Auteur : Marie an Avel

  • Livr’à Vannes 2023

    Livr’à Vannes 2023

    Île d’ARZ → Vannes

    Vendredi matin – orage léger mais pluie abondante, on a démarré chanceux, on a évité le grain en traversant l’île pour rejoindre la cale de Béluré. Ouf ! 🙂

    Mon compagnon illustrateur m’a accompagnée, il était affolé de me voir, « oh pauvre femme sans force 😃 », porter la malle de livres (je ris mais c’est vrai, j’ai essayé de la soulever, aïe, drôlement lourd les livres). Normal le papier vient de l’arbre, on ne se balade pas avec un morceau d’arbre sous le bras en sifflotant. Ça se mérite la lecture…

    Accueil sympathique sur l’esplanade Simone Veil, ticket restaurant, boisson chaude, sourires, c’est la première fois que je participe à ce Salon et que je me retrouve dans la grande librairie, côté autrice. Je suis sur un nuage…
    Notre ami Bruno L’Her, auteur de roman policier à succès, était déjà installé, le reste de la longue table presque vide. Aucune indication, pas de nom accroché, on savait juste qu’on avait droit à 90 cm, on a pris notre temps, quel est le meilleur angle pour être visible, bref, les petits questionnements d’une novice qui débarque de son caillou.

    Ce fut un après-midi agréable, du monde dans les allées jusqu’à 19 heures, mais raisonnable, la pluie avait rafraîchi l’atmosphère, c’était respirable.

    « Les auteurs du pays de Vannes », « Les écrivains de Bretagne », vont-ils être visibles ?
    Merci cher·ère·s lecteur·rice·s, merci à ceux qui ont tenté de découvrir d’autres auteur·rice·s que ceux portés par les médias et les affiches, merci à ceux qui ont fait l’effort de se retourner et de voir qu’il y avait d’autres plumes inspirées.


    De mon côté, plus de lectrices que de lecteurs.

    Des hommes se sont arrêtés en lisant mon nom, c’est un pseudo ? D’autres en découvrant le titre du livre, les souvenirs oubliés sont-ils perdus… bonne question, très bon titre, vous avez bien choisi… Quelques échanges, parfois drôles, même s’ils n’achètent pas toujours le livre, ça les interpelle. Je suis là pour vendre mes livres mais aussi pour rencontrer des lecteur·rice·s, pour partager, pour découvrir (de l’autre côté de la table) ce grand Salon du Morbihan. Toutes ces personnes en quête de lecture, en attente de nouvelles histoires, me touchent.

    « Je vais chercher dans les romans les mots qui me manquent, la force qui me fait défaut, l’évasion, une autre vision du monde… », c’est ce qu’ils me disent. Ceux qui s’arrêtent et feuillettent mes livres me racontent des passages de leur vie, souvent difficiles, éprouvants, ils ont besoin d’être écoutés, entendus… Ils me demandent où va mon histoire, ils ont envie de se lancer à la découverte de cette autrice inconnue et en même temps ils sont craintifs. Je les rassure.

    Je me souviens de certains visages, des attitudes, des réflexions…

    Des visages connus, dix années ont passées… « oh ! c’est toi ? Tu écris ? Super ! Je t’en prends 1, allez je prends les 2. On se rappelle ? On en parlera… »

    Cette jeune fille de 17 ans qui n’aime que les gros livres, qui dévore les histoires, qui regarde la 4e de couverture avec beaucoup d’attention, qui prend le livre sans hésiter.
    Super ! J’ai réussi mon résumé – Elle regarde le nouveau titre jeunesse et le prend aussi – j’ai eu envie de l’embrasser.

    Cette jeune fille de 20 ans qui avance vers la couverture, intriguée, décidée, elle prend le livre jeunesse (je le conseille à partir de 9 ans mais il peut convenir à tous les âges). Elle l’achète sans hésiter. Elle est tentée par les invisibles, elle aime les animaux, la couverture lui parle…
    Je me dis que mes kelfennins sont en bonnes mains, qu’il y a la relève pour les veilleurs…

    Il y a cette femme qui en prend 1 pour elle et 1 pour sa fille, on pourra en parler, partager, ça nous rapprochera…
    Elle va sûrement apprécier les dialogues entre Louison et sa fille Anna, j’espère…

    Je les écoute tous et je devine les passages du livre qui vont leur plaire, je peux me tromper, tout leur plaira 😊. Ces échanges rassurent mon écriture.

    Cette jeune femme qui hésite à se lancer dans l’aventure de l’édition, elle prend mon roman, le feuillette, elle le trouve beau, elle l’emporte comme modèle pour la mise en page du livre qu’elle rêve d’écrire.
    Je ne me suis pas donné tout ce mal pour rien, je fais des émules…

    Ces enfants qui me font signer des autographes sur leur feuille d’école, c’est la gloire 😉😇! L’une d’eux s’appelle Louison, elle me dit qu’elle va emmener sa mère au Salon du livre demain pour qu’elle le voit. Les autres prennent le jeunesse, « vivement le 31 octobre pour faire notre nuit des flambeaux ».
    « Coucou Louison ! », la gamine passe et repasse dans l’allée, me salue, fière de voir son prénom sur une couverture.

    Je suis joyeuse. Même si les ventes ne sont pas aussi nombreuses et n’ont pas la même file d’attente que les têtes d’affiche, le retour des lecteur·rice·s me donne des ailes.


    On a eu droit à un déjeuner au restaurant l’Océan, un régal, le tiramisu était délicieux ; entre Stéphane Bern, Héloïse d’Ormesson et toutes les stars arrivées par le train… nous voilà dans la vague, emportés par le courant. En réalité, ça s’est passé en toute simplicité.

    Le soir on était invité au cocktail dans la cour de l’auditorium des Carmes, un magnifique lieu, frais et reposant, les petits fours étaient un régal pour les yeux et les papilles gustatives. Nous y avons fait la connaissance d’un poète charmant, descendu de sa forêt de Brocéliande, un enchanteur. Une autobiographe enthousiasmée par sa découverte de l’écriture nous a rejoint, c’était son premier livre et son premier Salon ; on a ri, échangé, dégusté, un moment très convivial. Et puis, CLIC ! Nous voilà sur la photo du groupe de la soirée au milieu de la bonne humeur partagée.

    Samedi, c’était différent, il y avait plus d’auteur·rice·s best-sellers en dédicace, des files d’attente plus nombreuses et plus longues. Courageux ou fous les lecteur·rice·s dans ces files en plein soleil ? Passionné·ée·s en tout cas, quelques personnes avaient leur sac chargé de livres. Ça cognait dur dehors et sous le barnum.

    On se sentait invisibles parce qu’il y avait beaucoup plus de monde que la veille et un grand nombre semblait n’être là que pour la dédicace de leur favori·te. Ceux qui dédicaçaient non-stop ont dû avoir mal au poignet en fin de journée, mais c’était un léger mal par rapport au bien reçu.

    Une dédicace ? La main se met en mouvement, la plume écrit le prénom et c’est un lien qui se tisse…

    De notre côté nous étions très serrés, moins d’espace que la veille, tandis que les tables de certains libraires étaient parfois vides, uniquement recouvertes de prospectus. De ce côté il y a de l’amélioration à demander à ceux et celles qui ont organisé le Salon. Un peu plus d’égard pour les auteur·rice·s du pays.

    Les pompiers sont venus à notre secours en milieu d’après-midi, ils ont ouvert le barnum par endroits pour tenter de faire passer l’air, si peu… Mais c’était sympa d’y avoir pensé.

    On a bu des litres d’eau aux petites fontaines posées çà et là. Les organisatrices couraient avec leur escabeau et posaient les pancartes des noms des auteurs du groupe « les auteurs de Vannes » ; vendredi il n’y en avait pas du tout quand on est arrivés. Il n’y a pas eu d’annonce nous concernant, aucune diffusion au micro, pas d’interview non plus (ne serait-ce que l’un d’entre nous). On ne parle jamais assez des best-sellers… 😎🙃

    Didier van Cauwelaert, le président d’honneur, a écrit dans la brochure du programme (avec sa notoriété, son prix Goncourt, c’était sympa de le souligner) « S’afficher derrière ses ouvrages est un bonheur lorsque les piles diminuent au rythme des échanges, mais devient vite un calvaire quand le public vous ignore, vous contourne ou vous demande les toilettes. À Vannes aucun risque, Vannes aime les auteurs autant que les livres. »
    Je me permets de rajouter, Vannes aime les auteurs connus, les parisiens, les best-sellers, un peu moins les auteurs de sa région… Oui ? Non ? On ne m’a pas demandé les toilettes mais on a souvent été contournés, ignorés, l’important étant de rejoindre la file d’attente pour telle personnalité en vogue. Pas toutes les lectrices et les lecteurs, il faut le souligner, certains restent curieux, en quête d’autre chose… ils osent lire d’autres auteur·rice·s. (à ce propos j’avais partagé un article très intéressant que je vous mets en lien : Ayez le courage de lire d’autres auteur·rice·s)

    Deux jeunes grands-mères dynamiques, arrivées de Lorient, grandes lectrices pour elles et leurs petits-enfants, à qui j’ai dédicacé mon dernier livre jeunesse avec joie, trouvaient injuste qu’on soit confinés sur la droite, ou la gauche, tout dépendait de l’endroit d’où on arrivait, comme au coin (je reprends leurs mots). Elles pensaient que le mélange des stars et des « inconnus » aurait été plus satisfaisant, pour tous, comme ces chanteurs qui bénéficient d’une star de la musique en faisant leur avant-première le jour du concert.
    Elles étaient pleines d’idées modernes et justes, c’était un plaisir de les écouter. Elles m’ont dit qu’elles allaient en toucher deux mots aux organisateurs, leur énergie m’a stimulée.

    Faut-il faire un Salon des refusés (mai 1863) en marge du Salon officiel ? Depuis les impressionnistes ont fait un long chemin…

    En attendant on a créé le groupe des « Auteurs du pays de Vannes », si vous voulez suivre nos manifestations, visitez notre : page facebook

    Quoi qu’il en soit, ce fut une expérience, agréable et joyeuse. De retour sur l’île je reprends l’air à pleins poumons et je repars sur mon livre en cours, le tome II des souvenirs oubliés. À très bientôt chers lecteur·rice·s.

    C’est important quand même de vous parler des trois lauréats 2023 : le Prix Littéraire de la ville de Vannes, le Prix Jeunes adultes et le Prix du roman en langue bretonne. Il félicite cette année, Jean-Louis Milesi (la dramatique histoire des Amérindiens) Catherine Cuenca (le combat d’une jeune femme, les luttes féministes, tj d’actualité) et Yann-Charlez Kaodal (plusieurs destins tragiques) vous pouvez lire les détails sur : l’article d’Actuallité

    PS : J’ai écrit cet article avec l’écriture inclusive*. Pas si facile à rédiger😉. Et à lire ?

    *L’écriture inclusive est née de la volonté de faire changer les mentalités sur l’égalité homme/femme par le langage. En français, la règle grammaticale dit que le masculin l’emporte sur le féminin. C’est précisément ce point que l’écriture inclusive souhaite revisiter pour mettre le féminin à égalité avec le masculin.

    *Dans l’usage, « les Français·es sont divisé·e·s » sur la question.

    *Quant à l’Académie française, elle y voit un « péril mortel » pour la langue française, ils ne recommandent pas cet usage : académie française

    *À noter que le logiciel Word inclura dès l’an prochain une possibilité d’inclure l’écriture inclusive dans son module de correction orthographique. À suivre…

  • Karen Blixen

    Karen Blixen

    N’écrivez pas pour une personne en particulier, ou pour Heretica, ou pour je ne sais quel courant artistique. Écrivez parce que vous devez une réponse aux dieux. 

    Son esprit intelligent se laissait attirer par les plus extrêmes bizarreries, parmi lesquelles la kabbale et la numérologie. Dans le secret de son bureau, elle essaya toutes les combinaisons possibles. Ajoutant ou supprimant les lettres, additionnant leur valeur, jusqu’à ce Isak. Isak = Chiffre 4. Le chemin de la Réalisation. Isak Dinesen.

    Elle aurait juré entendre le bruit mat de dés jetés sur un tapis. Là-haut, un petit dieu retors réglait son cas. Les jeux étaient faits. Ceux-là mêmes qui l’avaient vue partir pour l’Afrique la verraient poser le pied dans la cour d’une maison qu’elle avait mis toute son énergie à fuir. Ramenée par le col à son point de départ. Tel était le sort des petites fugueuses trop fières. Petite fugueuse.

    Karen se demanda s’il y avait un mot pour dire ce qui n’existait plus. Ex-amant ? Ex-âme sœur ? À l’avenir, ils se retrouveraient dans des lieux inconnus, et ils bavarderaient comme de vieux amis. Parfois, au détour d’une conversation, d’une phrase prononcée d’une même voix, ce qui les ferait rire, leur intimité ancienne surgirait, telle une petite flamme. Elle tremblerait entre eux quelques secondes et s’éteindrait doucement, les laissant confus, vaguement nostalgiques, puis ils redeviendraient des étrangers bienveillants l’un pour l’autre.

    Et l’Afrique, sait elle un chant sur moi  ? L’air vibre-t-il jamais d’une couleur que j’ai portée, y a-t-il un jeu d’enfant où mon nom ressurgit, la pleine lune jette-t-elle sur le gravier de l’allée une ombre qui ressemble à la mienne  ? Les aigles du Ngong me cherchent-ils parfois du regard  ?  

    « Hélas, trois fois hélas, qu’avons-nous fait et que faisons-nous à ce pays, et qu’est-ce donc que cette “civilisation” que nous y introduisons ? »

    Elle imagina la ronde des léopards et des hyènes qui commencerait dans la fraîcheur de la nuit pour encercler les antilopes et les zèbres. Opulence, férocité. Ces derniers temps, la région connaissait plus barbares que les fauves  : des touristes surarmés exigeaient leur quota de trophées avant même d’avoir pénétré dans la forêt. Ils en ressortaient en brandissant des peaux de bébés. Petits de léopards, petits de lions et de girafes, massacres pour descentes de lit ou épatants sacs à main. Ça la désolait. Ces types n’étaient même pas fichus d’affronter des ennemis dignes de ce nom. Les éléphants furent les premiers à comprendre. Ils avaient quitté le Ngong pour s’enfoncer en majesté dans des forêts plus impénétrables.

  • Entre les lignes

    Entre les lignes

    J’ai été reçue à l’émission littéraire « Entre les lignes » sur la radio RCF Sud Bretagne. Soyez indulgents 🤓, c’est une première, l’exercice oral n’est pas tout à fait pareil que l’écrit où je me sens nettement plus à l’aise. Par contre les deux extraits de mon roman choisis et lus par Marithé Bretel, l’animatrice radio, sont agréables à écouter. Si ça vous tente de les découvrir…

    📻🎙Sur radio RCF 90.2 FM Vannes.

    L’image est un lien vers l’émission

    « Marie an Avel, autrice du Pays de Vannes, vit sur l’Île d’Arz ; elle est éditrice, autrice et maquettiste à Exp.éditions imaginaires. Elle écrit pour la jeunesse et publie ici son premier roman pour adultes, le tome 1 : « Louison – Les souvenirs oubliés sont-ils perdus à jamais ».

    Le roman se situe en grande partie à Nantes, entre le Passage Pommeraye et Trentemoult. Les souvenirs sont des traces, et ce sont aussi des racines… Comment peut-on trouver sa place sans eux ? Qu’est-il arrivé à Louison ?

    Un roman dans lequel la tendresse, la sororité et l’amitié ont une belle place. La création artistique aussi. Un roman plein d’empathie, qui fait du bien. »

    Marithé Bretel, émission littéraire « Entre les lignes » à écouter et réécouter, si le cœur vous en dit.


    📟 Ci-dessous, le podcast (cliquez sur l’image pour écouter)

  • Les gardiens du feu

    Les gardiens du feu

    Ceux qui gardent le feu, les veilleurs invisibles,
    Par les gros temps d’hiver ont des heures terribles :
    Sur un roc, détaché du monde des vivants,
    Où le nuage pleure, où le flot se lamente. —
    Les phares sont debout au cœur de la tourmente,
    Dans l’aveugle chaos des lames et des vents.

    Il faut avoir le pied marin par intervalles :
    Leurs tiges de granit, sous le fouet des rafales,
    Oscillent brusquement comme de longs roseaux.
    Il semble que parfois la tour déracinée,
    Par la rage du vent tout d’un bloc entraînée,
    Comme un arbre arraché disparaît dans les eaux.

    Mais le phare est solide et tient bon. — L’homme veille !
    Tous les bruits de la mer ont usé son oreille.
    Il n’entend pas les cris d’oiseaux tourbillonnants,
    Hors d’haleine, accourus dans un vol de tempête,
    Affolés de lumière à se briser la tête
    Aux grands vitrages clairs de ces feux rayonnants.

    Comme il ne peut rien voir, il ne peut rien entendre ;
    Mais l’oreille est au cœur. — Il croit, à s’y méprendre,
    Reconnaître des voix dans le flot déferlant…
    Un adieu qui s’éloigne, un long sanglot qui passe…
    Il écoute… Quelqu’un heurte la porte basse,
    Comme un ami perdu qui frappe en le hélant.

    L’étrange illusion du veilleur est si forte
    Qu’il bondit pour descendre à sa petite porte,
    Dans le débordement des eaux, prêt à l’ouvrir.
    Il touche au verrou froid ; — il s’apaise, il remonte,
    Songeant qu’à l’horizon plus d’un navire compte
    Sur la clarté d’en haut qui ne doit pas mourir.

    Elle étouffe son cœur, la pauvre sentinelle,
    Dans cette longue nuit qui lui semble éternelle !
    Une bande grisâtre annonce enfin le jour.
    Le ciel blanchit au large. — On voit clair. — La marée,
    Comme un mince fil bleu, s’est au loin retirée ;
    Et l’homme, respirant, s’échappe de sa tour.

    J’aime à penser à vous, lampes si bien gardées,
    Comme au symbole pur des plus saintes idées
    Que Dieu jette au foyer d’un cœur simple et fervent.
    Si la foi n’est qu’un mot, et l’espérance un doute,
    Si, par la nuit, un peuple est surpris dans sa route,
    Quelques hommes pour tous gardent le feu vivant.

    On ne sait pas le nom de ces êtres paisibles :
    Dans le grand bruit du siècle ils passent invisibles,
    Des plus riches clartés humbles distributeurs.
    Mais la postérité les compte et les salue :
    Elle est juste et courtoise aux gens de race élue
    Qui de la vérité se firent serviteurs.

    André Lemoyne

  • Entre les giboulées

    Entre les giboulées

    Mars le fou n’a pas deux jours pareils ! se plaint le dicton populaire. Ça hurle, ça cingle, ça pleure, ça vente à tout-va. Ça tire à boulets rouges pour faire passer l’arc-en-ciel.

    Mars le guerrier frappe d’estoc et de taille tous les horizons, même si parfois il s’accorde un court repos et allume sa pipe au rayon d’une éclaircie. Les anciens Saxons l’avaient baptisé, le Tempétueux.

    Cette année notre tempétueux a décidé de rester près du feu à fumer sa pipe. Peu de giboulées, quelques pluies, du vent, oui du vent, mais pour l’instant raisonnable…

    On le dit fou, excessif, mais c’est pour la bonne cause, il veut délivrer sa belle « Flore » de ses murailles glacées, pour que de pétales en bourgeons elle illumine les vergers, reverdisse les prés et les haies, réveille les sous-bois, pour que le printemps renaisse…

    Nées du réveil ébloui des fées, à la lueur du jour, les fleurs de mars ne durent pas longtemps, comme les plus belles choses qui, par leur essence même, vivent l’éternité d’un miraculeux instant. On voudrait les retenir, mais, pareilles aux songes, elles s’éloignent déjà…

    Quelques conseils de Ratiflette pour le potager…

    Le potager de mars ne se récolte pas, mais se jardine… Et il y a fort à faire : bêcher, remuer, affiner la terre, sarcler, biner, semer en attendant les premiers radis.

    Le potager de mars n’a que misère à donner, mieux vaut aller faire son marché dans le sauvage, cueillir dans les prés et les talus sa verdure : salade de pissenlits, de cardamine, de pouces de ronces et d’asperges de savetier…

    Pour l’heure le bon jardinier tente d’entrevoir
    dans la graine qu’il dépose
    l’éclosion et l’épanouissement
    d’un royaume de jardin dont il est l’enchanteur.