas en danger avec mes mots. Je sais de par mes efforts pour trouver quelque chose à lire, que mes goûts ne sont pas communs, ce n’est ni orgueil, ni sentiment de supériorité de ma part, c’est juste un constat.

    Dans la lecture je cherche l’évasion, je cherche à m’échapper du goût pour le morbide de notre civilisation, je cherche l’ouverture, des aspirations nouvelles, des notes d’espoir.

    Ceci est mon avis de lectrice, à un âge de la vie plus avancé que celui d’Esclarmonde et des collégiens qui l’ont beaucoup apprécié. Peut-être qu’à 15 ans j’y aurais trouvé des réponses, j’aurais vu le Moyen Âge sous un autre regard que celui des historiens classiques. À travers une histoire tout est plus clair. Tout semble plus vrai. J’aurais compris le danger des religions, le danger des choix extrêmes à un âge où on est en perpétuel changement et sous influence.

    Ceci pour dire que c’est un bon livre, bien écrit, sensible, extrêmement dramatique. Et qu’il porte sur des questions et des réflexions intéressantes et profondes. Mais aujourd’hui je cherche autre chose dans la lecture et après des journées remplies de famille et de travail, cernée par des actualités toutes plus sombres les unes que les autres, je cherche des livres porteurs de lumière, même si dans leur contenu il peut y avoir des passages difficiles. Il faut que le fond porte de la lumière.


    Échange sur le livre avec Sido

    Sido — Un livre inoubliable…
    Marie — C’est vrai, difficile d’oublier un tel destin. Carole Martinez est une raconteuse d’histoire et nous emporte très vite aux cotés d’Esclarmonde. Cependant c’est un univers très sombre pour lequel je ne développe pas une grande affinité en ce moment. Même si en effet c’est une incroyable histoire, très bien écrite, j’ai envie de lire autre chose. Il y a des jours comme ci et d’autres comme ça … j’ai envie de sourire avant de m’endormir.
    Sido — Je comprends, c’est très oppressant. Je me souviens l’avoir lu d’une traite, ainsi j’ai évité à l’angoisse de trop s’immiscer…
    Marie — C’est peut-être une bonne façon de la lire. La lecture en soirée, (ce rendez-vous quotidien du soir), dans cet univers sombre et pesant, après une journée parfois difficile m’a été à certains moments indigeste. C’est une  histoire qui ne laisse pas indifférent, l’extrémisme de la religion, le peu de choix des femmes, les guerres et les violences… tout un pan de notre civilisation. Qui n’est d’ailleurs pas encore totalement révolu, même s’il se vit autrement. Ce qui m’a parfois gêné c’est la surenchère aux violences, à la noirceur, certains passages auraient pu être évités ou traités autrement. Mais heureusement on a le droit de sauter des pages, le droit de ne pas finir un livre … (*Daniel Pennac).
    Sido — Je suis entièrement d’accord avec vous. C’est un peu le travers du style d’aujourd’hui, beaucoup de livres sont pressentis pour devenir des scénarios de cinéma et doivent répondre à certains critères. Cette histoire c’est le symbole de « l’enfermement » de la femme, dans un sens propre et figuré, en tant que femme on vit dans une tour, murée ou non, psychologique, conscient ou inconscient. Beaucoup de femmes doivent se battre au quotidien pour passer outre des murs visibles ou invisibles…souvent impalpables, mais réels. C’est le livre de la dignité et du Courage, de la douleur physique et morale anesthésiée, soulagée par la croyance en quelque chose de plus grand que soi. Mais loin de moi l’idée d’une supériorité quelconque de la femme. Et Pennac a tout à fait raison ! C’est un homme que je respecte profondément. Il y a un livre que j’ai trouvé insoutenable ainsi, c’est Les Bienveillantes de J.Littell. Je ne suis pas allée au-delà des 20 ou 30 premières pages. Intéressant de savoir la limite entre ce qui est descriptible ou pas. Vaste débat.

    Réflexion autour de l’univers du livre

    « Du Domaine des Murmures » de Carole Martinez, professeur de Français a eu le prix des Collégiens. Pour comprendre l’engouement des jeunes pour le livre, j’ai lu des critiques et écouté divers vidéos avec l’auteure. J’ai entendu dire qu’au départ il était passé inaperçu (c’est assez facile dans le flot des nouveautés quotidiennes qui s’amoncellent sur les tables des libraires) et que grâce aux avis de libraires enthousiastes il avait eu droit à une nouvelle couverture flambante rouge et à une bande concernant ses nombreux prix littéraires. Donc avant le prix des Collégiens il a eu la faveur des libraires, des adultes. Deuxième couverture, deuxième édition, succès. Cette anecdote m’interroge sur le pourquoi et le comment des succès de librairies, des mises en avant de certains livres. Cette interrogation n’a pas un rapport particulier à cette lecture, c’est une question que je me pose devant les livres mis en avant sur les tables des librairies.

    Sommes-nous totalement libres de nos choix de lecture ?


    + (cette réflexion n’a pas de rapport direct avec le livre ci-dessus qui est écrit par une auteure Française, c’est un questionnement personnel)

    Le choix des Éditeurs

    ? […] C’est ainsi, nos éditeurs ont choisi de prendre ailleurs ce qu’ils ont pourtant sous la main ! Ici des milliers d’auteurs sont ignorés. Disons le tout haut, un auteur sans relation ne peut pas être pris dans une grande maison d’édition. Quant au mythe du manuscrit arrivé par la poste et publié chez un gros éditeur, cela relève du conte de fées comme de gagner à l’Euro millions.
    Bien entendu, on ne fera pas un esclandre à propos de Philippe Picquier, un éditeur qui a choisi de faire découvrir l’Asie au public français. Mais pour les autres, il y a de quoi être irrité. Voyez-vous, en France on traduit tout, et ailleurs, notamment chez les Anglo-Saxons, quasiment rien. À l’exception de l’Italie qui aime bien les auteurs français et à qui nous rendons mal la pareille, la littérature française est devenue marginale dans le monde. D’une prétendue supériorité nous sommes à présent tombés dans un autre postulatum, nous voilà à renier notre importance révolue et pire encore, notre futur. Nos propres éditeurs émettent une sentence dédaigneuse contre les auteurs français. Tous occupés à leur mercantilisme, ils rejettent leurs compatriotes en méprisant leurs œuvres, ils passent ainsi à côté d’une chose essentielle, la préservation de la littérature française.

    Article du BibliObS

    En France les éditeurs se passionnent pour la vie de nos politiques. Il suffit de pénétrer dans la plupart des librairies pour le voir.
    Exemple : Le  livre de Cécilia Attias ?
    Est-elle passée par un comité de lecture comme tout auteur édité dans une grande maison d’édition ?
    En tout cas la télévision ne manque pas de lui faire un maximum de publicité. Il paraît qu’elle arrive au top des ventes. Soit sa plume est remarquable, soit notre société est assoiffée des potins de nos dirigeants. Je n’ai pas la réponse … juste une question :
    Qu’est-ce qu’être auteur aujourd’hui en France ?

  • Rosa candida

    Rosa candida

    d’Audur Ava Ólafsdóttir

    Roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsso

    Rosa candida

    Dans un Eden oublié du monde et gardé par des moines dont le Frère Thomas un moine cinéphile, « Lobbi » va trouver le sens de sa vie et nous emporter dans une douceur des jours et des nuits.

    J’ai adoré ce livre, tant aimé retrouver ce jeune homme le soir après ma journée et le suivre dans ses questionnements et son voyage. Mes jours se sont teintés durant cette lecture d’une aura d’une incroyable douceur. Mon rythme s’est ralenti et la vie m’est apparue différente. Comme s’il m’était offert de cheminer un court instant près d’un ange. Je ne peux que vous conseiller de le lire, dans le brouhaha incessant du monde, les mots et l’histoire d’ Audur Ava Ólafsdóttir sont une musique de l’âme qui réenchante la vie.

    sommet

    L’histoire commence en Islande, dans un paysage de laves couvertes de mousse. Arnljotur, appelé « Lobbi » va quitter sa maison de naissance ou vivent son frère jumeau autiste et son vieux père. Doué pour les études (son père ne manque jamais de lui rappeler)  il rêve d’une vie de jardinier.

    « Maman avait parfois l’idée, en pleine nuit d’été , de sortir travailler au jardin ou bricoler dans la serre. C’était comme si elle n’avait pas besoin de dormir comme tout le monde , surtout en été. Lorsque je rentrais la nuit, après une sortie avec les copains, maman était dans le parterre avec son seau en plastique rouge et ses gants de jardinage à fleurs roses, pendant que papa dormait sur ses deux oreilles. […] Maman me disait bonjour et me regardait comme si elle savait sur moi quelque chose dont je n’avais pas idée moi-même. »

    fontaine

    Sur le continent, dans un pays voisin, il y a une roseraie légendaire rattachée à un ermitage et qui ne demande qu’à être sauvée de l’abandon. Le frère Thomas a passé une annonce pour trouver un jardinier qui ferait revivre son éclat. Lobbi a répondu à son appel et nous le suivons dans son voyage vers cette roseraie.

    Dans ses bagages il a emporté deux ou trois boutures de Rosa candida, une passion qui le liait à sa mère…

    Dans la serre ou sa mère cultivait cette rose rare à huit pétales il aura vécu un instant d’amour éphémère mais profond.  

    Dans cette roseraie du continent qu’il rejoint après avoir traversé une très longue forêt et rencontré des personnages singuliers il va se retrouver face à un acte important de sa vie.  Ana et sa petite fille, le retrouveront là-bas …

    Je suis bien obligé de me demander comment deux personnes, qui ne se connaissent pas, ont pu faire pour fabriquer un enfant aussi divin dans des conditions aussi primitives et inadéquates que celles d’une serre. Il s’en faut de peu que je n’éprouve du remords. Plein de gens ont tout juste, se courtisent de manière constructive, accumulent peu à peu les biens du ménage, fondent un foyer, ont la maturité nécessaire pour résoudre leurs différends, paient leurs traites à échéance et n’arrivent quand même pas à fabriquer l’enfant dont ils rêvent.

    L'ange

    Ce jeune homme (le narrateur) ressemble à un ange et nous murmure une douceur de vivre difficile à quitter. Doux et attachant, affectueux avec ses roses et son enfant conçus dans une serre, Lobbi  vit avec une étrange plénitude, à l’image de sa mère, dans l’accueil simple et émouvant de la vie. Un  personnage masculin éloigné des clichés du héros mâle à la mode ( pour notre plus grand plaisir ).

    Le livre est un voyage  en forme d’initiation à la vie adulte dont « Lobbi » sortira plus ingénu que jamais. Mais cette façon si peu commune et si douce de traverser les remous de l’existence est comme un appel … on a envie de suivre ses pas et de ne plus les quitter…


    PRESSE

    Ce merveilleux roman, au héros plein de candeur qui s’initie petit à petit à la vie adulte, réussit ce que tout lecteur attend d’un livre, être mis en apesanteur quelque part à l’abri du temps qui passe, dans un état de parfaite innocence et de félicité.
    – Librairie L’Usage du monde


     Incontestable réussite littéraire, Rosa candida démontre qu’une grande subtilité s’énonce parfois simplement. Sa gourmandise de détails et de petits événements, dont la beauté aussitôt fanée nourrit la mémoire des personnages comme du lecteur, est contagieuse.
    Le Monde des livres

    EXTRAITS

    Est-ce qu’un homme élevé dans les profondeurs obscures de la forêt, où il faut se frayer un chemin au travers de multiples épaisseurs d’arbres pour aller mettre une lettre à la poste, peut comprendre ce que c’est que d’attendre pendant toute sa jeunesse qu’un seul arbre pousse ? » « Ma perception des passants en tant que corps me dérange et si je n’y mets pas bon ordre, elle pourrait m’empêcher d’avoir des relations normales avec les gens et d’apprendre leur idiome comme j’en ai l’intention. Je prends toutefois bien soin de ne heurter personne, car je ne saurais demander pardon dans cette nouvelle langue. Maman était d’ailleurs comme ça, tout axée sur le contact physique, elle me tenait toujours quelque part quand nous nous parlions. J’avais du mal à rester tranquille quand j’étais enfant, j’avais la bougeotte.

    Il y a des épilobes roses qui poussent, par-ci par-là, sur la grève de sable noir. Je trouve qu’il est important qu’une personne élevée au milieu de la forêt comprenne précisément cela, qu’une fleur puisse pousser ça et là, toute seule sur une dune de sable noir et parfois dans le canyon d’une rivière, toute seule là aussi. Dès que je nomme l’épilobe, je deviens un peu sentimental. Est-ce qu’on les cueille, ces fleurs-là ? » « Comment dit-on infini ? Si je pouvais dire infini, je pourrais mener la conversation vers des domaines abstraits. La comédienne me tend la perche.
    — Intemporel ?
    — Non, pas tout à fait.
    — Immortel ?
    — Oui, je crois, dis-je, immortel.
    — Cool, dit-elle.
    Il me vient alors à l’idée que je pourrais aussi évoquer l’effet d’imprimer dans la neige craquante les premiers pas du jour.


    — Rosa gallica, rosa mundi, rosa centrifolia, rosa hybrida, rosa multiflora, rosa candida, énumère frère Matthias. Tandis que je le parcours avec lui, « Le Merveilleux Jardin des Roses Célestes », tel qu’il est nommé dans les vieux livres, prend corps peu à peu dans mon esprit. Il va falloir commencer par arracher les mauvaises herbes et tailler les plantes — ce qui pourrait prendre deux semaines en travaillant dix heures par jour ; ensuite il faudra élaguer et planter à nouveau. Je choisis déjà un endroit abrité et ensoleillé pour la nouvelle espèce de rose que je vais ajouter. Elle ne sera peut-être pas très visible au début et ne fleurira pas tout de suite, mais ici sont justement réunies les conditions et la lumière pour qu’une nouvelle variété de rose inconnue se mette à pousser dans le terreau fertile.


    Audur Ava OLAFSDOTTIR

    Audur Ava Ólafsdóttir est née en 1958. Elle a fait des études d’histoire de l’art à Paris et a longtemps été maître-assistante d’histoire de l’art à l’Université d’Islande. Directrice du Musée de l’Université d’Islande, elle est très active dans la promotion de l’art. À ce titre, elle a donné de nombreuses conférences et organisé plusieurs expositions d’artistes.

    Rosa candida, traduit pour la première fois en français, est son troisième roman après Upphækkuð jörð (Terre relevée) en 1998, et Rigning í nóvember (l’Embellie, Zulma 2012) en 2004, qui a été couronné par le Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík.

    Audur ava Olafsdottir

    Rosa candida a reçu en Islande deux prix littéraires : le Prix culturel DV de littérature 2008 et le Prix littéraire des femmes (Fjöruverðlaun). En France, il a été finaliste du Prix Fémina et du Grand Prix des lectrices de Elle. Il a reçu le Prix PAGE des libraires en France et le Prix des libraires au Québec.

    Ce roman a également été traduit en anglais, danois, allemand, néerlandais, espagnol. Il est en cours de traduction en tchèque, finnois et italien. Audur Ava Ólafsdóttir vit à Reykjavík. Elle vient de publier son dernier roman en Islande.


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  • Lira bien qui lira le dernier

    Lira bien qui lira le dernier

    Hubert Nyssen

    lira-bien-qui-liraS’adressant à une lectrice imaginaire, Hubert Nyssen, fort de sa double expérience d’écrivain et d’éditeur, passe au tamis les craintes, les espérances, les prévisions et les prophéties qu’inspire la supposée crise du livre.

    Déjà je peux commencer par dire que j’ai lu tout le livre, ( un exploit,  par rapport à mes deux précédentes lectures concernant le prix des lectrices). Cette  façon qu’à l’auteur de s’adresser à une lectrice imaginaire apporte tout de suite une intimité qu’on se plaît à retrouver chaque jour. On vit une conversation intimiste, profonde, parfois drôle sur un sujet vaste et intéressant (le milieu du livre et de l’édition). La parole d’Hubert Nyssen si concerné et impliqué  par la vie du livre  nous emporte dans sa passion jusqu’à la dernière phrase . Je me suis souvent imaginée près d’un feu,  c’est une lecture que j’ai faite cet hiver, dans un fauteuil confortable et  face à un homme ( un vieil ancêtre lointain ) avec qui j’avais rendez-vous chaque soir. Au fil des heures passées à l’écouter, il me révélait une partie de ce trésor familial si bien caché depuis des millénaires. Les mots partagés m’ont permis de découvrir ces couloirs parfois interdits de notre vieille maison d’édition si fascinante…

    Ce qui semble être central dans cette réflexion :
    Hubert NyssenLa littérature (et par-delà, la lecture) ne se survivra que si elle est exigence, travail et désir. Exigence sur la qualité des textes publiés, sur la capacité des auteurs et des critiques à lire (à l’exemple de Max-Pol Fouchet qui disait lire trois fois chaque livre  : une fois pour en prendre connaissance, une fois pour l’analyser, et une fois pour le confronter aux commentaires qu’il s’apprêtait à faire) ; exigence sur la langue. L’avenir de la lecture est sans doute lié au sort que nous réserverons à la connaissance des langues et à la pratique du langage.

    Thierry Ermakoff

    Extraits :

    Mon vœu est pour souhaiter des écrivains indifférents aux modes, des éditeurs affichant dans leur raison sociale ce qu’ils sont, des éditeurs littéraires, et des libraires reconstituant des lieux de rencontre […]

    […] des bibliothèques aux façades illuminées et aux portes ouvertes jusque tard dans la nuit, où on pourrait consulter les livres sous des lampes aux abat-jour verts, poser des questions sans souffrir de paraître ignorant […]

    Un livre en appelant parfois un autre, j’ai lu dans la lancée « Petits bonheurs de l’édition » de Bruno Migdal et « Une histoire de la lecture » d’Alberto Manguel (je ne l’ai pas encore terminé, je le lis par vagues d’envies…).

    une_histoire_de_la_lectureJe suis convaincu que nous continuerons à lire aussi longtemps que nous persisterons à nommer le monde qui nous entoure.
    Alberto ManguelLa bibliothèque de Robinson

  • Bilbo le Hobbit

    Bilbo le Hobbit

    Souvenir de lecture…

    plume-et-encrier

    Lorsque je rentrais du collège par des petites rues de la ville pour aller chez ma grand-mère, où mes parents venaient me récupérer certains soirs, je passais toujours devant une librairie où s’empilaient des livres dans un désordre fascinant. C’est là qu’un soir j’ai découvert sur une pile de livres fraîchement arrivés, « Bilbo le Hobbit » de J. R. R. Tolkien. Le résumé m’a captivée. Tout mon argent de poche y est passé mais je venais d’ouvrir les portes d’un monde qui ne me quitterait plus. Pas uniquement l’univers de Tolkien, mais le monde imaginaire et enchanteur des livres.

    Après ce passage dans l’antre passionnante de la lecture, je partageais avec ma petite sœur un délicieux goûter que ma grand-mère ne manquait jamais de nous préparer. Je me souviens encore de ce bonheur qui se lisait sur son visage lorsqu’elle nous voyait franchir le petit portail de sa cour intérieure, bien souvent elle nous attendait sur le seuil de sa porte. Ce qui me manque aujourd’hui, c’est son oreille attentive à mes passions et divagations, elle n’arrêtait pas de sourire et de rire aux anecdotes du jour que j’agrémentais avec entrain. J’ignorais à cet instant que son visage radieux et bienveillant deviendrait l’un des souvenirs les plus doux de ma mémoire, ressurgissant les jours sombres — quand le doute m’envahit — pour m’envelopper de sa tendre présence et rallumer ma flamme.

    Pour moi, Bilbo restera à jamais associé à ce moment de mon enfance où j’avais encore mes ailes d’ange, car je survolais la vie avec une légèreté paisible et émerveillée, certainement grâce au charme insouciant de la jeunesse et à la présence bienveillante de ma grand-mère.

    Le Hobbit est le premier récit publié par J. R. R. Tolkien, linguiste et professeur d’université, en 1937. Il l’a d’abord composé pour ses enfants, auxquels il destinait cette histoire tirée de l’univers qu’il imaginait depuis plus de vingt ans. Christopher, son fils cadet, est le premier destinataire de ce récit. Enfant, il était aussi le premier auditeur de son père. Il l’aidait à consigner son texte.

    Ce roman raconte l’histoire de Bilbo, un Hobbit, entraîné malgré lui dans la quête d’un trésor gardé par un dragon. Il y est emmené par des nains et un magicien nommé Gandalf. « La Terre du Milieu», cadre des aventures du Seigneur des anneaux, se dessine, le fameux anneau apparaît pour la première fois. La petite histoire dit que le fils de l’éditeur anglais Stanley Unwyn fut chargé de faire une fiche de lecture pour convaincre son père du bien-fondé de publier ce roman à destination de la jeunesse.

    Le succès fut quasi immédiat dans les pays anglo-saxons. En France, il fut publié en 1969 chez Stock, dans une collection visant un public adulte. Puis, en 1976, dans la Bibliothèque verte, pour les enfants.

  • Le boulevard périphérique

    Le boulevard périphérique

    Je suis une sorte d’intellectuel nerveux, au cerveau sans cesse en érection, au désir vite allumé, pris constamment entre des contradictions insolubles dont je me dis parfois, quand je l’ose qu’elles font ma richesse.
    — Henry Bauchau

    Le boulevard périphérique

      Je n’ai pas terminé non plus « Le Boulevard Périphérique » d’Henry Bauchau, bien que je sois allée un peu plus loin dans ma lecture (page 170) qu’avec le livre de Julie Otsuka. Mais l’univers triste et sombre, parfois extrêmement pesant qui anime les pages m’a donné envie de fuir, j’ai fermé le livre. Je ne suis cependant pas certaine qu’à un autre moment de ma vie je n’éprouve pas le désir d’aller jusqu’au bout, je ne sais pas, peut-être…

    Aujourd’hui rien ne m’oblige à lire ces lignes, et c’est vrai qu’en ce moment je n’ai pas de goût pour ces mots qui emportent dans la tristesse, l’incompréhension et l’injustice de la vie. Il aurait fallu un petit trait de lumière, une petite pousse d’espoir au milieu de tous ces destins sombres, pour que je puisse continuer à tourner les pages. Je n’ai pas senti d’espérance, contrairement à ce que dit le résumé de l’éditeur.

    Entre le trouble du narrateur pour Stéphane qui sera développé d’une manière ou d’une autre tout le long du livre, la guerre, la maladie de la belle-fille, la confrontation régulière avec les démons de Shadow le SS, il n’y a de place que pour des questionnements et des doutes qui tournent les uns autour des autres jusqu’à donner le vertige. Et même si l’ensemble est bien écrit, cette attirance pour le trouble et l’obscur, pour les contradictions insolubles, finit par peser lourd…
    Je peux lire des livres dramatiques mais je n’arrive à aboutir ma lecture que s’ils sont porteurs d’espérance. Il faut qu’à un moment ou un autre, d’une manière ou d’une autre un éclat de lumière traverse quelques lignes, qu’on puisse sentir un peu de ce vent du large qui ouvre l’horizon. Disons que ce sont mes conditions, mes convictions, une envie de ne pas retrouver dans les livres ce goût de notre société pour le morbide et la déprime.

    Finalement ce n’est pas si simple de faire partie d’un prix et d’avoir une liste imposée de livres à lire. Cependant il faut aussi reconnaître qu’on y croise des personnes passionnantes et passionnées et qu’on découvre également des livres et des auteurs qu’on aurait peut-être jamais croisés ou alors bien plus tard. Même si je n’ai pas le même enthousiasme pour chaque livre, la découverte de chacun, ne serait-ce que pour quelques pages, m’ouvre de nouvelles fenêtres sur la vie.

    DélugeJe me suis souvenu récemment que j’avais déjà lu un livre de cet auteur et que je l’avais terminé avec difficulté. Il s’agit du « Déluge » : l’histoire d’un  peintre vieillissant, instable, fou et pyromane qui brûle et regarde se consumer ses propres dessins. Je n’arrive pas à entrer dans ce genre d’univers ou peut-être n’en ai-je tout simplement pas envie.

    Biographie de Henry Bauchau

    h-bauchauHenry Bauchau est l’auteur d’une œuvre aussi riche que tardive. Ce n’est qu’à l’âge de 45 ans qu’il publie son premier livre. C’est en effet au lendemain de la guerre, que ce psychanalyste Belge, né à Malines, est venu à l’écriture.

    Henry Bauchau, est psychanalyste, poète, dramaturge et romancier belge de langue française. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, il a vécu à Paris de 1975 à sa mort en 2012.

    Il commence par étudier le droit à la faculté de Louvain. Mobilisé en 1939, il effectue la campagne des 18 jours en mai 1940, s’engage en 1943 dans l’Armée secrète et combat avec le maquis des Ardennes. Après la guerre, en Belgique, il fonde une maison de distribution et d’édition. Mais le plus important c’est qu’à la suite d’une dépression, de 1947 à 1950, Henry Bauchau suit auprès de Blanche Reverchon (épouse du poète Pierre Jean Jouve et une des premières traductrices de Freud en France) une analyse qui va l’apaiser et le transformer. Vie d’avocat, de directeur d’une école de jeunes filles, de professeur d’histoire de l’art, de psychanalyste, puis enfin de poète avec Géologie, son premier livre édité.

    La carrière d’écrivain d’Henry Bauchau commence mais son public est très restreint. Il lui faudra attendre 1 990 et son livre Œdipe sur la route pour qu’un public plus large le découvre. Ariane Mnouchkine adapte sa pièce Gengis Khan. Aussi à l’aise dans le genre romanesque – La Déchirure, La Dogna, Le Régiment noir – que dans la poésie – L’Escalier bleu, La Pierre sans chagrin -, il est aussi l’auteur d’un Essai sur la vie de Mao. Il publie en 2007 Le Boulevard périphérique, prix du livre Inter 2008, puis L’enfant rieur (2 011) et Temps du rêve (2 012).

    Il meurt le 21 septembre 2012 à Paris, à l’âge de 99 ans. Son dernier ouvrage est sur Blanche Reverchon et Pierre-Jean Jouve, Pierre et Blanche.

    Si vous voulez en savoir plus sur cet auteur, vous pouvez regarder cette vidéo dans laquelle il parle de son oeuvre : http://www.sonuma.be/archive/henry-bauchau

  • Certaines n’avaient jamais vu la mer

    Certaines n’avaient jamais vu la mer

    de Julie Otsuka, traduit par Carine Chichereau, Phébus
    En ce qui concerne le Prix des lectrices, j’ai tout de même trouvé des moments pour lire quelques livres de la liste.

    L’extraordinaire histoire de l’émancipation des femmes japonaises, passant d’un statut féodal particulièrement contraignant à une vie épanouie de femme du XXe siècle »  été en grande partie le fait des journaux féministes du Japon dont le premier dut son existence à « une campagne menée vers 1920 afin d’obtenir pour les jeunes filles le droit de refuser un mari syplilitique.
    Cf. La presse féminine d’Evelyne Sullerot, collection Kiosque d’A.Colin.

     Qui n’aurait pas honte aujourd’hui de voir que les femmes ont dû se battre pour échapper à un sort aussi scandaleux ?

    Certaines n'avaient jamais vu la merJ’ai lu la moitié du livre de Julie Otsuka, « Certaines n’avaient jamais vu la mer ».
    Le « nous » impersonnel que l’auteure emploie pour parler de ces immigrantes japonaises qui débarquent aux Etats-Unis et le style qui ressemble à une longue et lancinante énumération ont eu raison de mon courage qui voulait aller jusqu’au point final. Je me suis arrêtée à la page 64, juste avant le chapitre « Naissances ».

    Je ne me permets pas de porter un jugement sur le destin terrible de ces femmes vendues et abandonnées, (destin Ô combien injuste et douloureux),  c’est la façon de traiter le sujet qui ne m’a pas convaincue. Faire parler un choeur de femmes était une idée lumineuse mais il manque à ce choeur un sentiment d’humanité. On est envahi par un flot incessant de paroles qui finit par lasser et rend invisible la plainte véritable de ces vies sacrifiées. Après quelques lignes les voix  se mélangent et s’annulent les unes les autres, la monotonie s’installe. Il aurait fallu une voix unique par-dessus ce choeur, une voix que l’on aurait suivi du début à la fin, une voix qui par moment aurait remplacé « le nombre » pour s’approcher du lecteur et lui murmurer sa solitude et sa grande détresse. Il manque à ce choeur son coryphée (celui qui conduisait le choeur dans les tragédies antiques). Choeur – Coryphée, l’un ne va pas sans l’autre, c’est l’alternance des deux qui donne toute la dimension aux tragédies. J’aurais aimé qu’une voix s’élève au-dessus des autres et nous guide dans cette énumération impersonnelle. Mais voilà, c’est un avis, juste mon avis et mon ressenti. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir du respect pour l’auteur qui dénonce une atrocité de notre humanité.

    Biographie Julie Otsuka

    https://i0.wp.com/i39.servimg.com/u/f39/11/59/18/67/20022510.jpgJulie Otsuka est est une écrivain américaine d’origine japonaise née en 1962 en Californie. Elle vit à New York. Diplômée en art, elle abandonne une carrière de peintre pour l’écriture. Elle publie son premier roman en 2002, Quand l’empereur était un dieu largement inspiré de la vie de ses grands-parents ( l’ évocation des camps où 110.000 citoyens américains d’origine japonaise ont été internés aux Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbour ). Son deuxième roman, Certaines n’avaient jamais vu la mer a été considéré aux États-Unis, dès sa sortie, comme un chef-d’œuvre.

    Le livre – Au début du XIXe siècle, un bateau venu du Japon se dirige vers San Francisco. A son bord, des jeunes filles qui ont quitté leur pays pour rejoindre leur futur époux. Après une longue traversée, elles découvrent à la place des princes charmants dont elles rêvaient des paysans beaucoup moins séduisants que sur les photos qu’ils ont envoyées. Elles vont réaliser la manipulation dont elles ont été victimes mais trop tard car elles n’ont pas de billet de retour. Le rêve se transforme en cauchemar car les hommes rudes et brutaux les feront travailler sans relâche.

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