Je revendique le droit de rêver au bord de l’eau, le droit d’être belle à ma façon, le droit de rester au lit pour voyager, le droit de me maquiller comme ça me vient, le droit de ne pas avoir envie de travailler, le droit de lire de très grands livres à l’endroit ou de très petits à l’envers, le droit de déambuler dans les rues à l’heure qui me convient, le droit de pouvoir peindre dans la cuisine, le droit de pouvoir courir « à toute vitesse » sur la terre, le droit de pouvoir écouter le silence, le droit de croire aux Contes, le droit d’écrire où je veux, le droit de recevoir chez moi ou de m’isoler au bord du monde, le droit de pouvoir faire la fête avec mes copines, en fumant la pipe, le droit de me balader en jupe et en chaussettes, le droit de rêver sous les étoiles à califourchon sur la lune, le droit de choisir les amis que je veux, le droit de pouvoir dire NON et de partir, le droit de pouvoir dire OUI à un baiser, le droit de voter pour ou contre les lois qu’on nous impose ; CONTRE celles qui ne respectent pas et ne font pas respecter les droits des femmes et de tous les humains, la dignité des animaux, le respect de la terre…
*Hommage et merci aux femmes connues et inconnues qui se sont battues pour notre liberté, nos droits.
Une SuffragetteSimone de BeauvoirLes Suffragettes
Des films que j’ai aimé qui parlent à leur manière des femmes d’hier et d’aujourd’hui, des femmes qui ont osé sortir de leur condition, qui se sont battues contres les normes imposées, si vous êtes en manque d’inspiration…
J’ai cru autrefois qu’il en était de la tâche écrite comme des autres besognes ; déposé l’outil, on s’écrie avec joie : « Fini ! » et on tape dans ses mains, d’où pleuvent les grains d’un sable qu’on a cru précieux… C’est alors que dans les figures qu’écrivent les grains de sable on lit les mots : « À suivre… »
— Colette, Le Fanal bleu
Je m’assois à ma table pour écrire, et au lieu de plonger dans le chapitre suivant, je relis les chapitres précédents et je décide bien sûr que tel paragraphe dans tel chapitre pourrait vraiment être amélioré ; je réécris donc la page, ce qui m’oblige parfois à réécrire la page suivante voir la précédente… J’introduis des ajouts, je cherche des synonymes parce que je trouve que dans telle page les mots ont tendance à se ressembler, je développe tel passage, je corrige la ponctuation — ma bête noire —, je rends la prose plus rythmée.
Mes feuilles sont couvertes de gribouillis, de dessins, je transfère certains passages sur mon ordinateur pour y voir plus clair. Lorsque je relève la tête, je m’aperçois que des heures ont passé ; je suis allée de la page 99 à la page 99 et demie, alors que je devrais être en train finir le dernier chapitre page 214. Je regarde par la fenêtre le lapin qui fait la sieste en plein soleil, la faisane qui a gonflé ses plumes pour se tenir chaud, je rêve, parfaitement heureuse, je relis les petits papiers qui décorent mon mur, mes anges gardiens ont toujours des mots qui me rassurent.
Sans me nommer écrivaine ou auteure, autrice, ou ce qu’on veut, je dis juste que j’écris, que je ne peux me passer d’écrire, depuis toujours, et que les mots de « cette » auteure font écho à mon propre ressenti de griffonneuse…
Le secret de l’écrivain : ne pas attendre que d’autres apprécient ce que vous avez fait comme vous l’appréciez. Ne pas espérer que quiconque y perçoive les émotions que vous y avez investies. Une fois cela compris, tout ira bien. Le résultat n’est ni indifférence ni apathie – mais autonomie.
— Joyce Carol Oates
Extraits du Journal 1973-1982
de Joyce Carol Oates
Une maison totalement silencieuse, dehors la neige, du soleil et un ciel d’un bleu vif, et mon esprit vagabondait librement…
Et il m’arrive d’écrire un peu dans la soirée. Mais généralement pas : je me contente de lire, de prendre des notes. Ce qui me permet de savoir que si j’avais un emploi réellement exigeant et que je travaille ainsi cinq jours par semaine, je n’écrirais probablement pas du tout.
Pour de tels écrivains (j’espère être du nombre), l’influence la plus importante n’est pas la littérature, mais la vie même, et moins elle est familière, mieux c’est…
Je n’ai pas envie de le poster. Je pourrais le travailler et le retravailler sans fin. Chaque page pourrait être développée, chaque scène dramatisée, de nouveaux passages introduits, des passages minuscules pleins d’amour – description, méditation, atmosphère, souvenirs…
Je ne sais pas si je dois continuer à mettre l’essentiel de mon énergie dans mon écriture, ou si je dois « lâcher prise » – le talent artistique hautement conscient est-il une sorte d’égotisme… ou… est-il, en un sens, absence de moi ?
« Perfection de la vie » ou « perfection de l’art » : une alternative qui n’est pas raisonnable. Il est sûrement possible d’avoir les deux. On peut essayer, en tout cas. Mais c’est l’art qui exerce la plus forte attraction…
Il n’empêche qu’on doit laisser à une œuvre son autonomie. Les personnages revendiquent leur vie…
J’ai tendance à la paresse… Lire, marcher, regarder par la fenêtre. Debout de bonne heure ce matin, j’ai lu pendant que Ray dormait, assise sur le canapé près de la fenêtre de la terrasse, distraite par les geais bleus, les tourterelles, le ciel bleu magnifique, j’ai rêvassé, paresseuse, parfaitement heureuse.
« Seul et unique propriétaire. » Tout écrivain éprouve le désir de créer un monde fictif qui représente le monde « réel » en raccourci, en concentré, en poétique. Bellow crée ainsi son Chicago, qu’il appelle « Chicago » mais qui est néanmoins le Chicago de Bellow (et pas celui de Nelson Algren ni de Studs Terkel). Le New York de Philip Roth lui appartient en propre, au même titre que les paysages intérieurs de Beckett. Sans cela, l’art n’aurait guère d’attrait : ce serait du simple reportage.
[…] les premiers sont écrits à la main. Couverts de gribouillis, de dessins, barrés à mesure que je transfère certains passages de mes notes à un autre brouillon plus officiel. Le saut entre les notes et le premier jet est si considérable que quelque chose serait perdu de toute façon. Et le saut entre le premier et le dernier jet est également immense. Ce qui se passe sur le papier est si insignifiant comparé à ce qui se passe dans le cerveau que l’accumulation des brouillons de travail ne ferait que dérouter quiconque les étudierait…
Un journal comme un travail de prise de conscience.
Le défi : noter, sans falsifier, minimiser ni « dramatiser », les processus extraordinairement subtils par lesquels le réel est rendu plus intensément réel par l’entremise du langage. C’est-à-dire par l’entremise de l’art.
De temps à autre, un rêve/une vision profonde, vraiment alarmante, franchit la barrière et nous contraint à reconnaître la présence d’une force plus grande que nous, contenue on ne sait comment dans notre conscience.
S’occuper » est le remède à tous les maux en Amérique. C’est aussi par ce moyen que l’on détruit l’élan créateur.
Dommage que noter des événements essentiellement heureux donne, dans un journal, une impression d’auto congratulation. L’artiste doit trouver un environnement, un mode de vie, qui protégera son énergie : l’art doit être cultivé, doit avoir la priorité. Le lecteur d’un roman ne peut deviner à quel point le romancier est lui aussi un lecteur… un lecteur d’abord, puis un greffier. L’œuvre d’art travaille à se créer ; il faut seulement ne pas intervenir. La première règle de la médecine : ne pas faire de mal. Mais si c’est nécessaire, le faire avec grâce… !
Quand il était enfant, il souffrait d’insomnie, cauchemardait, hurlait, l’appelait et lui soutenait que lorsqu’elle fermait la porte, ses jambes partaient dans un trou et qu’il devait s’accrocher aux barreaux du lit pour ne pas les suivre. Toutes les institutrices lui avaient suggéré de consulter un psychologue, les voisines hochaient la tête gravement et lui conseillaient plutôt de le mener au rebouteux pour qu’il lui remette les nerfs en place. Quant à son mari, lui, il voulait l’empêcher de monter. C’est toi qui nous le gâtes ! il disait, c’est toi qui le détraques ce gamin ! Bon sang, t’as qu’à moins l’aimer aussi ! T’as qu’à le laisser chialer un moment, d’abord y pissera moins et tu verras qu’y s’endormira quand même…
Elle disait oui oui gentiment à tout le monde mais n’écoutait personne. Elle lui préparait un verre de lait chaud sucré avec un peu d’eau de fleur d’oranger, lui soutenait la tête pendant qu’il buvait et s’asseyait sur une chaise. Là, tu vois, juste à côté. Elle croisait les bras, soupirait et s’assoupissait avec lui. Avant lui souvent. Ce n’était pas grave, tant qu’elle était là, ça allait. Il pouvait allonger ses jambes…
Adaptation du roman d’Anna Gavalda.
Philibert prenait toujours du chocolat au petit déjeuner et son plaisir, c’était d’éteindre le gaz juste avant que le lait déborde. Plus qu’un rite ou une manie, c’était sa petite victoire quotidienne. Son exploit, son invisible triomphe. Le lait retombait et la journée pouvait commencer : il maîtrisait la situation.
– Hé, mais c’était il y a plus de deux siècles ! Les choses ont évolué depuis !
– Changé, c’est indéniable. Évolué… Je… je n’en suis pas certain…
Elle assembla des tuiles aussi fines que du papier à cigarette, figées, fripées, chiffonnées de mille façons, joua avec des copeaux de chocolat, des écorces d’oranges, des fruits confits, des arabesques de coulis et des marrons glacés. Le commis pâtissier la regardait faire en joignant ses mains. Il répétait : « Mais vous êtes une artiste ! Mais c’est une artiste ! »
Le chef considérait ces extravagances d’un autre œil : « Bon, ça va parce que c’est ce soir, mais c’est pas le tout d’être joli… On cuisine pas pour faire du joli, bon sang ! » Camille souriait en griffant la crème anglaise de coulis rouge. Hé, non… C’était pas le tout de faire du joli ! Elle ne le savait que trop bien…
Un enfant est petit… assez impuissant… sait si peu mais sent si intensément… n’a pas d’argent, pas de liberté, pas de protection contre les adultes (avec un peu de chance, ceux qui l’entourent l’aiment)… pas de perception claire de l’avenir. Un enfant existe dans un réseau de règles invisibles qui ne deviennent visibles que lorsqu’elles sont enfreintes.