Le livre est un objet culte et l’édition tire profit de son aura.
Cet article pour faire écho à une excellente série d’articles sur Marguerite Yourcenar, publiée sur Diacritik.
Une femme, un écrivain que j’aime lire, que j’admire, pour de nombreuses raisons, pas seulement littéraires – son engagement pour la protection de l’environnement et la défense des animaux – J’aime la façon dont elle contrôle ses textes, leur interprétation, leur publication dans des revues littéraires ou des journaux.
La manière dont elle gère une possible adaptation au cinéma des « Mémoires d’Hadrien », elle dit l’intérêt qu’elle manifeste pour ce projet mais ajoute aussitôt : « Mais je tiendrais, bien entendu, à avoir le plus complet droit de regard sur le commentaire (qui, en pareil cas, est presque toujours l’écueil), comme aussi sur les œuvres d’art et paysages choisis, ainsi que sur le style de la production » – Beaucoup d’auteurs devraient avoir cette exigence aux vus d’adaptations peu en rapport avec le contenu de leurs livres.
Et surtout elle ne cède pas aux exigences du marché, à la toute puissance de l’éditeur, à cette mise en scène de l’écrivain, ou alors c’est elle qui décide de son angle de vue. « Au point de dégoût et d’exaspération où j’en suis, le succès, et même la publication, m’importent bien moins que la liberté. »
Nous avons beaucoup à apprendre d’ « Une volonté sans fléchissement ».
Le personnage de l’auteur, lui aussi, pourtant parfois décrié, reste un acteur de premier plan du culte porté au livre et de la mise en scène de l’édition par elle-même.

Dommage qu’elle ne soit plus là pour nous défendre. C’était une impitoyable critique littéraire qui poursuivait avec obstination et exigence son travail d’écriture et la défense de ses intérêts. Les auteurs ne vivent pas que d’eau fraîche, surtout qu’en ce moment la pluie se fait rare, toute publication doit être rémunérée : « Personne ne comprend mieux que moi les difficultés dans lesquelles se débat une jeune revue, et l’importance qu’il peut y avoir pour les auteurs à être publiés, même à titre bénévole, mais tout travail non rémunéré tend à obliger l’écrivain à faire ailleurs œuvre de littérature commerciale (ce qui le déclasse) ou encore à exercer pour vivre une autre profession (ce qui est parfois indispensable) et enfin, cela risque de faire la part trop belle au riche ou vaniteux amateur. »
Je sais bien que lorsqu’elle dit « exercer une autre profession pour vivre… enlève les forces et les loisirs nécessaires pour son œuvre propre » cela peut faire sourire beaucoup d’autrices, d’auteurs, tant vivre de ce travail est difficile. Mais n’est-ce-pas plutôt un état que nous acceptons et laissons perdurer sans manifester pour un autre statut, un autre état ? Il y a beaucoup à dire et à faire en ce qui concerne le domaine de la création.
Les figures idéalisées de l’auteur, du petit éditeur-artisan, du petit libraire oubliant d’être aussi un commerçant, gravitent autour de cette représentation pour maintenir l’édition et sa production en dehors du contexte qui est pourtant le leur aujourd’hui, celui des industries culturelles.
Une œuvre que nous devons lire et relire, elle était une grande conscience universelle de la liberté et de la lucidité, face à la déraison du monde.
