Quand le printemps venait, même le faux printemps, il ne se posait qu’un seul problème, celui d’être aussi heureux que possible. Rien ne pouvait gâter une journée, sauf les gens, et si vous pouviez vous arranger pour ne pas avoir de rendez-vous, la journée n’avait pas de frontière. C’étaient toujours les gens qui mettaient des bornes au bonheur, sauf ceux, très rares, qui étaient aussi bienfaisants que le printemps lui-même.
C’est en novembre que l’esprit des lieux se manifeste. On l’avait oublié durant les beaux jours, on profitait du grand air, du ciel bleu, des promenades et des jardins fleuris, des plages et des vagues joyeuses… Le vent a tout emporté.
Le nez renifleur, les doigts gourds, on rentre au chaud, on cherche ses pantoufles… L’esprit de la maison nous y attend.
Il peut prendre de nombreux aspects : un parfum de soupe aux légumes, une envie de lecture, de couture, de jeux de société, de canapé cocon devant un film, de feux de bois qui crépite. On ne le voit jamais, ou à peine une seconde, comme un mouvement fugitif au coin de l’œil. Nos aïeux lui avaient donné des noms : Brownie, Pilou, Sotré, Latusé… Des petits noms aussi volatiles que des bulles de savon. Il ne demande rien : une miette par-ci par-là, un fond de verre. Pour dormir un trou de souris lui suffit.
La maison de novembre rassemble ce qui s’est éparpillé, rappelle à elle les enfants partis loin, les bonheurs, les peines, les défunts et les souvenirs passés.
Ses soirées sont aussi douces que les soirées d’été. Le feu crépitant en sera le soleil. Un soleil bienveillant, apaisé, aux clartés tamisées, acoquiné étroitement à l’ombre complice dans une alchimie d’or. ♣ Le Légendaire des saisons.
Un jour la brume en novembre voulait dormir dans ma chambre J’ai fermé la porte à clé la brume m’a encerclé. Brume, brouillard, brouillardise J’en ai fait ma gourmandise.
— Y.Penguilly
À propos de la mâche de la fée Doucette Dans certains contes, on confond parfois cette mâche-doucette avec la raiponce, qui est une sorte de panais. Mais dans les contes ça n’a guère d’importance, car le « Il était une fois », excuse tout !
Une citation soulignée l’an passé qui m’inspire plus que je ne saurais l’exprimer avec cette canicule qui dure depuis début avril.
Être sous la pluie, comme cela doit être divin, la bruine, légère et parfumée, être à Fowey, maintenant, avoir froid, frissonner, se pelotonner dans un épais manteau, marcher dans l’herbe verte et mouillée, respirer l’air pur, caresser l’écorce rugueuse d’un arbre, les pétales veloutés constellés de rosée, contempler la mer qui se déchaîne contre les falaises. Se promener devant Menabilly, poser ses mains sur les murs gris du manoir, ressentir ce frisson de plaisir intense.
Daphné Du Maurier se met à rêver de vivre au bord de l’eau, comme si la devise de Trébeurden, Ar Mor Eo Ma Plijadur (la mer est mon plaisir), avait été écrite rien que pour elle.
— Extrait de la biographie écrite par Tatiana de Rosnay « Manderley for ever » que j’ai adoré lire.