Étiquette : ÉCRIRE

  • L’écriture fragile et solitaire

    L’écriture fragile et solitaire

    Un être rêveur heureux de rêver, actif dans sa rêverie, tient une vérité de l’être, un avenir de l’être humain.

    « Toutes les images disparaîtront », cette phrase qui ouvre « Les Années » le livre d’Annie Ernaux, renvoie aux images réelles et imaginaires qui nous traversent et à celles qui traversent une époque. Écrire, c’est peut-être sauver les choses qui s’enfuient, comme si c’était le seul moyen de prouver que nous n’avons pas existé pour rien.

    Trois phases se répètent (surtout pour les longs projets) :

    1. Je n’y arrive pas ! Comment vais-je m’y retrouver avec tous ces chapitres et ces corrections, ces re corrections, quel fourbi !
    2.  Je suis sur un nuage, je vis avec les personnages, dans le livre. Ça plane pour moi… Plus haut
    3. C’est épouvantable, pourquoi suis-je allée au bout de cette histoire ?
    […] brûler haut, toujours plus haut pour être sûr de donner de la lumière.

    Avec quelle aisance le rêveur de monde passe de son lumignon
    aux grands luminaires du ciel !

    Gaston Bachelard

    Sur la même table la chandelle et le sablier, deux êtres qui disent le temps humain mais dans des styles combien différents. En réalité, si j’en avais la possibilité, je resterais très longtemps sur un livre… On peut corriger indéfiniment, d’autant plus qu’avec l’ordinateur les possibilités sont infinies. Je resterais volontiers sur un livre, car comme vous l’avez compris avec mes notes précédentes, j’ai peur de la publication. À un moment, il faut bien rendre le livre mais je le sens infiniment revisitable et remodelable.

  • Un chocolat chaud ? En attendant nos publications de Noël

    Un chocolat chaud ? En attendant nos publications de Noël

    Je l’avoue, je suis une fervente admiratrice des histoires de Béatrix Potter, Gabrielle Vincent, Kenneth Grahame, Charles Dickens, Hans.C.Andersen, les frères Grimm, Charles Perrault ; des illustrations d’Arthur Rackham, Warwick Goble, Emma F.Harrison, Gustave Doré,  Edmund Dulac, Jessie W.Smith, Ivan Y.Bilibine, etc. de leurs animaux merveilleux, fantastiques, ils ont enchanté les soirées de mon enfance.

    Je pense qu’une grande partie des choix de ma vie s’est faite en accord avec mes livres de chevet, leurs histoires ont eu une grande influence sur moi.

    Les bois sillonnés par blaireau, les creux d’arbres qui abritent la famille souris, le balai de la sorcière Baba Yaga, le chat du pays des merveilles… Ils sont les habitants de la grande demeure de mon enfance, un domaine « secret » que j’ai fréquenté assidûment et qui m’a offert des heures inoubliables. Des livres magiques, qui réenchantent le monde.

    Lectures d'enfance


    Grâce à eux j’ai pénétré dans le monde imaginaire. Imaginaire ? Cela dépend de l’angle sous lequel on se place. Ne serait-ce pas plutôt un monde parallèle ? Tout mon esprit se confondait avec l’imagination : les moindres événements de ma vie prenaient des allures grandioses, chaque instant était chargé de présages. Tout m’exaltait…


    Cet endroit existe toujours, il est chaleureux et se parfume selon la saison, il est peuplé de compagnes et de compagnons qui ne m’ont jamais quitté et qui m’ont permis d’en rencontrer de nouveaux. C’est avec plaisir que je vous en présente quelques-uns pour cette fin d’année 2017. Avec l’illustrateur Sylvano Bulfoni dont je suis une admiratrice, nous vous mitonnons deux jolies fictions : « Le moulin magique », d’après un conte de la tradition orale et « Le Noël de Minipatte », le premier tome d’une fiction jeunesse tout droit sorti de cet endroit secret.

    Encore un peu de patience et ces deux livres illustrés pourront rejoindre votre table de chevet, ou celle de vos enfants, de vos petits-enfants. Je n’en dis pas plus… À bientôt !

    contes-de-noel
  • J — quelques jours…

    J — quelques jours…

    Dimanche 

    J’écris cet article avec un certain plaisir, j’arrive enfin au bout de la mise en page d’une nouvelle histoire illustrée. Après avoir mis les mains tout le mois dans le cambouis, (code css, langage html, corrections, relectures, illustrations, et j’en passe), je vais bientôt pouvoir partager ce livre.

    Je me suis lancé le défi de mettre en ligne sous format ePub et broché (pour les irréductibles, mais également parce qu’il ne me déplaît pas de voir ces histoires illustrées sur papier) deux fictions jeunesse avant la fin de l’année — le plus difficile étant de trouver l’équilibre parfait entre le texte et l’image…

    Il pleut ce dimanche, aucun regret à rester devant mon ordi pour faire les corrections. L’automne est ma saison bien-aimée (mois de naissance) il est normal qu’elle m’inspire l’heure de la mise en ligne.

    Pour ce jour d’automne, alors que le petit monde des invisibles prépare discrètement la fête de Samhain, j’ai retrouvé une citation qui offre une belle façon de défendre ce à quoi l’on croit et ce que l’on aime.

    Le conte de fée n’est pas mort en 1782. Son esprit s’éternisera en des formes nouvelles tant que la cruauté du monde donnera à tous les jeunes de 7 à 77 ans l’envie de rêver à la défaite des ogres.

    Francis Lacassin 

     

  • Le risque de la publication

    Le risque de la publication

    22 Septembre – C’est l’automne

    feuille d'automne

    Après des jours de cueillette, pommes et poires bien alignées au fond de la remise vont finir de mûrir tranquillement pour adoucir le temps de l’hiver. En attendant elles parfument les premiers beaux jours de l’automne.

    Un petit bilan par rapport à mes articles précédents concernant l’écriture de mon premier roman qui est en cours d’aboutissement, d’accomplissement. Il faut être sûr que les personnages aient tout dit d’eux-mêmes.

    Ce bilan parce qu’à un moment j’ai soulevé l’idée de le publier en roman-feuilleton… L’idée me plaît toujours mais pour le texte qui accapare mes jours et mes nuits depuis un an, je ne sais pas si c’est possible. Le découpage me pose quelques problèmes.

    À ce jour, j’écris à la main, puis à l’ordinateur
    Je rature la première version, la seconde, la troisième, parfois la… etc.
    Ce sera 120 fois s’il le faut !

    Arranger, bidouiller, rafistoler… À la troisième version, munie d’un crayon, je relis mon texte, qui a déjà été corrigé, et je supprime tout ce qui peut être supprimé, tout ce qui me paraît inutile. J’essaie d’éliminer ce qui n’est pas essentiel.

    […] j’essaie de ne pas céder à l’ornement…
    J’ai le sentiment de pétrir une pâte très épaisse.

    Marguerite Yourcenar

    Enfin, je tape la dernière correction sur l’ordinateur et lorsque je pense avoir dit tout ce que j’avais à dire, que je l’ai dit aussi bien qu’il m’est possible, je fais une croix en haut à droite, prêt pour la compilation. Quand on passe de nombreux mois avec des créatures imaginaires on se prend d’affection pour elles. On se met à l’écoute de leurs  voix, on se rend disponible pour elles, ont-elles encore des choses à me dire ? On a un peu de mal à les quitter. Elles ont été si proches et durant tant d’heures…

    Le passage de l’écriture à l’œuvre…

    Publier c’est ancrer socialement son écriture et donc, d’emblée, réfléchir au lieu où le texte sera publié.

    Une question que je me suis sérieusement posée, d’autant que cet été  j’ai eu quelques frictions avec Amazon qui jusque-là diffusait mes livres jeunesse ; mais également parce que j’ai expérimenté les marchés d’été et que le résultat m’a réjoui (pas seulement en terme de vente mais plutôt de rencontre, de proximité avec le lecteur).

    Le retravail du texte s’opère « aussi » en fonction du lieu où le texte va arriver, soit pour le déranger, pour l’atteindre, le toucher… Tant qu’on ne publie pas on peut se permettre de rester dans les nuages, de jouer avec les mots, les règles, les contraintes pour le plaisir — pour son propre plaisir. « Mais dès qu’on publie, le sens du texte devient pouvoir, sur l’autre, sur l’institution, sur le monde. »

    La publication effective est le moment du risque…

    Lorsqu’on se risque à écrire – à dire – il faut passer au risque d’être entendu.

    Publier c’est prendre le risque de l’identité, en finir avec la dispersion – les brouillons, les essais, les notes – c’est s’oser entier.

    Il est important que dans un monde qui nous bombarde de textes à admirer, de vedettes à aduler, de pouvoir accomplir jusqu’au bout un acte qui semble presque inaccessible. Rien de plus efficace pour démystifier la littérature – et par conséquent l’aimer – pour organiser le pillage (c’est à dire non plus consommer la culture, l’ingérer passivement, mais la mettre en pièce pour en faire autre chose, pour la subvertir).

    La publication installe une rivalité dynamique qui met fin aussi bien à la fascination impuissante qu’au rejet des livres.

    J’espère en être capable et mettre bientôt ce roman en ligne. J’ai déjà publié des textes pour la jeunesse ainsi qu’une nouvelle, le temps de l’écriture avait été plus court, la proximité avec mes personnages moins intense, en même temps je ne suis plus si sûre.

    Avec Grinngrinn, le petit cochon dont j’ai commencé de raconter l’histoire il y a quelques années, il y a eu de nombreuses transformations.

    Ce petit animal – fidèle en amitié – a existé sous diverses formes, un conte raconté (oralement), un Diapolivre (kamishibaï vidéo), un CD audio, et bientôt un livre… C’est devenu un ami, qui a d’ailleurs toujours autant de succès avec les enfants. Dans la vie nos expériences, nos rencontres se mélangent. On peut avoir de la sympathie pour des êtres vivants, mais aussi pour ceux qui naissent de notre esprit. Ils sont si proches… Avec Trilby le petit escargot du potager sauvage parti en exposition itinérante, même constat, c’est un ami pour toujours. Pour Mathurin et Suzon dans « Mathurin et les sentinelles du temps » même cheminement, c’est une histoire racontée dans la tradition orale, puis en CD audio et enfin en livre, des personnages qui ne me quitteront jamais… Sans compter tous ceux qui attendent sagement dans mes tiroirs.

    Ce roman qui accapare mes jours est un voyage différent, beaucoup plus long dans le temps, c’est un ouvrage plus ample, plus prenant. L’attention est à son maximum « Quand on écrit sur un personnage de roman, il faut en savoir infiniment plus qu’on en dit. » Toujours la comparaison de la pointe de l’iceberg.

    iceberg
  • Un monde sans auteur.e ?

    Un monde sans auteur.e ?

    […] Une vente moyenne d’un roman en France est (tous éditeurs confondus) autour de 350 livres. A partir de 1 000 exemplaires, vous pouvez être heureux, à 5 000 c’est le succès, vous pouvez envisager une édition en poche. Vous avez alors gagné 5 000€.

    Je me demande comment évoluerait le monde si on supprimait toutes les histoires ? Romans, BD, Contes, Poèmes, etc. Pas utile les auteurs.es ?
    L’article en lien ci-dessous, parle des édités plutôt que des auto-édités. Son intérêt ce sont les chiffres dévoilés.
    Personnellement j’ai fait les marchés cet été et j’ai vendu mes livres, avec un « plus », j’ai rencontré les lecteurs et l’échange était plutôt agréable. Je suis auto-éditrice, je travaille en micro-entreprise. De toute évidence, c’est le meilleur choix — si on n’est pas une vedette des prix littéraires et Parisiens.

    J’ai mon idée sur l’affaire, à la fin de l’article ils parlent du deuxième métier – obligatoire – de l’écrivain, en prenant des exemples d’auteurs reconnus, surtout d’auteurs disparus, ils oublient tout de même que l’époque a beaucoup changé, les conditions de vie, le monde du travail, etc.
    Ou je veux en venir ? L’écriture est un travail, un travail acharné si on veut aboutir à un résultat digne de ce qu’on nomme un bon livre. La mise en forme est également une partie non négligeable du travail, et que dire de la vente. Être auteure c’est être créateur au même titre qu’un artisan, un artiste peintre ou un musicien ; pourquoi ne parle-t-on pas de second métier pour eux ? Beaucoup moins souvent me semble-t-il…

    Souvent la plume a remplacé l’épée ! Des vers chantés ou lus ont soulevé des foules ! Dans l’ombre, les poèmes furent et sont encore une manière de résister à l’occupation, à la répression, à toutes les formes d’oppression.

    L'inspiratrice

    J’aime les mots, résistance, indépendance ; j’aime le matin, lorsque après un café chaud, je m’engage dans la petite allée bordée d’arbres — qui veillent généreusement sur nous — pour travailler dans notre petite fabrique d’éditions, même si les revenus oscillent et penchent parfois dangereusement vers le bas… Vivre, n’est-ce pas prendre des risques ?

    […] au dernier salon d’Angoulême, l’association des Etats généraux de la BD a d’ailleurs divulgué les résultats de son enquête annuelle, montrant que 53% des répondants ont un revenu inférieur au Smic annuel brut, dont 36% qui sont en dessous du seuil de pauvreté (et c’est pire pour les femmes !)

    Je suis de la race de ceux qu’on opprime

    Aimé Césaire

    Sténographe de la Vie. – C’est tout ce que je veux que l’on inscrive sur mon monument (ma croix !) – Seulement, Vie avec majuscule, impérativement. Si j’étais un homme, j’aurais dit : de l’Être.

    Marina Tsvetaieva


    *L’article en lien : COMBIEN GAGNENT LES AUTEURS ?

  • Une volonté sans fléchissement

    Une volonté sans fléchissement

    Le livre est un objet culte et l’édition tire profit de son aura.

    Cet article pour faire écho à une excellente série d’articles sur Marguerite Yourcenar, publiée sur Diacritik.
    Une femme, un écrivain que j’aime lire, que j’admire, pour de nombreuses raisons, pas seulement littéraires – son engagement pour la protection de l’environnement et la défense des animaux – J’aime la façon dont elle contrôle ses textes, leur interprétation, leur publication dans des revues littéraires ou des journaux.

    La manière dont elle gère une possible adaptation au cinéma des « Mémoires d’Hadrien », elle dit l’intérêt qu’elle manifeste pour ce projet mais ajoute aussitôt : « Mais je tiendrais, bien entendu, à avoir le plus complet droit de regard sur le commentaire (qui, en pareil cas, est presque toujours l’écueil), comme aussi sur les œuvres d’art et paysages choisis, ainsi que sur le style de la production » – Beaucoup d’auteurs devraient avoir cette exigence aux vus d’adaptations peu en rapport avec le contenu de leurs livres.
    Et surtout elle ne cède pas aux exigences du marché, à la toute puissance de l’éditeur, à cette mise en scène de l’écrivain, ou alors c’est elle qui décide de son angle de vue. « Au point de dégoût et d’exaspération où j’en suis, le succès, et même la publication, m’importent bien moins que la liberté. »
    Nous avons beaucoup à apprendre d’ « Une volonté sans fléchissement ».

    Le personnage de l’auteur, lui aussi, pourtant parfois décrié, reste un acteur de premier plan du culte porté au livre et de la mise en scène de l’édition par elle-même.

    *Lire l’article

    Marguerite Yourcenar
    À sa table de travail

    Dommage qu’elle ne soit plus là pour nous défendre. C’était une impitoyable critique littéraire qui poursuivait avec obstination et exigence son travail d’écriture et la défense de ses intérêts. Les auteurs ne vivent pas que d’eau fraîche, surtout qu’en ce moment la pluie se fait rare, toute publication doit être rémunérée : « Personne ne comprend mieux que moi les difficultés dans lesquelles se débat une jeune revue, et l’importance qu’il peut y avoir pour les auteurs à être publiés, même à titre bénévole, mais tout travail non rémunéré tend à obliger l’écrivain à faire ailleurs œuvre de littérature commerciale (ce qui le déclasse) ou encore à exercer pour vivre une autre profession (ce qui est parfois indispensable) et enfin, cela risque de faire la part trop belle au riche ou vaniteux amateur. »

    Je sais bien que lorsqu’elle dit « exercer une autre profession pour vivre… enlève les forces et les loisirs nécessaires pour son œuvre propre » cela peut faire sourire beaucoup d’autrices, d’auteurs, tant vivre de ce travail est difficile. Mais n’est-ce-pas plutôt un état que nous acceptons et laissons perdurer sans manifester pour un autre statut, un autre état ? Il y a beaucoup à dire et à faire en ce qui concerne le domaine de la création.

    Les figures idéalisées de l’auteur, du petit éditeur-artisan, du petit libraire oubliant d’être aussi un commerçant, gravitent autour de cette représentation pour maintenir l’édition et sa production en dehors du contexte qui est pourtant le leur aujourd’hui, celui des industries culturelles.

    *Lire l’article

    Une œuvre que nous devons lire et relire, elle était une grande conscience universelle de la liberté et de la lucidité, face à la déraison du monde.

    « En toi réside l’innocence, la malice peut-être, des créations dans leur fleur, avant que l’esprit de l’homme
    ne soit venu tout compliquer. »