Catégorie : Almanach – Au fil des saisons

Les évènements de l’année, à différentes époques, les suites de jours, les phénomènes météorologiques et naturels, des recettes, des dictons, des conseils, les travaux du mois : au jardin, à la maison, à la table de l’autrice et de l’illustrateur… L’inépuisable marmite des jours tricotés, filés et cousus aux saisons.
Ca évoque un vieil almanach, qui se lisait parfois tout haut à la veillée, entre les contes, les légendes, les potins de la gazette.

  • Lettre à un ami

    Lettre à un ami

    Dans la brume matinale qui enveloppe l’île et les champs, un silence respectueux s’est posé, le paysage se recueille pour te dire adieu.
    Pendant trois ans, j’ai eu le privilège de te rendre visite, de partager des moments de calme et de contemplation. Tu as été un compagnon silencieux, ta présence était aussi réconfortante que les arbres, les herbes et les oiseaux qui t’entouraient.
    Aujourd’hui, alors que tu es parti pour ce dernier voyage, je veux que tu saches que ton souvenir restera gravé dans mon cœur. Tu as été bien plus qu’un animal dans un champ, tu as été un ami, un symbole de la vie paisible et majestueuse de cette île.
    Repose en paix. Ton esprit restera à jamais dans le vent qui tourne et vire, la pluie qui bat, et les heures dorées de ce lieu qui était ta maison.

    Sur la dernière photo, prise avant ton départ (que j’ignorais) tu marches seul vers l’horizon, résigné. Je me sens désemparée, inutile, impuissante à changer ce terrible destin ; peut-être qu’en écrivant, en racontant ton histoire… J’imagine que tu as eu très peur face au bourreau, j’espère que tu n’as pas souffert, que tout s’est passé très vite ; la mort a dû être une délivrance.

    Tu avais trois ans, tu as traversé des canicules, des tempêtes, des pluies diluviennes, des vents rageurs… sans abri, ou si peu, un arbre, parfois un talus…

    Je te souhaite plein d’étincelles dans l’au-delà.


    Artiste novatrice, Rosa Bonheur plaça le monde animal au cœur de son art. Elle s’engagea pour la reconnaissance des animaux et chercha à exprimer leur « âme ».

    Plusieurs poètes célèbres ont écrit de beaux poèmes sur les bœufs. Ces œuvres poétiques mettent en lumière leur force et leur noblesse, tout en reflétant les sentiments profonds que les auteurs éprouvent pour ces créatures.


    J'ai deux grands bœufs dans mon étable,
    Deux grands bœufs blancs marqués de roux ;
    La charrue est en bois d'érable,
    L'aiguillon en branche de houx.
    C'est par leur soin qu'on voit la plaine
    Verte l'hiver, jaune l'été ;
    Ils gagnent dans une semaine
    Plus d'argent qu'ils n'en ont coûté.
    […]

    Les voyez-vous, les belles bêtes,
    Creuser profond et tracer droit,
    Bravant la pluie et les tempêtes
    Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid.
    Lorsque je fais halte pour boire,
    Un brouillard sort de leurs naseaux,
    Et je vois sur leur corne noire
    Se poser les petits oiseaux.
    […]

    Ils sont forts comme un pressoir d'huile,
    Ils sont doux comme des moutons ;
    Tous les ans, on vient de la ville
    Les marchander dans nos cantons,
    Pour les mener aux Tuileries,
    Au mardi gras devant le roi,
    Et puis les vendre aux boucheries ;
    Je ne veux pas, ils sont à moi.
    […]

    Quand notre fille sera grande,
    Si le fils de notre régent
    En mariage la demande,
    Je lui promets tout mon argent ;
    Mais si pour dot il veut qu'on donne
    Les grands bœufs blancs marqués de roux ;
    Ma fille, laissons la couronne
    Et ramenons les bœufs chez nous.
    […]

    Pierre DUPONT
    1821 - 1870


    Ce chérubin dit la louange
    Du paradis, où, près des anges,
    Nous revivrons, mes chers amis,
    Quand le bon Dieu l’aura permis.

    Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée, 1911

    Autre article à lire : Imploration et impuissance

  • Épiphanie, Saturnales

    Épiphanie, Saturnales

    L’épiphanie, du grec epiphaneia : « apparition », clôt le cycle magique des douze jours par une « nuit des Rois ». Rois mages guidés par l’étoile, roi Hérode menant sa chasse infernale, rois divins des antiques dieux solaires et roi de carnaval. La fête des Rois est aussi ancienne que Noël. Dans l’Antiquité, lors des saturnales, les romains tiraient déjà les rois avec des fèves.

    Antiquité


    Tacite, historien du Ier siècle, évoque la tradition du « Roi du jour » : un banquet au cours duquel maîtres et esclaves partagent un même repas. À cette occasion, une fève (haricot) est dissimulée dans un gâteau dont l’aspect rond et doré symbolise le soleil. Celui qui tombe sur la fève devient le « Prince des Saturnales » ; il a le droit d’exaucer tous ses désirs pendant une journée, devenant le roi d’un jour. Cette fête est l’occasion d’abolir toutes barrières sociales, notamment entre maîtres et esclaves.


    Épiphanie, une fête chrétienne

    Elle fait référence à la visite des rois mages venus à Bethléem auprès de l’enfant Jésus, douze jours après Noël et la naissance de ce dernier. Selon l’Évangile de Matthieu, Gaspard, Melchior et Balthazar auraient suivi une étoile pour être guidés jusqu’à l’enfant Jésus, afin de lui rendre hommage et lui apporter des présents en guise de respect : l’or pour évoquer la royauté ; l’encens la divinité et la myrrhe pour la souffrance rédemptrice de l’Homme. En souvenir de cet événement, les chrétiens partagent une pâtisserie, dans laquelle est dissimulée la fève.

    Jour de l’Épiphanie : le premier dimanche de l’année

    Ils sont tous là, en compagnie de la famille, parfois d’amis, de voisins, installés autour de la table ; à festoyer, à trinquer, en attendant qu’on partage la galette, le gâteau, le pudding ou la brioche. La coutume veut que le gâteau soit découpé sous une serviette blanche afin que le secret de la fève reste gardé, et présenté au père par le plus jeune enfant.
    « La part à qui ? » demande le père en désignant un quartier, et c’est l’enfant qui fait son choix dans l’assemblée. Mais la première part , « la part à Dieu » doit être mise de côté pour le premier pauvre qui viendra la chercher. Celui ou celle qui a la fève est couronné.e roi ou reine.

    Moyen-Âge

    La dégustation s’est accompagnée peu à peu d’une autre tradition, celle du « Roi boit ». Elle consistait pour celui qui avait trouvé la fève à offrir à boire à tous les convives autour de la table. Certains resquilleurs, pour éviter de payer leur tournée, avalaient la fève afin d’éviter l’addition… Petit à petit, le haricot est remplacé par une pièce – beaucoup moins digeste – afin d’éviter la triche. La fève en porcelaine est une invention pour éviter la triche.


    Autrefois, des bandes de miséreux, des enfants de chœur, arrivaient de partout frapper aux portes des plus riches, réclamer la part à Dieu, au Roi et à la Reine de la fête.
    En Bretagne, c’est un cheval orné de rubans et branchages, monté par deux mannequins recouverts d’un drap qui conduisait la cohorte des quêteurs.
    En Angleterre, une fève désignait un roi, un pois la reine. En écosse, le pudding traditionnel contenait, en plus d’une pièce de monnaie, un brin de myrrhe poivré d’un grain d’encens.

    Italie – La Befana


    En Italie, de longues trompettes de verre annoncent l’arrivée de « La Befana » dans les ciels de Toscane. La Befana c’est la mère Noëlle de l’Italie du nord, elle apporte des cadeaux aux enfants la nuit de l’épiphanie. Elle est très attendue des « Bejanatas », les bandes de gamins déguisés, qui lui font la fête. À cheval sur un balai, un sac de charbon accroché à sa bosse, elle s’introduit dans les maisons et dépose des jouets aux enfants sages, de noirs escarbilles aux garnements. Le lendemain, il est coutume d’accrocher une poupée de chiffon à la fenêtre, partout où elle est passée… Et le soir, en cortège et mascarade, on va brûler sur la place l’effigie de la Befana afin qu’elle renaisse plus vaillante de ses cendres, l’année suivante…

    *La frangipane, une invention italienne : aujourd’hui, la recette traditionnelle de la galette est à base de crème frangipane (un tiers de crème d’amande, deux tiers de crème pâtissière). Elle devrait son nom au comte Cesare Frangipani, qui aurait offert la recette à Catherine de Médicis au XVIe siècle, en cadeau de mariage lors de ses noces avec le futur Henri II. Dans la tradition franciscaine, on fait toutefois remonter son origine au XIIIe siècle, en l’attribuant à Jacqueline de Septisoles, jeune veuve du noble romain Graziano de Frangipani, et proche de François d’Assise, à qui elle avait pour habitude d’offrir des gâteaux aux amandes.


    Capes volantes, chargés d’outres grondantes, les vents viennent chercher les fantômes et âmes errantes qui séjournaient au foyer avec les leurs, depuis la Toussaint. Ils grimpent sur leurs chevaux fous et s’envolent avec eux.

    Aujourd’hui, on partage la galette et s’envolent refrains et couplets par-dessus les toits… ♫♪♫

    La pâte feuilletée,
    Croque sous mes quenottes,
    Les miettes dorées,
    Collent à mes menottes,
    Et j’ai choisi ma reine,
    Et j’ai choisi mon roi…

    *La fève : dès l’Antiquité, la fève (de haricot blanc ou autre légumineuse) est choisie comme élément caché dans la galette, car c’est l’un des premiers légumes à pousser après l’hiver. Cette graine est un symbole de fécondité, car elle porte en elle le germe de la future plante. On ne pouvait trouver mieux pour célébrer Saturne, Dieu romain dédié à l’agriculture.

  • Entre les giboulées

    Entre les giboulées

    Mars le fou n’a pas deux jours pareils ! se plaint le dicton populaire. Ça hurle, ça cingle, ça pleure, ça vente à tout-va. Ça tire à boulets rouges pour faire passer l’arc-en-ciel.

    Mars le guerrier frappe d’estoc et de taille tous les horizons, même si parfois il s’accorde un court repos et allume sa pipe au rayon d’une éclaircie. Les anciens Saxons l’avaient baptisé, le Tempétueux.

    Cette année notre tempétueux a décidé de rester près du feu à fumer sa pipe. Peu de giboulées, quelques pluies, du vent, oui du vent, mais pour l’instant raisonnable…

    On le dit fou, excessif, mais c’est pour la bonne cause, il veut délivrer sa belle « Flore » de ses murailles glacées, pour que de pétales en bourgeons elle illumine les vergers, reverdisse les prés et les haies, réveille les sous-bois, pour que le printemps renaisse…

    Nées du réveil ébloui des fées, à la lueur du jour, les fleurs de mars ne durent pas longtemps, comme les plus belles choses qui, par leur essence même, vivent l’éternité d’un miraculeux instant. On voudrait les retenir, mais, pareilles aux songes, elles s’éloignent déjà…

    Quelques conseils de Ratiflette pour le potager…

    Le potager de mars ne se récolte pas, mais se jardine… Et il y a fort à faire : bêcher, remuer, affiner la terre, sarcler, biner, semer en attendant les premiers radis.

    Le potager de mars n’a que misère à donner, mieux vaut aller faire son marché dans le sauvage, cueillir dans les prés et les talus sa verdure : salade de pissenlits, de cardamine, de pouces de ronces et d’asperges de savetier…

    Pour l’heure le bon jardinier tente d’entrevoir
    dans la graine qu’il dépose
    l’éclosion et l’épanouissement
    d’un royaume de jardin dont il est l’enchanteur.

  • L’étincelle d’un bourgeon

    L’étincelle d’un bourgeon

    Parce que le vent chasse les nuées, que l’alouette monte vers le ciel, que les cieux s’entrouvrent, qu’un rayon de soleil tire de la terre une jeune pousse d’abricotier qu’un couple de mésanges illumine de leur présence – février, malgré son mauvais caractère, est l’allumeur de réverbère de la nouvelle saison.

    Février, februarius, du verbe latin februare : « purifier« .

    Sous l’édredon nuageux et sombre de l’hiver,
    un coin de ciel s’éclaircit : une petite mare modeste mais qui teinte déjà le matin engourdi d’une lueur de chandelle.

    Le 14 – N’oubliez pas votre Valentin ou votre Valentine !

    N’est-ce pas charmant tous ces serments d’amour échangés.

    Le 2 – C’est la CHANDELEUR

    Pour avoir de l’argent toute l’année, il faut faire sauter sa crêpe dans la poêle d’une main en tenant une pièce d’or ou d’argent dans l’autre.


    Quelques conseils, quelques dictons pour la chandeleur…

    • Pour bien faire, il faut garder la première crêpe pour l’esprit de la maison : on la laisse refroidir, on la roule soigneusement dans un papier et on la jette par-dessus l’armoire. Elle sèche sans moisir et sert de porte-bonheur à toute la famille.
    • Si on donne à manger de la crêpe de chandeleur aux poules, elles pondront deux fois plus.
    • La passer sur son visage évite de se faire piquer par les insectes durant l’été.
    • En apporter une sur les lieux fréquentés par le petit peuple et les fées vous permettra de voir se réaliser trois vœux dans l’année.😉🙂
    illustration – René Hausman
  • Janvier

    Janvier

    Le Nouvel An

    L’étincelle de la flambée de Noël monte son étoile au ciel pour y puiser lumière et grâce et retombe au matin éclairer l’année.


    Les étrennes

    On raconte que les étrennes auraient pour origine quelques branches de verveine coupées dans un bois consacré à la déesse de la force « Stroenia« , et offertes, au premier jour d’une lointaine année, par ses sujets, au roi des Sabins Tatius qui, dés lors, instaura la coutume de s’échanger des petits cadeaux de toutes espèces les stroenae : « étrennes ». Les Gaulois, séduits par l’usage, y ajoutèrent le gui et les fêtes : Gui l’en neu, guienlai, guilanlai, guillandou, éguinané, angouilanou, au gui l’an neuf et toutes ses variantes.

    Au Guénel l’an neuf !


    Retrouvons le plaisir d’écrire, même par courriel, envoyons nos vœux bienveillants, sur lesquels flottent quelques vestiges des parfums du gui et de la magie…

  • Fais un vœu…

    Fais un vœu…

    Seul vole celui qui ose voler


    Meilleurs vœux à vous tous, qui passez…

    Rire souvent et sans restriction ; s’attirer le respect des gens intelligents et l’affection des enfants ; tirer profit des critiques de bonne foi et supporter les trahisons des amis supposés ; apprécier la beauté ; voir chez les autres ce qu’ils ont de meilleur ; laisser derrière soi quelque chose de bon, un enfant en bonne santé, un coin de jardin ou une société en progrès ; savoir qu’un être au moins respire mieux parce que vous êtes passé en ce monde ; voilà ce que j’appelle réussir sa vie.

    — Ralph Waldo Emerson (1803-1882)

    Le passage d’une année à l’autre…

    Que puis-je souhaiter pour cette nouvelle année ? J’ai envie d’arrêter de regarder ce qui enlaidi la vie ; d’arrêter d’écouter ceux qui condamnent la vie ; j’ai envie de me relier aux arbres, aux fleurs, aux animaux, de dire oui au jour qui vient, au temps qui passe, de me dire oui à moi-même.
    Pas de résolutions intenables non plus, mais plutôt…

    Qu’est-ce que je fais déjà qui est satisfaisant ?
    Qu’est-ce que je fais qui est insatisfaisant ?

    Comment je peux réorienter mon gouvernail pour aller vers le mieux, pour prendre une direction qui irait vers le mieux…


    Un extrait du livre de Stéphane Floccari, « Nietzsche et le nouvel an » (Encre marine) – Les Belles Lettres.

    « On change de jour tous les jours, rappelle avec profondeur le philosophe Nicolas Grimaldi. Mais, une fois par an, un jour advient comme autre chose qu’un jour de plus. Ce jour singulier où l’année vire, comme le temps change ou la chance tourne, celui où le calendrier scande un avant et un après, nous l’appelons, sans trop savoir ce que nous en attendons, le Jour de lan.
    Nous le fêtons comme la césure décisive qui ouvre un temps à soi, qui est aussi commun à tous.

    La veille de ce jour-là, demain, c’est l’an prochain. Le temps d’un jour, l’an qui vient cesse d’être lointain. L’existence se réinvente et se projette hors d’elle-même à l’horizon de ce jour singulier autrement que tous les autres jours de l’année. La vie sociale se suspend à l’axe de cette promesse de renouveau.

    Chacun y accroche pêle-mêle son pesant d’espérances, de craintes tues, et ses aspirations les plus intimes. Mais comme ces coquillages vides qu’on croit un instant habités par le son de la mer, chaque passage à la nouvelle année s’accompagne d’un bruit de fond auquel les hommes redeviennent vite, étrangement vite, sourds et étrangers. En tendant l’oreille, chacun peut en percevoir, aux heures où janvier chasse décembre, la rumeur inquiète au fond de lui-même.
    Qu’ai-je fait des années qu’il m’a été donné de vivre, et particulièrement de la précédente ? Serais-je prêt à les revivre toutes de la même façon ? Que puis-je désirer d’autre, de réellement personnel, pour celle qui vient, encore ouverte à tous les possibles et qui n’est pour l’heure associée à rien de précis, ni d’irréversible ? De quel souhait, de quel vœu, si l’on en suspend provisoirement tous les cadres traditionnels d’appréhension, la nouvelle année peut-elle pour moi devenir l’occasion et la promesse ? »