Le risque de la publication

22 Septembre – C’est l’automne

feuille d'automne

Après des jours de cueillette, pommes et poires bien alignées au fond de la remise vont finir de mûrir tranquillement pour adoucir le temps de l’hiver. En attendant elles parfument les premiers beaux jours de l’automne.

Un petit bilan par rapport à mes articles précédents concernant l’écriture de mon premier roman qui est en cours d’aboutissement, d’accomplissement. Il faut être sûr que les personnages aient tout dit d’eux-mêmes.

Ce bilan parce qu’à un moment j’ai soulevé l’idée de le publier en roman-feuilleton… L’idée me plaît toujours mais pour le texte qui accapare mes jours et mes nuits depuis un an, je ne sais pas si c’est possible. Le découpage me pose quelques problèmes.

À ce jour, j’écris à la main, puis à l’ordinateur
Je rature la première version, la seconde, la troisième, parfois la… etc.
Ce sera 120 fois s’il le faut !

Arranger, bidouiller, rafistoler… À la troisième version, munie d’un crayon, je relis mon texte, qui a déjà été corrigé, et je supprime tout ce qui peut être supprimé, tout ce qui me paraît inutile. J’essaie d’éliminer ce qui n’est pas essentiel.

[…] j’essaie de ne pas céder à l’ornement…
J’ai le sentiment de pétrir une pâte très épaisse.

Marguerite Yourcenar

Enfin, je tape la dernière correction sur l’ordinateur et lorsque je pense avoir dit tout ce que j’avais à dire, que je l’ai dit aussi bien qu’il m’est possible, je fais une croix en haut à droite, prêt pour la compilation. Quand on passe de nombreux mois avec des créatures imaginaires on se prend d’affection pour elles. On se met à l’écoute de leurs  voix, on se rend disponible pour elles, ont-elles encore des choses à me dire ? On a un peu de mal à les quitter. Elles ont été si proches et durant tant d’heures…

Le passage de l’écriture à l’œuvre…

Publier c’est ancrer socialement son écriture et donc, d’emblée, réfléchir au lieu où le texte sera publié.

Une question que je me suis sérieusement posée, d’autant que cet été  j’ai eu quelques frictions avec Amazon qui jusque-là diffusait mes livres jeunesse ; mais également parce que j’ai expérimenté les marchés d’été et que le résultat m’a réjoui (pas seulement en terme de vente mais plutôt de rencontre, de proximité avec le lecteur).

Le retravail du texte s’opère « aussi » en fonction du lieu où le texte va arriver, soit pour le déranger, pour l’atteindre, le toucher… Tant qu’on ne publie pas on peut se permettre de rester dans les nuages, de jouer avec les mots, les règles, les contraintes pour le plaisir — pour son propre plaisir. « Mais dès qu’on publie, le sens du texte devient pouvoir, sur l’autre, sur l’institution, sur le monde. »

La publication effective est le moment du risque…

Lorsqu’on se risque à écrire – à dire – il faut passer au risque d’être entendu.

Publier c’est prendre le risque de l’identité, en finir avec la dispersion – les brouillons, les essais, les notes – c’est s’oser entier.

Il est important que dans un monde qui nous bombarde de textes à admirer, de vedettes à aduler, de pouvoir accomplir jusqu’au bout un acte qui semble presque inaccessible. Rien de plus efficace pour démystifier la littérature – et par conséquent l’aimer – pour organiser le pillage (c’est à dire non plus consommer la culture, l’ingérer passivement, mais la mettre en pièce pour en faire autre chose, pour la subvertir).

La publication installe une rivalité dynamique qui met fin aussi bien à la fascination impuissante qu’au rejet des livres.

J’espère en être capable et mettre bientôt ce roman en ligne. J’ai déjà publié des textes pour la jeunesse ainsi qu’une nouvelle, le temps de l’écriture avait été plus court, la proximité avec mes personnages moins intense, en même temps je ne suis plus si sûre.

Avec Grinngrinn, le petit cochon dont j’ai commencé de raconter l’histoire il y a quelques années, il y a eu de nombreuses transformations.

Ce petit animal – fidèle en amitié – a existé sous diverses formes, un conte raconté (oralement), un Diapolivre (kamishibaï vidéo), un CD audio, et bientôt un livre… C’est devenu un ami, qui a d’ailleurs toujours autant de succès avec les enfants. Dans la vie nos expériences, nos rencontres se mélangent. On peut avoir de la sympathie pour des êtres vivants, mais aussi pour ceux qui naissent de notre esprit. Ils sont si proches… Avec Trilby le petit escargot du potager sauvage parti en exposition itinérante, même constat, c’est un ami pour toujours. Pour Mathurin et Suzon dans « Mathurin et les sentinelles du temps » même cheminement, c’est une histoire racontée dans la tradition orale, puis en CD audio et enfin en livre, des personnages qui ne me quitteront jamais… Sans compter tous ceux qui attendent sagement dans mes tiroirs.

Ce roman qui accapare mes jours est un voyage différent, beaucoup plus long dans le temps, c’est un ouvrage plus ample, plus prenant. L’attention est à son maximum « Quand on écrit sur un personnage de roman, il faut en savoir infiniment plus qu’on en dit. » Toujours la comparaison de la pointe de l’iceberg.

iceberg

Par Marie an avel

Autrice indépendante. J'écris et je publie des livres illustrés : jeunesse, adulte, livre audio.

3 commentaires

    1. Bonjour,
      Votre commentaire m’a fait sourire, c’est vrai que le dessin de l’iceberg que j’ai mis est « décoratif » mais peu représentatif de mon propos. J’en ai cherché un autre, et en effet c’est tout à fait différent, beaucoup plus en accord avec le parallèle que j’ai voulu faire. Merci de votre passage et bon week-end.

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