Nous lisons parce que, même si lire n’est pas indispensable pour vivre, la vie est plus aisée, plus claire, plus ample pour ceux qui lisent que pour ceux qui ne lisent pas.
Un livre de Sylvain Tesson – auteur que j’aime beaucoup – emboîter ses pas sur les chemins de traverse…
[…] prendre la poudre d’escampette, disparaître, défendre le monde que l’on aime en se dissimulant… j’ai envie d’en faire un principe d’existence.
[…] nous sommes d’abord les disciples du sol. Je ne crois pas qu’on soit tout à fait le même quand on vit dans le calcaire que lorsque l’on vit dans le granit.
[…] chercher les interstices où une dissimulation est possible. Je crois que cette dissimulation est urgente, car nous sommes rentrés dans une époque de surveillance généralisée et consentie. Ce n’est pas nouveau, mais avec le déploiement des nouvelles technologies dans tous les champs de notre existence, nous savons maintenant que nous vivons dans le faisceau, sous l’œil, comme l’œil de Sauron dans Le Seigneur des Anneaux.
— Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson. Extrait d’un Entretien
Quand il était enfant, il souffrait d’insomnie, cauchemardait, hurlait, l’appelait et lui soutenait que lorsqu’elle fermait la porte, ses jambes partaient dans un trou et qu’il devait s’accrocher aux barreaux du lit pour ne pas les suivre. Toutes les institutrices lui avaient suggéré de consulter un psychologue, les voisines hochaient la tête gravement et lui conseillaient plutôt de le mener au rebouteux pour qu’il lui remette les nerfs en place. Quant à son mari, lui, il voulait l’empêcher de monter. C’est toi qui nous le gâtes ! il disait, c’est toi qui le détraques ce gamin ! Bon sang, t’as qu’à moins l’aimer aussi ! T’as qu’à le laisser chialer un moment, d’abord y pissera moins et tu verras qu’y s’endormira quand même…
Elle disait oui oui gentiment à tout le monde mais n’écoutait personne. Elle lui préparait un verre de lait chaud sucré avec un peu d’eau de fleur d’oranger, lui soutenait la tête pendant qu’il buvait et s’asseyait sur une chaise. Là, tu vois, juste à côté. Elle croisait les bras, soupirait et s’assoupissait avec lui. Avant lui souvent. Ce n’était pas grave, tant qu’elle était là, ça allait. Il pouvait allonger ses jambes…
Adaptation du roman d’Anna Gavalda.
Philibert prenait toujours du chocolat au petit déjeuner et son plaisir, c’était d’éteindre le gaz juste avant que le lait déborde. Plus qu’un rite ou une manie, c’était sa petite victoire quotidienne. Son exploit, son invisible triomphe. Le lait retombait et la journée pouvait commencer : il maîtrisait la situation.
– Hé, mais c’était il y a plus de deux siècles ! Les choses ont évolué depuis !
– Changé, c’est indéniable. Évolué… Je… je n’en suis pas certain…
Elle assembla des tuiles aussi fines que du papier à cigarette, figées, fripées, chiffonnées de mille façons, joua avec des copeaux de chocolat, des écorces d’oranges, des fruits confits, des arabesques de coulis et des marrons glacés. Le commis pâtissier la regardait faire en joignant ses mains. Il répétait : « Mais vous êtes une artiste ! Mais c’est une artiste ! »
Le chef considérait ces extravagances d’un autre œil : « Bon, ça va parce que c’est ce soir, mais c’est pas le tout d’être joli… On cuisine pas pour faire du joli, bon sang ! » Camille souriait en griffant la crème anglaise de coulis rouge. Hé, non… C’était pas le tout de faire du joli ! Elle ne le savait que trop bien…
Vous êtes « normal », une personne ordinaire. Ni un criminel, ni un idéologue, ni un monstre pathologique. Un jour, toutes les normes auxquelles vous étiez habitué s’effondrent. Dès lors, vous courez le risque d’être complice des pires choses. Comment l’éviter ? Comment distinguer le bien du mal ? Comment dire « non » ? En essayant d’évaluer la situation. Pour cela, explique Hannah Arendt, il faut penser – et penser par soi-même. Cet acte-là, dit-elle aussi, n’est pas réservé à une élite. Émettre un jugement et prendre ses responsabilités, chacun, quel qu’il soit, peut le faire. Encore faut-il en avoir la volonté…
Est-ce que notre aptitude à juger, à distinguer le bien du mal, le beau du laid, est dépendante de notre faculté de penser ? Tant d’années après le procès Eichmann, Hannah Arendt revient dans ce bref essai, écrit en 1970, à la question du mal. La question que Hannah Arendt pose est : l’activité de penser en elle-même, l’habitude de tout examiner et de réfléchir à tout ce qui arrive, sans égard au contenu spécifique, et sans souci des conséquences, cette activité peut-elle être de nature telle qu’elle conditionne les hommes à ne pas faire le mal ? Est-ce que le désastreux manque de ce que nous nommons conscience n’est pas finalement qu’une inaptitude à penser ?
La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire, aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays imaginaire de Peter Pan.
J’ai lu cet été « Manderley for ever » de Tatiana de Rosnay et j’ai beaucoup aimé. Je ne suis pas particulièrement une lectrice de Daphné du Maurier et cette lecture ne m’a pas poussée à lire de nouveaux livres de l’auteur ; en revanche j’aime les biographies, on apprend beaucoup de choses sur les époques, la façon de vivre des gens, cela donne une autre vision que celle plus impersonnelle d’une page d’histoire.
Le foyer, le milieu où naît Daphné du Maurier est extrêmement privilégié, elle pourrait se satisfaire d’une vie dans le luxe mais elle aspire à autre chose, elle créé, elle s’isole et invente des histoires — qu’on aime ou pas d’ailleurs — peu importe, ce qui est intéressant à découvrir dans le livre c’est son immense passion pour l’univers des mots, l’écriture d’un livre, une passion qui dépassera tout ce qui va traverser sa vie. On fait la connaissance de ses maisons — très importantes, très inspiratrices — de ces lieux où elle aime écrire ; on marche à ses coté et ceux de ses chiens dans les landes sauvages ouvertes sur l’océan.
On est porté par son enthousiasme pour la littérature et son incroyable capacité à imaginer des histoires fantastiques. On découvre sa vie d’épouse, de mère, mais il est certain que Daphné du Maurier aura été avant tout un écrivain.
Une remarquable biographie, bien documentée, qui se lit comme un roman.
Dans l’opulence des présents, il y en a un pour Daphné qui aura une importance particulière. Il n’en a pas l’air, pourtant. C’est un simple cahier long et noir, de plusieurs dizaines de pages. Un journal intime. Écrire. « Rêver-vrai ». S’échapper dans son monde à elle, son propre Pays Imaginaire. Peter Pan lui tend la main. Kiki l’encourage.
L’emplacement était superbe pour bâtir une ville. Il n’y avait qu’à déblayer les bords du fleuve, en abattant une partie de la forêt, de l’immense forêt vierge enracinée là depuis la naissance du monde. Alors abritée tout autour par des collines boisées, la ville descendrait jusqu’aux quais d’un port magnifique, établi dans l’embouchure de la Rivière-Rouge, à quatre milles seulement de la mer.
Ce récit, « Wood’Stown », magnifiquement écrit par A.Daudet sert une histoire fantastique et surprenante qui pourrait servir à ceux qui défendent les forêts. Le végétal a-t-il une âme ?
Suivez le lien ci-dessous pour la lire, la nouvelle est lisible en ebook et mis en ligne sur un site également à découvrir pour son travail autour des textes libres de droits.
Le déménagement touche à sa fin, il ne reste que quelques cartons à emporter avant de dire au revoir au continent. Je suis émue et bouleversée devant le silence et la splendeur de ce lieu qui me captive. Mon seul désir est de vivre pleinement, d’exister, d’être… En emballant mes livres, j’ai redécouvert « Les rêveries du promeneur solitaire » de J.J Rousseau. Relire ce texte s’accorde bien avec ma vie naissante d’insulaire. Je m’accorde encore quelques jours avant de reprendre mes travaux laissés en suspens.
[…] Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser. […]