La première image, que je nomme « l’article en ligne », représente une personne qui tape sur un clavier face à un écran. Après avoir appuyé sur la touche entrée et cliqué sur le bouton de publication, son texte devient instantanément accessible à tous. Elle est ancrée dans l’instantanéité, la rapidité, la modernité, la course contre la montre. Elle est convaincue que sans la publication hebdomadaire d’un article, elle sera oubliée et perdra sa visibilité.
La seconde image, que je nomme « l’écriture à la plume », représente une personne qui écrit avec un stylo plume, (cela pourrait être une plume trempée dans un encrier). Elle prend son temps, elle est calme, appliquée et très concentrée. Elle trace un mot après l’autre, les sculptant avec soin, et la plume qui glisse sur le papier lui murmure un chant qui la rassure et l’apaise. Si le vent est assez fort en fin de semaine ou de mois (après de nombreuses heures passées à forger les mots de son histoire), elle peut laisser sa feuille s’envoler ; si quelqu’un passe à l’improviste, il peut y jeter un coup d’œil ; si elle rend visite à des amis, elle peut leur lire un extrait autour d’une tasse de thé. Une, deux, dix, quinze personnes, tout au plus, liront son texte. Qu’importe ! Elle l’a écrit, achevé, offert et partagé. C’est tout ce qui compte pour elle.
En ce moment je vis avec les outils de la première image tout en étant ancré dans le temps de la seconde. Je trace des mots, invente des situations, tisse les phrases que me soufflent mes personnages, je compose des parties, des chapitres, je rature, je gomme, je trie une, deux fois, etc. J’efface, je rédige à nouveau, je peaufine. Les heures s’étirent et le monde extérieur s’efface pour quelque temps. J’essaie de retrouver le chant apaisant de la plume même lorsque je me sers du clavier, il m’ouvre des portes qui demeureraient cachées dans le tumulte intrépide et bruyant d’internet et des médias.Enregistrer
Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.
Que l’air, la lumière, la gaieté circulent à grands flots dans vos classes. Que poussent les rosiers, les liserons, les haricots, qu’importe ! Pourvu que l’école soit entourée d’un jardin, qui sera le lieu de mille leçons de choses, il ne faut pas amuser les enfants, il faut les intéresser. Il y a quelque chose d’irréductible au fond de tout être humain, contre laquelle l’éducation ne peut rien, c’est ce qui fait l’individualité. L’enfance ne devrait être que le moment privilégié où l’on acquiert tout ce qu’il faut pour soi-même afin de devenir un homme, ou une femme, libre, responsable et autonome. Révélez à l’enfant ce qui en lui ne se laisse ni éduquer ni former, soyez plus que des éducateurs, soyez des libérateurs !
— Marie Pape- Carpantier
Cet émouvant plaidoyer en faveur d’une éducation humaniste fut prononcé, en 1867, par Marie Pape-Carpantier, lors de la conférence qu’elle donna à la Sorbonne aux futurs instituteurs du pays. Longtemps méconnue, elle a pourtant joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’éducation de notre pays, elle est considérée aujourd’hui comme la fondatrice de l’école maternelle.
Si vous n’avez pas vu le film intitulé « La volière aux enfants » d’olivier Guignard, guettez sa rediffusion. Un très beau film sur la naissance de l’ancêtre de nos écoles maternelles, qui se nommaient à l’époque les « salles d’asile ». La comédienne Marilou Berry est très juste et très touchante dans le remarquable rôle de Marie Pape-Carpantier. Je ne connaissais pas cette femme, c’est une belle découverte, j’aurais bien aimé entendre parler d’elle durant mes années scolaires, il y a tant de figures d’hommes sur les livres d’école… Oubli ? Cet oubli injuste en dit long sur un système éducatif qui fonctionne mal aujourd’hui, qui ne se renouvelle pas, qui s’est à nouveau laissé envahir par les religions. Finalement cette femme est beaucoup plus moderne que certains d’entre nous aujourd’hui. Un film qui fait du bien.
Résumé En 1835, l’État met en place dans certaines villes de France des garderies pour faire face au nombre croissant de jeunes enfants livrés à eux-mêmes. Marie Carpantier, une jeune femme qui rêve de devenir poète, est choisie pour diriger une de ses « salles d’asile » à La Flèche, dans la Sarthe.
Marie est d’abord réticente, les enfants sont sales et indisciplinés, les parents se montrent rétifs. Marie est vite découragée mais elle est soutenue par un conseiller municipal qui a une grande confiance en elle et l’envoie à la rencontre d’un homme qui s’occupe d’une salle d’asile et qui va lui révéler sa vocation. Elle en a bien besoin à une époque où l’église et ses bigotes pleines de principes bourgeois et étriquées veulent lui barrer la route.
Mais c’est sans compter sur le désir grandissant d’apprendre des enfants ainsi que sur celui de leurs parents qui veulent donner à leur progéniture une meilleure vie que la leur. Grâce à eux et à sa ténacité Marie va trouver le courage nécessaire pour aller au bout de son projet.
Marie Pape-Carpantier par Colette Cosnier.
Marie Pape-Carpantier fait partie de ces femmes injustement oubliées alors qu’elle a joué un rôle fondamental dans l’enseignement. Surveillante d’une « salle d’asile » qui deviendra l’école maternelle, elle publie d’abord des poèmes qui sont remarqués par Lamartine et lui valent l’amitié de Marceline Desbordes-Valmore et de Béranger. Dans son premier ouvrage pédagogique elle en écrira une vingtaine, ainsi que des livres pour la jeunesse mais surtout, elle y révèle « le secret des bons instituteurs ». Le succès est tel qu’elle est nommée directrice de l’École normale maternelle créée par la Révolution de 1848. Elle va se battre pour que l’école des jeunes enfants soit plus qu’une garderie : amélioration matérielle de la classe, importance de la leçon de choses, de l’éveil, de la gymnastique.
Ses livres vont remporter différents prix dont celui de l’Académie française et ils influeront sur la politique de l’époque. Marie Pape-Carpantier ne cessera de défendre une idée progressiste de l’enseignement tout en s’attachant à défendre la condition féminine : elle est la première femme à prendre la parole à la Sorbonne. Ses concepts très modernes pour son époque font d’elle dans un moment où l’école est en pleine interrogation une pédagogue à redécouvrir.
En parlant de l’info elle dit : « C’est un méli mélo ou on dit tout et rien, sans aller au bout des choses. » Marceline Loridan-Ivens l’une des dernières survivantes d’Auschwitz encore en vie tente de témoigner pour faire bouger les choses. « Mais je le fais sans illusion« , précise-t-elle. « Est-ce que les Français seraient descendus dans la rue s’il n’y avait eu que des victimes juives début janvier ? » C’est vrai que les Français ne sont pas descendus dans la rue lors de la tuerie de l’école juive de Toulouse, en mars 2012. Mais il est vrai aussi que nous pourrions descendre en permanence dans la rue, y camper directement même, tant il y a à dire sur les souffrances, les inégalités, les injustices… Pourtant elle a raison, on pourrait se manifester plus souvent surtout avec les moyens de diffusion à notre disposition aujourd’hui. Si le peuple se soulevait avec puissance à chaque dérive, à chaque insulte, à chaque injustice, à l’image de cette vague humaine pendant les matchs de football, en la multipliant, peut-être que les choses iraient mieux.
Pris dans nos vies, nos factures, notre boulot, les courses, les enfants, les fins de mois, on laisse faire, on a tendance à déléguer et à se dire que ça s’arrangera sans nous. Sauf que ça ne s’arrange pas. Alors, à l’exemple de cette femme courageuse de 86 ans, exprimons-nous tous chaque fois que quelque chose nous choque, nous bouleverse, nous met en colère, pour faire tomber tous ces empires infestés par la vermine et tenter d’offrir aux futurs générations un monde digne, construit sur des bases saines avec les valeurs que nous défendons si chèrement, liberté, égalité et fraternité.
Merci de rester éveillée, Marceline Loridan-Ivens.
En 1855, le chef indien Seattle lançait en ces termes un avertissement aux colons blancs américains : « Lorsque l’odeur tenace des hommes imprégnera les coins les plus reculés de la forêt, ce sera le signe que la vie s’éteint et que l’époque de la survie commence. » Ces colons arrivaient d’un continent où les traditions originelles s’étaient perdues pour être remplacées par une religion qui disait aux hommes : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez là. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du Ciel et toute bête qui remue sur la terre. » (Gen. I. 28.) Et voilà que plus d’un siècle après l’avertissement proféré par le chef Seattle, ses mots viennent nous interpeller avec une force renouvelée. Oui, il nous faut nous battre pour protéger les forêts et la vie sauvage et il nous faut renouer avec nos racines spirituelles pour ne plus nous sentir coupés de la Création. La tradition spirituelle dont nous sommes issus et qui commence d’ailleurs à nous revenir en mémoire existait bien avant l’arrivée du christianisme, des religions de toutes sortes, cette tradition fut marquée par beaucoup d’influences diverses, parmi lesquelles celles des peuples saxons, scandinaves, grecs et romains, elle repose avant tout sur les croyances et les pratiques des Celtes et des druides. Lorsque la nature est détruite, quelque chose en nous disparaît. Lorsqu’une espèce animale s’éteint, quelque chose meurt en nous aussi. Lorsque nous détruisons l’environnement, c’est notre écologie interne qui est menacée. Quoi de plus frappant que la destruction des forêts vierges pour illustrer ce phénomène. Mille espèces nouvelles y disparaissent chaque année, sacrifiées à l’élevage du bétail, alors que la surconsommation de viande est l’une des causes directes, selon la recherche médicale, de l’augmentation du nombre des maladies cardio-vasculaires et des cancers.
Retournons nous asseoir autour de la Table Ronde. Rassemblons-nous autour du feu, dans les cercles de pierre et sous les bosquets d’arbres. Pour entrer en communion avec les esprits des animaux, des arbres, des pierres, des étoiles, avec nos ancêtres et les enfants qui vont venir.
Nous ne pouvons recevoir la vérité de personne, nous devons la créer nous-mêmes.
Nous sentons très bien que notre sagesse commence où celle de l’auteur finit, et nous voudrions qu’il nous donnât des réponses, quand tout ce qu’il peut faire est de nous donner des désirs. Et ces désirs, il ne peut les éveiller en nous qu’en nous faisant contempler la beauté suprême à laquelle le dernier effort de son art lui a permis d’atteindre. Mais par une loi singulière et d’ailleurs providentielle de l’optique des esprits (loi qui signifie peut-être que nous ne pouvons recevoir la vérité de personne, et que nous devons la créer nous-mêmes), ce qui est le terme de leur sagesse ne nous apparaît que comme le commencement de la nôtre, de sorte que c’est au moment où ils nous ont dit tout ce qu’ils pouvaient nous dire qu’ils font naître en nous le sentiment qu’ils ne nous ont encore rien dit.