Il faut en semer un peu partout, des mots doux, des mots qui apaisent, des mots rassurants, des mots de soutien pour les enfants nés dans les endroits difficiles de notre monde. Ils pourront s’y accrocher, ne serait-ce qu’un instant, pour entrevoir une réalité différente, pour entendre le chant de la vie sous un ciel étoilé. Un Livre ! Illustré ou non, de poche ou relié, en format numérique ou papier, un livre de 20, 30, 40, 68, ou 520 pages, petit ou grand, à dévorer ou à savourer lentement, un livre qui vous appartient, que vous pouvez relire, partager, feuilleter, un compagnon de voyage, d’ici ou d’ailleurs… C’est aussi bien qu’un fast-food, un trajet en bateau-bus, un expresso en terrasse, un thé partagé avec des amis, une limonade fraîche, la visite d’une exposition ou une séance de cinéma…
Écrire ! Pouvoir écrire ! Cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu’à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé en papillon fée…
L’écrit et l’image deux modes d’expression qui me passionnent, que nous aimons tous. Pourquoi ? Un engouement spontané, naturel ?
Il y a peu je suis tombée sur cette réflexion d’Anne-marie Laulan qui développe le sujet avec une perspective historique ; sur le site « Persée ». Une étude passionnante. Après une analyse très stricte des rapports de l’écrit et de l’image, après avoir examiné ce qu’elle appelle l’impérialisme de l’écrit, elle conclut en montrant qu’il y a aussi un impérialisme de l’audiovisuel.
L’IMPÉRIALISME DE L’ÉCRIT […] L’écrit est extrêmement codifié. Traités, parchemins, lettres de cachet, registres, livres et, plus récemment, journaux : le format en est réglementé, répertorié, et les règles d’écriture en sont extrêmement strictes. Il ne s’agit pas, bien sûr, de l’écriture que chacun de nous peut exercer à l’aide d’un stylo, d’un crayon ou même d’un roseau, il s’agit de l’écriture imprimée. Et cette codification vient, d’une part, des contraintes techniques et, d’autre part, du contrôle du pouvoir. N’oublions pas qu’aucun ouvrage ne pouvait paraître sans un « imprimatur ».
[…] La typographie par le plomb a obligé à s’entendre sur une forme de lecture d’ouvrage et on peut dire qu’à partir des contraintes techniques sont nées des contraintes mentales. Pour parler un langage que les biologistes comprendront très vite, on peut dire que la fonction de l’écrit dans sa forme typographique lourde a modelé peu à peu, et peut-être même modifié, l’organe qui est la pensée derrière l’écrit.
Par conséquent, depuis l’apparition de l’imprimerie, l’écrit est caractérisé ainsi : un privilège réservé à quelques-uns, une pratique contrôlée, censurée et extrêmement codée, enfin une technique très spécialisée, lourde, coûteuse et étroitement réglementée. Si l’on se réfère au mode de raisonnement, au mode de pensée, aux grands textes philosophiques des cinq derniers siècles, on voit qu’effectivement la démarche rationnelle du syllogisme à la chaîne de raisonnement est toujours une démarche progressive, analytique, allant dans une seule direction temporelle. L’espace du livre est un espace réglementé, délimité ; on lit un livre du commencement à la fin, de droite à gauche, du haut de la page au bas.
Or, ces habitudes et ces contraintes de lecture ont fini par modeler et par régir aussi les contraintes de la pensée. Délimitation de l’espace et utilisation unidirectionnelle du temps, voilà donc comment se caractérise l’écrit. Et de là à imaginer qu’il y a un impérialisme de la pensée lié à cet impérialisme de l’écrit, il n’y a qu’un pas, qu’un assez grand nombre de penseurs ont franchi allègrement. […]
L’IMAGE DOMINÉE
Qu’en était-il de l’image pendant tout ce temps-là ? Elle a toujours été présente ; elle a été peinte, sculptée, dessinée, et cette pratique esthétique de l’image a coexisté plus ou moins pacifiquement mais continûment avec la pratique de l’écriture. On l’a déjà dit et on le redira souvent : l’image est finalement un matériau beaucoup plus résistant et beaucoup moins maniable que ne le sont les mots écrits.
L’image est moins facile à coder, elle résiste à l’analyse et, pendant de longs siècles, son rôle a été, dans notre société occidentale, essentiellement réduit à une fonction ancillaire. Un écrivain, Claude Beauvalet, a remarqué que le rôle assigné à l’image fut assez comparable au rôle assigné à la femme.
En quel sens ? On s’est servi de l’image pour orner, pour illustrer, pour embellir ; et toutes les fois que des choses importantes se produisaient, quand il s’agissait de signer un traité, de ratifier, d’enregistrer, de proclamer une décision, alors, bien entendu, on revenait à l’écrit. Donc l’image a été servante, et, d’ailleurs, le langage également. Valéry remarquait qu’on s’est très longtemps servi du langage comme d’un instrument et qu’on a négligé sa fonction poétique.
On sait à quel point peut s’exercer une domination par les codes du langage verbal, mais on commence tout juste à soupçonner qu’existe aussi un code de l’instrument audiovisuel. Bien sûr, on savait déjà que la prise de vues était toujours un peu subjective. Ce n’est pas de subjectivité qu’il s’agit, mais de code dominant : par exemple, le code de l’objectivité, le code de la neutralité, le code de l’impersonnalité (bien entendu, ce pourrait être le code de l’engagement).
Il serait intéressant de savoir à quel moment on s’est mis à employer le verbe écrire d’une façon intransitive, l’écrivain n’étant plus celui qui écrit quelque chose mais qui écrit, absolument : ce passage est certainement le signe d’un changement important de mentalité.
Terminé « La préparation du roman » de Roland Barthes, avec la transcription des enregistrements des cours au Collège de France. Je me suis régalée ! Une lecture passionnante !
Tout aspirant à l’écriture devrait le lire, il y a tout, toutes les questions que l’on se pose quand on a la passion d’écrire… Je ne manquerai pas de partager mes notes, elles sont nombreuses ! Des complices, des alliées pour les heures de doute et de solitude.
Le roman doit me permettre de dire ceux que j’aime, et non pas de leur dire que je les aime (ce qui serait un projet proprement lyrique) ; j’espère du Roman une sorte de transcendance de l’égotisme, dans la mesure où dire ceux qu’on aime, c’est témoigner qu’ils n’ont pas vécu (et bien souvent souffert) « pour rien ». — Roland Barthes
Écrite par Marie an Avel Illustrations, Sylvano Bulfoni
Même si le printemps est particulier cette année, basculement radical du thermomètre d’un jour à l’autre, même si l’île a subi un hiver de tempête qui a abattu de grands arbres, fragilisé certains pins qui laissent pendre leur ramée ; même si je ne suis pas très vaillante, il semblerait que le pollen ait décidé de chatouiller ma gorge, (bon c’est vrai le vent n’a pas été tendre avec l’île cet hiver, à chacun ses humeurs…), même s’il y a quelques jours, de retour du continent alors que je traversais l’île du nord au sud sur mon vélo pour rentrer chez moi j’ai reçu une pluie diluvienne qui m’a secouée d’éternuements toute la semaine, je suis toujours debout…
Et il me reste assez d’énergie pour publier :« La graine tombée du ciel », une histoire qui parle justement d’un archipel lointain, d’une île secouée par les tempêtes de l’hiver, de l’arrivée du printemps, mais, surtout, de la découverte d’une graine tombée du ciel protégée par une adorable rainette en jupette jaune. Je n’en dis pas plus… (Après réflexion je me dis qu’il serait bon de s’interroger sur l’influence de nos écrits sur le monde, qui inspire l’autre ?)
Cette fiction a eu une première version en solitaire, aujourd’hui elle a ouvert grand ses ailes et décollé vers les cimes du grand empyrée grâce aux illustrations de Sylvano Bulfoni et une réécriture qui espère une suite. Nous vous la proposons pour vos enfants, petits-enfants, très grands enfants ouverts aux mondes imaginaires.
Les beaux jours vont venir, ils viennent toujours après la tempête…
Une chose est sûre si le monde s’invente chaque jour à l’image de nos voyages imaginaires, je ferai mon possible pour donner à mes personnages la force de vaincre les revers de la vie et j’essaierai (tant que ma plume se pliera à mes volontés) de ne pas créer de situations trop infernales… Utopie ? Qui sait ? …
La vie est presque la même pour nous tous lorsque nous sommes dans le processus de création – aucun auteur ne semble faire grand-chose de plus que ce qui est accessible à tous – cependant je ne peux que les remercier d’avoir pris le temps d’écrire ces notes sur leur travail et de les avoir partagées. Elles me permettent de prendre du recul lorsqu’un passage à écrire me bloque, lorsqu’un personnage troublant remet en question ce que je viens d’écrire et qu’il me fait soudain douter de tout.
Ces livres posées près de moi, me donnent la sensation d’être entourée d’ancêtres, d’amis généreux, à l’écoute et toujours là pour me soutenir. J’ai envie de partager ce soutien avec vous qui aimez écrire, inventer, imaginer… peut-être ai-je lu ici ou là une phrase, une anecdote, un passage qui vous a échappé dans vos lectures et qui répondra à vos interrogations du moment, ou tout simplement vous fera sourire…
Je travaille actuellement sur un premier roman qui me fait languir, il n’a pas l’air de vouloir que je pose le mot fin. A moi de voir si c’est un caprice ou s’il me cache encore quelque anecdote importante… Je termine aussi ma deuxième nouvelle illustrée et je ne saurais dire pourquoi, mais je l’aime particulièrement – je ne parle pas de mon écriture, je ne berce pas dans la flatterie et la suffisance à ce point – c’est plutôt le contenu, le cadre, le personnage principal, il va me manquer, c’est sûr…
Mais revenons à nos moutons ; dans cette nouvelle il y a un cercle (je n’en dirais pas plus, on ne sait jamais, il paraît que les blogs ont des oreilles…) qui m’a inspiré le nom de cette nouvelle catégorie : « Le Cercle des Scribes », un cercle littéraire informel qui défend la valeur de la fiction narrative et la poésie. Le temps est venu de transmettre cet héritage remarquable qui ouvre des portes, qui ravive les flammes.
Les activités du cercle (ou de cette catégorie) consistent à écrire des passages d’œuvres aimés, pour leur soutien au moment de la création – ou à d’autres moments – que les lecteurs/membres assidus ou de passage peuvent noter, ou discuter s’ils en ont envie…