Auteur : Marie an Avel

  • Du domaine des Murmures

    Du domaine des Murmures

    De Carole Martinez

    Une tragédie, avec toute la désespérance de ces histoires vouées à un destin fatal.

    L’histoire en quelques mots :

    En 1187, Esclarmonde refuse le mariage arrangé voulu par son  père. Elle tourne le dos aux traditions de l’époque, aux convenances de son rang et le jour de ses noces dit non à Lothaire de Montfaucon. Elle ne veut pas être sous les ordres d’un seigneur, d’un maître. Elle demande à vivre une vie de recluse et s’enterre vive dans une cellule de 4 m2 avec une fenestrelle pourvue de barreaux, attenante  à la chapelle du château. Le matin juste avant son emmurement, un homme la viole dans la forêt. Esclarmonde se tait et commence sa vie de recluse.

    Quelques mois passent et l’enfermée donne inexplicablement naissance à un garçon. Si elle sait que cette conception n’a rien d’immaculé, son entourage, lui, crie au miracle : « Je n’avais pas menti, je m’étais contentée de taire une vérité que personne n’avait envie d’entendre, et mon silence m’avait offert un espace blanc à brader, un vide dont chacun s’était emparé avec délice. » Le monde extérieur la considère comme une sainte. Elle devine les âmes et reçoit les confidences des pèlerins qui viennent à elle ou lui laissent des messages grâce au « réseau des emmurées ».
    « Je n’avais jamais tant reçu, tant parlé. » Depuis sa petite fenêtre aménagée dans ce qui ressemble à un tombeau, la jeune fille de 15 ans devient celle par qui le bien arrive, celle qui offre la rémission des péchés et auprès de qui la communauté se purifie.

    Cet enfermement est pour elle une évasion. À 15 ans, elle dit non à son père et se soustrait au joug de la condition de femme du XIIe siècle.
    Ce qu’elle qualifie de « mort » est pour elle  un espace de vie : elle force l’existence à lui offrir une place dans un monde gouverné par les hommes et la religion.

    Seulement ce qui semble un temps une forme d’évasion va se révéler insupportable, et le mot tombeau, enterrée vivante, prendra alors toute la dimension de son horreur. Le choix de ses 15 ans lui deviendra insoutenable. « […] un calvaire dont cette pauvre idiote n’avait jamais rêvé », dit-elle en parlant d’elle-même. Elzéar, son enfant, la quitte car il doit vivre une vie normale et bientôt il ne pourra plus passer par la fenestrelle. Puis un clerc se présente au château et lui demande de faire vœu de silence éternel. Son père a tout avoué sur la naissance de son petit-fils avant de mourir. L’église veut la condamner, veut encore plus, elle veut coudre la bouche pour s’assurer le secret de la naissance de l’enfant.

    « Comment pouvait-on me mutiler ainsi ? J’avais choisi de me clôturer, non de me taire. Cette fois la recluse volontaire se changeait bel et bien en prisonnière et je n’étais plus seulement la captive de la jeune fille de quinze ans qui, n’imaginant son bonheur qu’en Dieu, avait fait ériger cette chapelle, de cette naïve damoiselle des Murmures persuadée de gagner la béatitude et la liberté en s’emmurant vivante, d’une innocente qui ne savait encore rien du monde et ignorait à quel point un être peut changer. »

    Il y aura bien une femme, magnifique, pleine de vie, une véritable alliée qui lui proposera de l’aider. Bérangère, lui dira que rien n’est encore impossible, qu’elle peut sortir de son tombeau, qu’un mur est destructible. Comme on l’aime cette Bérangère, on a envie de l’aider, on a envie de lui trouver des marteaux , des outils efficaces pour enfin détruire cette tombe et libérer la recluse qui ne supporte plus sa condition et se rend enfin compte de l’abomination de son choix. Mais il y a la parole donnée. Elle lui propose alors d’être son émissaire et d’aller voir le pape à Rome pour qu’il la libère de son vœu. Car lui seul peut rouvrir dignement son sépulcre. Mais c’est sans compter sur les villageois rassurés par la présence d’une sainte à proximité, sur ces pèlerins qui ont besoin de se libérer de leurs péchés, Esclarmonde est leur garantie pour le paradis.
    « Que deviendraient-ils si la recluse revenait sur sa parole ? »

    J’ignorais qu’il arrivait que le menu peuple, aveuglé par la terreur, commît des meurtres pour qu’un saint ne quittât pas son pays.

    esclarmondeOrigine et étymologie de ESCLARMONDE:

    Esclarmonde est un prénom féminin issu de l’occitan esclarmonda, c’est-a-dire « éclaire le monde ». Ce prénom fut très répandu jusqu’à la fin du Moyen Âge dans toutes les régions d’Europe grâce à la chanson de geste Huon de Bordeaux dans laquelle le héros, protégé par le nain Obéron, réussit à conquérir Esclarmonde. Il est aujourd’hui assez rare.
    Esclarmonde célèbres : Esclarmonde de Foix, et plusieurs autres Parfaites du catharisme.

    Un conte médiéval, un souffle épique

    Mon avis de lectrice

    plume-et-encrier

    Une belle écriture, un beau souffle, le livre se lit facilement et nous emporte rapidement à cette époque lointaine du Moyen âge. Il nous donne une vision de ce moment de l’histoire, juste (bien documenté) et sans grande envie d’y retourner. Le sujet est intéressant, la condition des femmes de cette époque, la place imposante de la religion. Si l’auteure ne s’était pas lancé dans la surenchère aux souffrances elle aurait pu ravir totalement mes heures de lecture.

    C ‘est une tragédie, avec toute la désespérance de ces histoires vouées à un destin fatal. À travers le choix de l’emmurement, Esclarmonde va vivre une vie de recluse. Prisonnière à vie mais sans les régulières sorties et déplacements accordés à des prisonniers entre guillemets normaux. Un choix extrême, insupportable pour le commun des mortels. À travers cet état d’enfermement volontaire il y avait déjà beaucoup à dire. Pourquoi surenchérir avec le supplice de l’enfant, le viol, le vœu de silence. Vous me direz cela aurait fait un autre livre, et ces choix apportent des questions et une évolution au personnage. Cela lui permet de se rendre compte de l’horreur de son choix. C’est vrai, mais tout ce vocabulaire autour de la souffrance, de la douleur, de l’horreur, éveille chez moi une sorte de rejet. C’est un univers beaucoup trop sombre.

    bisnounours

    Notre époque aime particulièrement les univers sombres et torturés que ce soit au cinéma, à la télévision ou dans les livres. Je recherche autre chose dans les pages d’un livre. Je ne dis pas non plus que je ne désire lire que des livres qui se passeraient au pays des Bisnounours, un pays féerique, une histoire sans danger ne sont fidèles à aucun monde … cependant …
    Ce genre de lecture ne m’apporte rien, ne m’ouvre aucune fenêtre, ne répond à aucune de mes questions, ne me fait ni rêver, ni voyager. Mon avis ne concerne bien sûr que moi, ce livre a eu de nombreux prix, il ne sera pas en danger avec mes mots. Je sais de par mes efforts pour trouver quelque chose à lire, que mes goûts ne sont pas communs, ce n’est ni orgueil, ni sentiment de supériorité de ma part, c’est juste un constat.

    Dans la lecture je cherche l’évasion, je cherche à m’échapper du goût pour le morbide de notre civilisation, je cherche l’ouverture, des aspirations nouvelles, des notes d’espoir.

    Ceci est mon avis de lectrice, à un âge de la vie plus avancé que celui d’Esclarmonde et des collégiens qui l’ont beaucoup apprécié. Peut-être qu’à 15 ans j’y aurais trouvé des réponses, j’aurais vu le Moyen Âge sous un autre regard que celui des historiens classiques. À travers une histoire tout est plus clair. Tout semble plus vrai. J’aurais compris le danger des religions, le danger des choix extrêmes à un âge où on est en perpétuel changement et sous influence.

    Ceci pour dire que c’est un bon livre, bien écrit, sensible, extrêmement dramatique. Et qu’il porte sur des questions et des réflexions intéressantes et profondes. Mais aujourd’hui je cherche autre chose dans la lecture et après des journées remplies de famille et de travail, cernée par des actualités toutes plus sombres les unes que les autres, je cherche des livres porteurs de lumière, même si dans leur contenu il peut y avoir des passages difficiles. Il faut que le fond porte de la lumière.


    Échange sur le livre avec Sido

    Sido — Un livre inoubliable…
    Marie — C’est vrai, difficile d’oublier un tel destin. Carole Martinez est une raconteuse d’histoire et nous emporte très vite aux cotés d’Esclarmonde. Cependant c’est un univers très sombre pour lequel je ne développe pas une grande affinité en ce moment. Même si en effet c’est une incroyable histoire, très bien écrite, j’ai envie de lire autre chose. Il y a des jours comme ci et d’autres comme ça … j’ai envie de sourire avant de m’endormir.
    Sido — Je comprends, c’est très oppressant. Je me souviens l’avoir lu d’une traite, ainsi j’ai évité à l’angoisse de trop s’immiscer…
    Marie — C’est peut-être une bonne façon de la lire. La lecture en soirée, (ce rendez-vous quotidien du soir), dans cet univers sombre et pesant, après une journée parfois difficile m’a été à certains moments indigeste. C’est une  histoire qui ne laisse pas indifférent, l’extrémisme de la religion, le peu de choix des femmes, les guerres et les violences… tout un pan de notre civilisation. Qui n’est d’ailleurs pas encore totalement révolu, même s’il se vit autrement. Ce qui m’a parfois gêné c’est la surenchère aux violences, à la noirceur, certains passages auraient pu être évités ou traités autrement. Mais heureusement on a le droit de sauter des pages, le droit de ne pas finir un livre … (*Daniel Pennac).
    Sido — Je suis entièrement d’accord avec vous. C’est un peu le travers du style d’aujourd’hui, beaucoup de livres sont pressentis pour devenir des scénarios de cinéma et doivent répondre à certains critères. Cette histoire c’est le symbole de « l’enfermement » de la femme, dans un sens propre et figuré, en tant que femme on vit dans une tour, murée ou non, psychologique, conscient ou inconscient. Beaucoup de femmes doivent se battre au quotidien pour passer outre des murs visibles ou invisibles…souvent impalpables, mais réels. C’est le livre de la dignité et du Courage, de la douleur physique et morale anesthésiée, soulagée par la croyance en quelque chose de plus grand que soi. Mais loin de moi l’idée d’une supériorité quelconque de la femme. Et Pennac a tout à fait raison ! C’est un homme que je respecte profondément. Il y a un livre que j’ai trouvé insoutenable ainsi, c’est Les Bienveillantes de J.Littell. Je ne suis pas allée au-delà des 20 ou 30 premières pages. Intéressant de savoir la limite entre ce qui est descriptible ou pas. Vaste débat.

    Réflexion autour de l’univers du livre

    « Du Domaine des Murmures » de Carole Martinez, professeur de Français a eu le prix des Collégiens. Pour comprendre l’engouement des jeunes pour le livre, j’ai lu des critiques et écouté divers vidéos avec l’auteure. J’ai entendu dire qu’au départ il était passé inaperçu (c’est assez facile dans le flot des nouveautés quotidiennes qui s’amoncellent sur les tables des libraires) et que grâce aux avis de libraires enthousiastes il avait eu droit à une nouvelle couverture flambante rouge et à une bande concernant ses nombreux prix littéraires. Donc avant le prix des Collégiens il a eu la faveur des libraires, des adultes. Deuxième couverture, deuxième édition, succès. Cette anecdote m’interroge sur le pourquoi et le comment des succès de librairies, des mises en avant de certains livres. Cette interrogation n’a pas un rapport particulier à cette lecture, c’est une question que je me pose devant les livres mis en avant sur les tables des librairies.

    Sommes-nous totalement libres de nos choix de lecture ?


    + (cette réflexion n’a pas de rapport direct avec le livre ci-dessus qui est écrit par une auteure Française, c’est un questionnement personnel)

    Le choix des Éditeurs

    ? […] C’est ainsi, nos éditeurs ont choisi de prendre ailleurs ce qu’ils ont pourtant sous la main ! Ici des milliers d’auteurs sont ignorés. Disons le tout haut, un auteur sans relation ne peut pas être pris dans une grande maison d’édition. Quant au mythe du manuscrit arrivé par la poste et publié chez un gros éditeur, cela relève du conte de fées comme de gagner à l’Euro millions.
    Bien entendu, on ne fera pas un esclandre à propos de Philippe Picquier, un éditeur qui a choisi de faire découvrir l’Asie au public français. Mais pour les autres, il y a de quoi être irrité. Voyez-vous, en France on traduit tout, et ailleurs, notamment chez les Anglo-Saxons, quasiment rien. À l’exception de l’Italie qui aime bien les auteurs français et à qui nous rendons mal la pareille, la littérature française est devenue marginale dans le monde. D’une prétendue supériorité nous sommes à présent tombés dans un autre postulatum, nous voilà à renier notre importance révolue et pire encore, notre futur. Nos propres éditeurs émettent une sentence dédaigneuse contre les auteurs français. Tous occupés à leur mercantilisme, ils rejettent leurs compatriotes en méprisant leurs œuvres, ils passent ainsi à côté d’une chose essentielle, la préservation de la littérature française.

    Article du BibliObS

    En France les éditeurs se passionnent pour la vie de nos politiques. Il suffit de pénétrer dans la plupart des librairies pour le voir.
    Exemple : Le  livre de Cécilia Attias ?
    Est-elle passée par un comité de lecture comme tout auteur édité dans une grande maison d’édition ?
    En tout cas la télévision ne manque pas de lui faire un maximum de publicité. Il paraît qu’elle arrive au top des ventes. Soit sa plume est remarquable, soit notre société est assoiffée des potins de nos dirigeants. Je n’ai pas la réponse … juste une question :
    Qu’est-ce qu’être auteur aujourd’hui en France ?

  • Je suis pauvre mais libre

    Je suis pauvre mais libre

    Pauvre livre dans une société analphabète où il n’est pas nécessaire de lire pour faire de l’argent, comme on dit faire dans sa culotte. Car de surcroit on a peur de ne pas avoir assez d’argent !
    Pauvre livre que l’on jette dans la fosse au pilon au mépris du papier, de l’encre, des mots, des histoires, de la poésie, de la pensée, du savoir !
    Car le livre doit véhiculer du savoir afin que la connaissance qu’en tire l’individu le rende plus épanoui et plus libre. Le livre pauvre c’est l’accès à la créativité pour le plus grand nombre :
    c’est la vraie démocratie qui échappe au pouvoir de l’argent.

    — André-Pierre Arnal

    Extrait du livre « Les très riches heures du livre pauvre » – Daniel Leuwers

    Manifeste
  • Rosa candida

    Rosa candida

    d’Audur Ava Ólafsdóttir

    Roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsso

    Rosa candida

    Dans un Eden oublié du monde et gardé par des moines dont le Frère Thomas un moine cinéphile, « Lobbi » va trouver le sens de sa vie et nous emporter dans une douceur des jours et des nuits.

    J’ai adoré ce livre, tant aimé retrouver ce jeune homme le soir après ma journée et le suivre dans ses questionnements et son voyage. Mes jours se sont teintés durant cette lecture d’une aura d’une incroyable douceur. Mon rythme s’est ralenti et la vie m’est apparue différente. Comme s’il m’était offert de cheminer un court instant près d’un ange. Je ne peux que vous conseiller de le lire, dans le brouhaha incessant du monde, les mots et l’histoire d’ Audur Ava Ólafsdóttir sont une musique de l’âme qui réenchante la vie.

    sommet

    L’histoire commence en Islande, dans un paysage de laves couvertes de mousse. Arnljotur, appelé « Lobbi » va quitter sa maison de naissance ou vivent son frère jumeau autiste et son vieux père. Doué pour les études (son père ne manque jamais de lui rappeler)  il rêve d’une vie de jardinier.

    « Maman avait parfois l’idée, en pleine nuit d’été , de sortir travailler au jardin ou bricoler dans la serre. C’était comme si elle n’avait pas besoin de dormir comme tout le monde , surtout en été. Lorsque je rentrais la nuit, après une sortie avec les copains, maman était dans le parterre avec son seau en plastique rouge et ses gants de jardinage à fleurs roses, pendant que papa dormait sur ses deux oreilles. […] Maman me disait bonjour et me regardait comme si elle savait sur moi quelque chose dont je n’avais pas idée moi-même. »

    fontaine

    Sur le continent, dans un pays voisin, il y a une roseraie légendaire rattachée à un ermitage et qui ne demande qu’à être sauvée de l’abandon. Le frère Thomas a passé une annonce pour trouver un jardinier qui ferait revivre son éclat. Lobbi a répondu à son appel et nous le suivons dans son voyage vers cette roseraie.

    Dans ses bagages il a emporté deux ou trois boutures de Rosa candida, une passion qui le liait à sa mère…

    Dans la serre ou sa mère cultivait cette rose rare à huit pétales il aura vécu un instant d’amour éphémère mais profond.  

    Dans cette roseraie du continent qu’il rejoint après avoir traversé une très longue forêt et rencontré des personnages singuliers il va se retrouver face à un acte important de sa vie.  Ana et sa petite fille, le retrouveront là-bas …

    Je suis bien obligé de me demander comment deux personnes, qui ne se connaissent pas, ont pu faire pour fabriquer un enfant aussi divin dans des conditions aussi primitives et inadéquates que celles d’une serre. Il s’en faut de peu que je n’éprouve du remords. Plein de gens ont tout juste, se courtisent de manière constructive, accumulent peu à peu les biens du ménage, fondent un foyer, ont la maturité nécessaire pour résoudre leurs différends, paient leurs traites à échéance et n’arrivent quand même pas à fabriquer l’enfant dont ils rêvent.

    L'ange

    Ce jeune homme (le narrateur) ressemble à un ange et nous murmure une douceur de vivre difficile à quitter. Doux et attachant, affectueux avec ses roses et son enfant conçus dans une serre, Lobbi  vit avec une étrange plénitude, à l’image de sa mère, dans l’accueil simple et émouvant de la vie. Un  personnage masculin éloigné des clichés du héros mâle à la mode ( pour notre plus grand plaisir ).

    Le livre est un voyage  en forme d’initiation à la vie adulte dont « Lobbi » sortira plus ingénu que jamais. Mais cette façon si peu commune et si douce de traverser les remous de l’existence est comme un appel … on a envie de suivre ses pas et de ne plus les quitter…


    PRESSE

    Ce merveilleux roman, au héros plein de candeur qui s’initie petit à petit à la vie adulte, réussit ce que tout lecteur attend d’un livre, être mis en apesanteur quelque part à l’abri du temps qui passe, dans un état de parfaite innocence et de félicité.
    – Librairie L’Usage du monde


     Incontestable réussite littéraire, Rosa candida démontre qu’une grande subtilité s’énonce parfois simplement. Sa gourmandise de détails et de petits événements, dont la beauté aussitôt fanée nourrit la mémoire des personnages comme du lecteur, est contagieuse.
    Le Monde des livres

    EXTRAITS

    Est-ce qu’un homme élevé dans les profondeurs obscures de la forêt, où il faut se frayer un chemin au travers de multiples épaisseurs d’arbres pour aller mettre une lettre à la poste, peut comprendre ce que c’est que d’attendre pendant toute sa jeunesse qu’un seul arbre pousse ? » « Ma perception des passants en tant que corps me dérange et si je n’y mets pas bon ordre, elle pourrait m’empêcher d’avoir des relations normales avec les gens et d’apprendre leur idiome comme j’en ai l’intention. Je prends toutefois bien soin de ne heurter personne, car je ne saurais demander pardon dans cette nouvelle langue. Maman était d’ailleurs comme ça, tout axée sur le contact physique, elle me tenait toujours quelque part quand nous nous parlions. J’avais du mal à rester tranquille quand j’étais enfant, j’avais la bougeotte.

    Il y a des épilobes roses qui poussent, par-ci par-là, sur la grève de sable noir. Je trouve qu’il est important qu’une personne élevée au milieu de la forêt comprenne précisément cela, qu’une fleur puisse pousser ça et là, toute seule sur une dune de sable noir et parfois dans le canyon d’une rivière, toute seule là aussi. Dès que je nomme l’épilobe, je deviens un peu sentimental. Est-ce qu’on les cueille, ces fleurs-là ? » « Comment dit-on infini ? Si je pouvais dire infini, je pourrais mener la conversation vers des domaines abstraits. La comédienne me tend la perche.
    — Intemporel ?
    — Non, pas tout à fait.
    — Immortel ?
    — Oui, je crois, dis-je, immortel.
    — Cool, dit-elle.
    Il me vient alors à l’idée que je pourrais aussi évoquer l’effet d’imprimer dans la neige craquante les premiers pas du jour.


    — Rosa gallica, rosa mundi, rosa centrifolia, rosa hybrida, rosa multiflora, rosa candida, énumère frère Matthias. Tandis que je le parcours avec lui, « Le Merveilleux Jardin des Roses Célestes », tel qu’il est nommé dans les vieux livres, prend corps peu à peu dans mon esprit. Il va falloir commencer par arracher les mauvaises herbes et tailler les plantes — ce qui pourrait prendre deux semaines en travaillant dix heures par jour ; ensuite il faudra élaguer et planter à nouveau. Je choisis déjà un endroit abrité et ensoleillé pour la nouvelle espèce de rose que je vais ajouter. Elle ne sera peut-être pas très visible au début et ne fleurira pas tout de suite, mais ici sont justement réunies les conditions et la lumière pour qu’une nouvelle variété de rose inconnue se mette à pousser dans le terreau fertile.


    Audur Ava OLAFSDOTTIR

    Audur Ava Ólafsdóttir est née en 1958. Elle a fait des études d’histoire de l’art à Paris et a longtemps été maître-assistante d’histoire de l’art à l’Université d’Islande. Directrice du Musée de l’Université d’Islande, elle est très active dans la promotion de l’art. À ce titre, elle a donné de nombreuses conférences et organisé plusieurs expositions d’artistes.

    Rosa candida, traduit pour la première fois en français, est son troisième roman après Upphækkuð jörð (Terre relevée) en 1998, et Rigning í nóvember (l’Embellie, Zulma 2012) en 2004, qui a été couronné par le Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík.

    Audur ava Olafsdottir

    Rosa candida a reçu en Islande deux prix littéraires : le Prix culturel DV de littérature 2008 et le Prix littéraire des femmes (Fjöruverðlaun). En France, il a été finaliste du Prix Fémina et du Grand Prix des lectrices de Elle. Il a reçu le Prix PAGE des libraires en France et le Prix des libraires au Québec.

    Ce roman a également été traduit en anglais, danois, allemand, néerlandais, espagnol. Il est en cours de traduction en tchèque, finnois et italien. Audur Ava Ólafsdóttir vit à Reykjavík. Elle vient de publier son dernier roman en Islande.


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  • Lira bien qui lira le dernier

    Lira bien qui lira le dernier

    Hubert Nyssen

    lira-bien-qui-liraS’adressant à une lectrice imaginaire, Hubert Nyssen, fort de sa double expérience d’écrivain et d’éditeur, passe au tamis les craintes, les espérances, les prévisions et les prophéties qu’inspire la supposée crise du livre.

    Déjà je peux commencer par dire que j’ai lu tout le livre, ( un exploit,  par rapport à mes deux précédentes lectures concernant le prix des lectrices). Cette  façon qu’à l’auteur de s’adresser à une lectrice imaginaire apporte tout de suite une intimité qu’on se plaît à retrouver chaque jour. On vit une conversation intimiste, profonde, parfois drôle sur un sujet vaste et intéressant (le milieu du livre et de l’édition). La parole d’Hubert Nyssen si concerné et impliqué  par la vie du livre  nous emporte dans sa passion jusqu’à la dernière phrase . Je me suis souvent imaginée près d’un feu,  c’est une lecture que j’ai faite cet hiver, dans un fauteuil confortable et  face à un homme ( un vieil ancêtre lointain ) avec qui j’avais rendez-vous chaque soir. Au fil des heures passées à l’écouter, il me révélait une partie de ce trésor familial si bien caché depuis des millénaires. Les mots partagés m’ont permis de découvrir ces couloirs parfois interdits de notre vieille maison d’édition si fascinante…

    Ce qui semble être central dans cette réflexion :
    Hubert NyssenLa littérature (et par-delà, la lecture) ne se survivra que si elle est exigence, travail et désir. Exigence sur la qualité des textes publiés, sur la capacité des auteurs et des critiques à lire (à l’exemple de Max-Pol Fouchet qui disait lire trois fois chaque livre  : une fois pour en prendre connaissance, une fois pour l’analyser, et une fois pour le confronter aux commentaires qu’il s’apprêtait à faire) ; exigence sur la langue. L’avenir de la lecture est sans doute lié au sort que nous réserverons à la connaissance des langues et à la pratique du langage.

    Thierry Ermakoff

    Extraits :

    Mon vœu est pour souhaiter des écrivains indifférents aux modes, des éditeurs affichant dans leur raison sociale ce qu’ils sont, des éditeurs littéraires, et des libraires reconstituant des lieux de rencontre […]

    […] des bibliothèques aux façades illuminées et aux portes ouvertes jusque tard dans la nuit, où on pourrait consulter les livres sous des lampes aux abat-jour verts, poser des questions sans souffrir de paraître ignorant […]

    Un livre en appelant parfois un autre, j’ai lu dans la lancée « Petits bonheurs de l’édition » de Bruno Migdal et « Une histoire de la lecture » d’Alberto Manguel (je ne l’ai pas encore terminé, je le lis par vagues d’envies…).

    une_histoire_de_la_lectureJe suis convaincu que nous continuerons à lire aussi longtemps que nous persisterons à nommer le monde qui nous entoure.
    Alberto ManguelLa bibliothèque de Robinson

  • Bilbo le Hobbit

    Bilbo le Hobbit

    Souvenir de lecture…

    plume-et-encrier

    Lorsque je rentrais du collège par des petites rues de la ville pour aller chez ma grand-mère, où mes parents venaient me récupérer certains soirs, je passais toujours devant une librairie où s’empilaient des livres dans un désordre fascinant. C’est là qu’un soir j’ai découvert sur une pile de livres fraîchement arrivés, « Bilbo le Hobbit » de J. R. R. Tolkien. Le résumé m’a captivée. Tout mon argent de poche y est passé mais je venais d’ouvrir les portes d’un monde qui ne me quitterait plus. Pas uniquement l’univers de Tolkien, mais le monde imaginaire et enchanteur des livres.

    Après ce passage dans l’antre passionnante de la lecture, je partageais avec ma petite sœur un délicieux goûter que ma grand-mère ne manquait jamais de nous préparer. Je me souviens encore de ce bonheur qui se lisait sur son visage lorsqu’elle nous voyait franchir le petit portail de sa cour intérieure, bien souvent elle nous attendait sur le seuil de sa porte. Ce qui me manque aujourd’hui, c’est son oreille attentive à mes passions et divagations, elle n’arrêtait pas de sourire et de rire aux anecdotes du jour que j’agrémentais avec entrain. J’ignorais à cet instant que son visage radieux et bienveillant deviendrait l’un des souvenirs les plus doux de ma mémoire, ressurgissant les jours sombres — quand le doute m’envahit — pour m’envelopper de sa tendre présence et rallumer ma flamme.

    Pour moi, Bilbo restera à jamais associé à ce moment de mon enfance où j’avais encore mes ailes d’ange, car je survolais la vie avec une légèreté paisible et émerveillée, certainement grâce au charme insouciant de la jeunesse et à la présence bienveillante de ma grand-mère.

    Le Hobbit est le premier récit publié par J. R. R. Tolkien, linguiste et professeur d’université, en 1937. Il l’a d’abord composé pour ses enfants, auxquels il destinait cette histoire tirée de l’univers qu’il imaginait depuis plus de vingt ans. Christopher, son fils cadet, est le premier destinataire de ce récit. Enfant, il était aussi le premier auditeur de son père. Il l’aidait à consigner son texte.

    Ce roman raconte l’histoire de Bilbo, un Hobbit, entraîné malgré lui dans la quête d’un trésor gardé par un dragon. Il y est emmené par des nains et un magicien nommé Gandalf. « La Terre du Milieu», cadre des aventures du Seigneur des anneaux, se dessine, le fameux anneau apparaît pour la première fois. La petite histoire dit que le fils de l’éditeur anglais Stanley Unwyn fut chargé de faire une fiche de lecture pour convaincre son père du bien-fondé de publier ce roman à destination de la jeunesse.

    Le succès fut quasi immédiat dans les pays anglo-saxons. En France, il fut publié en 1969 chez Stock, dans une collection visant un public adulte. Puis, en 1976, dans la Bibliothèque verte, pour les enfants.