Étiquette : LITTÉRATURE

  • Ayez le courage de lire les « AUTRES » auteurs !

    Ayez le courage de lire les « AUTRES » auteurs !

    Quand je vois à la rentrée tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu’ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bon qu’à se vendre au kilo.[…] Le pire ce sont les livres-express, les livres d’actualité : sitôt commandés, sitôt écrits, sitôt imprimés, sitôt télévisés, sitôt achetés, sitôt retirés, sitôt pilonnés. Les éditeurs devraient inscrire à côté du prix la date de péremption, puisque, ce sont des produits de consommation.

    Sophie Divry, La côte 400

    Ci-dessous l’extrait d’un article de Catherine Serre paru en juin 2016 sur Diacritik. Une chronique que j’ai beaucoup appréciée l’an passé, et que je me fais un plaisir de partager au moment de la rentrée.

    La littérature n’assume pas – en discours – d’être un produit de consommation, comme, par exemple, de reconnaître qu’elle a troqué son idéal littéraire contre un idéal marchand et qu’elle se formate aux lois du marché en standardisant ses genres selon des sujets formatés comme en paupérisant les formes narratives de son écrire.
    D’évidence, il y a une obéissance, pour ne pas dire une soumission, peut-être une forme de compromission nécessaire, obligée, contrainte de la littérature au marché, parce que la littérature qui n’épouserait pas ces standards et ces formats se donnerait moins de chance de se vendre, et donc de perdurer.

    Et si le style vivait ailleurs ? Ailleurs que dans le mainstream qui a vendu son style au diable et ailleurs que dans l’amateurisme qui se prend pour écrivain.

    Ayez le courage d’aller chercher les « autres » auteurs, ceux qui ne sont ni les vendus d’une littérature qui a perdu son âme ni les promoteurs de leurs anecdotes, ceux qui ont un projet littéraire, une vision de la création, une implication pour une langue qui secoue l’asservissement, un courage tous les jours de vivre pour une littérature riche, exigeante, fruit d’un énorme travail.

    La musique a su nommer ses styles, peut-être cela lui assure-t-il la reconnaissance possible d’une diversité à travers une multitude de productions. On ne reproche pas à un musicien de trouver de nouvelles voies de diffusion. Il est facile en musique de séparer talent et diffusion. Un mouvement inverse est même à l’œuvre, quitter Universal est devenu un titre de gloire.  Un peintre peut exercer et vendre depuis son atelier sans passer par une galerie.

    Rien de tel en littérature. Pourquoi ? Si le grand éditeur ne vous choisit pas, vous n’êtes rien. Si le grand vous lâche vous devenez moins que rien, si vous gardez le petit, vous n’existez pas.

    Il ne s’agit pas de dire que tout est bon dans la production indépendante (ce serait naïf), mais il est nécessaire de s’y perdre un peu pour y trouver de nouveaux repères, d’y exercer un œil critique qui accepte d’y lire la langue autrement, de détecter ce qu’on n’y cherche pas forcément, la trace ou l’évidence du style ou au contraire ce qu’on y déteste mais y exercer une présence active, à la découverte. Un peu de constance sera bien utile, car l’abandon par oubli serait tout aussi injuste que la découverte par engouement. Il faut suivre les auteurs et leurs évolutions. Devenir fidèle, garder un regard large et s’affranchir des genres.

    Explorez les genres et prenez le risque d’analyser les langues qui y sont à l’œuvre, transmettez vos découvertes, soyez ouverts et accompagnez les auteur.e.s qui créent un style et une langue vibrante en prise avec l’histoire.

     

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  • La littérature, pour quoi faire ?

    La littérature, pour quoi faire ?

    Jane Austen

    La littérature déconcerte, dérange, déroute, dépayse plus que les discours philosophique, sociologique ou psychologique, parce qu’elle fait appel aux émotions et à l’empathie. Ainsi parcourt-elle des régions de l’expérience que les autres discours négligent, mais que la fiction reconnaît dans leur détail.

    Extrait de « La littérature, pour quoi faire ? » – Leçon inaugurale prononcée le jeudi 30 novembre 2006 par Antoine Compagnon


    Si vous avez envie d’aller plus loin dans la lecture :
    Extrait du discours

    ÉCRIRE – LIRE ;
    DONNER – RECEVOIR ;
    IMAGINER – VIVRE ;
    suivre le fil, ce lien invisible, magique…

    lectrice

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  • Je m’assois à mon bureau et…

    Je m’assois à mon bureau et…

    Sans me nommer écrivaine ou auteure, autrice, ou ce qu’on veut, je dis juste que j’écris, que je ne peux me passer d’écrire, depuis toujours, et que les mots de « cette » auteure font écho à mon propre ressenti de griffonneuse…

    Le secret de l’écrivain :
    ne pas attendre que d’autres apprécient ce que vous avez fait comme vous l’appréciez. Ne pas espérer que quiconque y perçoive les émotions que vous y avez investies. Une fois cela compris, tout ira bien. Le résultat n’est ni indifférence ni apathie – mais autonomie.

    Joyce Carol Oates

    Extraits du Journal 1973-1982

    de Joyce Carol Oates

    Une maison totalement silencieuse, dehors la neige, du soleil et un ciel d’un bleu vif, et mon esprit vagabondait librement…

     Joyce C. Oates

    Et il m’arrive d’écrire un peu dans la soirée. Mais généralement pas : je me contente de lire, de prendre des notes. Ce qui me permet de savoir que si j’avais un emploi réellement exigeant et que je travaille ainsi cinq jours par semaine, je n’écrirais probablement pas du tout.

    Pour de tels écrivains (j’espère être du nombre), l’influence la plus importante n’est pas la littérature, mais la vie même, et moins elle est familière, mieux c’est…

    Je n’ai pas envie de le poster. Je pourrais le travailler et le retravailler sans fin. Chaque page pourrait être développée, chaque scène dramatisée, de nouveaux passages introduits, des passages minuscules pleins d’amour – description, méditation, atmosphère, souvenirs…

    Je ne sais pas si je dois continuer à mettre l’essentiel de mon énergie dans mon écriture, ou si je dois « lâcher prise » – le talent artistique hautement conscient est-il une sorte d’égotisme… ou… est-il, en un sens, absence de moi ?

    « Perfection de la vie » ou « perfection de l’art » : une alternative qui n’est pas raisonnable. Il est sûrement possible d’avoir les deux. On peut essayer, en tout cas. Mais c’est l’art qui exerce la plus forte attraction…

    Il n’empêche qu’on doit laisser à une œuvre son autonomie.
    Les personnages revendiquent leur vie…

    J.Carol-Oates

    J’ai tendance à la paresse… Lire, marcher, regarder par la fenêtre. Debout de bonne heure ce matin, j’ai lu pendant que Ray dormait, assise sur le canapé près de la fenêtre de la terrasse, distraite par les geais bleus, les tourterelles, le ciel bleu magnifique, j’ai rêvassé, paresseuse, parfaitement heureuse.


    « Seul et unique propriétaire. » Tout écrivain éprouve le désir de créer un monde fictif qui représente le monde « réel » en raccourci, en concentré, en poétique. Bellow crée ainsi son Chicago, qu’il appelle « Chicago » mais qui est néanmoins le Chicago de Bellow (et pas celui de Nelson Algren ni de Studs Terkel). Le New York de Philip Roth lui appartient en propre, au même titre que les paysages intérieurs de Beckett. Sans cela, l’art n’aurait guère d’attrait : ce serait du simple reportage.

    […] les premiers sont écrits à la main. Couverts de gribouillis, de dessins, barrés à mesure que je transfère certains passages de mes notes à un autre brouillon plus officiel. Le saut entre les notes et le premier jet est si considérable que quelque chose serait perdu de toute façon. Et le saut entre le premier et le dernier jet est également immense. Ce qui se passe sur le papier est si insignifiant comparé à ce qui se passe dans le cerveau que l’accumulation des brouillons de travail ne ferait que dérouter quiconque les étudierait…

    Un journal comme un travail de prise
    de conscience.

    Le défi : noter, sans falsifier, minimiser ni « dramatiser », les processus extraordinairement subtils par lesquels le réel est rendu plus intensément réel par l’entremise du langage. C’est-à-dire par l’entremise de l’art.

    De temps à autre, un rêve/une vision profonde, vraiment alarmante, franchit la barrière et nous contraint à reconnaître la présence d’une force plus grande que nous, contenue on ne sait comment dans notre conscience.


    S’occuper » est le remède à tous les maux en Amérique. C’est aussi par ce moyen que l’on détruit l’élan créateur.

    Dommage que noter des événements essentiellement heureux donne, dans un journal, une impression d’auto congratulation.
    L’artiste doit trouver un environnement, un mode de vie, qui protégera son énergie : l’art doit être cultivé, doit avoir la priorité.
    Le lecteur d’un roman ne peut deviner à quel point le romancier est lui aussi un lecteur… un lecteur d’abord, puis un greffier. L’œuvre d’art travaille à se créer ; il faut seulement ne pas intervenir. La première règle de la médecine : ne pas faire de mal. Mais si c’est nécessaire, le faire avec grâce… !

  • La volière aux enfants

    La volière aux enfants

    Que l’air, la lumière, la gaieté circulent à grands flots dans vos classes. Que poussent les rosiers, les liserons, les haricots, qu’importe ! Pourvu que l’école soit entourée d’un jardin, qui sera le lieu de mille leçons de choses, il ne faut pas amuser les enfants, il faut les intéresser. Il y a quelque chose d’irréductible au fond de tout être humain, contre laquelle l’éducation ne peut rien, c’est ce qui fait l’individualité. L’enfance ne devrait être que le moment privilégié où l’on acquiert tout ce qu’il faut pour soi-même afin de devenir un homme, ou une femme, libre, responsable et autonome. Révélez à l’enfant ce qui en lui ne se laisse ni éduquer ni former, soyez plus que des éducateurs, soyez des libérateurs !

    — Marie Pape- Carpantier

    La volière aux enfants

    Cet émouvant plaidoyer en faveur d’une éducation humaniste fut prononcé, en 1867, par Marie Pape-Carpantier, lors de la conférence qu’elle donna à la Sorbonne aux futurs instituteurs du pays. Longtemps méconnue, elle a pourtant joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’éducation de notre pays, elle est considérée aujourd’hui comme la fondatrice de l’école maternelle.

    Si vous n’avez pas vu le film intitulé « La volière aux enfants » d’olivier Guignard, guettez sa rediffusion. Un très beau film sur la naissance de l’ancêtre de nos écoles maternelles, qui se nommaient à l’époque les « salles d’asile ». La comédienne Marilou Berry est très juste et très touchante dans le remarquable rôle de Marie Pape-Carpantier. Je ne connaissais pas cette femme, c’est une belle découverte, j’aurais bien aimé entendre parler d’elle durant mes années scolaires, il y a tant de figures d’hommes sur les livres d’école…
    Oubli ? Cet oubli injuste en dit long sur un système éducatif qui fonctionne mal aujourd’hui, qui ne se renouvelle pas, qui s’est à nouveau laissé envahir par les religions. Finalement cette femme est beaucoup plus moderne que certains d’entre nous aujourd’hui. Un film qui fait du bien.

    Résumé
    En 1835, l’État met en place dans certaines villes de France des garderies pour faire face au nombre croissant de jeunes enfants livrés à eux-mêmes. Marie Carpantier, une jeune femme qui rêve de devenir poète, est choisie pour diriger une de ses « salles d’asile » à La Flèche, dans la Sarthe.

    Marie est d’abord réticente, les enfants sont sales et indisciplinés, les parents se montrent rétifs. Marie est vite découragée mais elle est soutenue par un conseiller municipal qui a une grande confiance en elle et l’envoie à la rencontre d’un homme qui s’occupe d’une salle d’asile et qui va lui révéler sa vocation. Elle en a bien besoin à une époque où l’église et ses bigotes pleines de principes bourgeois et étriquées veulent lui barrer la route.

    Mais c’est sans compter sur le désir grandissant d’apprendre des enfants ainsi que sur celui de leurs parents qui veulent donner à leur progéniture une meilleure vie que la leur.  Grâce à eux et à sa ténacité Marie va trouver le courage nécessaire pour aller au bout de son projet.

    Marie Pape-Carpantier par Colette Cosnier.

    Marie cape Carpentier

    Marie Pape-Carpantier fait partie de ces femmes injustement oubliées alors qu’elle a joué un rôle fondamental dans l’enseignement. Surveillante d’une « salle d’asile » qui deviendra l’école maternelle, elle publie d’abord des poèmes qui sont remarqués par Lamartine et lui valent l’amitié de Marceline Desbordes-Valmore et de Béranger. Dans son premier ouvrage pédagogique elle en écrira une vingtaine, ainsi que des livres pour la jeunesse mais surtout, elle y révèle « le secret des bons instituteurs ». Le succès est tel qu’elle est nommée directrice de l’École normale maternelle créée par la Révolution de 1848.
    Elle va se battre pour que l’école des jeunes enfants soit plus qu’une garderie : amélioration matérielle de la classe, importance de la leçon de choses, de l’éveil, de la gymnastique.

    Ses livres vont remporter différents prix dont celui de l’Académie française et ils influeront sur la politique de l’époque. Marie Pape-Carpantier ne cessera de défendre une idée progressiste de l’enseignement tout en s’attachant à défendre la condition féminine : elle est la première femme à prendre la parole à la Sorbonne.
    Ses concepts très modernes pour son époque font d’elle dans un moment où l’école est en pleine interrogation une pédagogue à redécouvrir.

  • Un battement d’ailes de cigogne

    Un battement d’ailes de cigogne

    Deuxième Nouvelle de l’été

    Un battement d’ailes de cigogne

    En la relisant dix jours après l’avoir publiée j’ai envie de changer quelques mots. Apprendre à lâcher prise, un vaste programme. Pour cette histoire j’avais envie de développer certains rapports entre mes personnages mais si j’avais laissé faire mon imagination je ne l’aurais probablement pas encore terminée.

    J’ai pris goût au texte court. Je trouve assez plaisant d’écrire dans la rapidité, l’émotion à vif. Ce genre littéraire qui oblige à une concentration de l’histoire et qui permet de jouer sur la surprise, avec la chute rapide, m’a enchantée. J’adhère totalement à l’analyse qu’en fait Charles Baudelaire : « Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité« .

    Baudelaire, traducteur d’Edgar Allan Poe a proposé cette analyse de la nouvelle :

    Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité.

    Durant l’été j’ai relu « Le K » de Dino Buzzati, ses histoires sont vraiment remarquables, j’ai aussi découvert le livre de nouvelles « La première gorgée de bière » de Philippe Delerm et je me suis demandé si j’allais continuer d’écrire tant j’ai trouvé leurs textes magnifiques. J’ai également lu « Le carnet rouge » de Tatiana de Rosnay, une lecture facile et rapide, on rit parfois de bon cœur, parfois en crispant les lèvres. Ce n’est pas aussi poétique que les nouvelles de Philippe Delerm mais le sujet ne se prête pas beaucoup à la grâce.

    petite fille qui peint au chevalet

    Il y a deux ans j’ai commencé à travailler sur le manuscrit d’un roman qui me tient toujours à cœur mais que j’ai laissé tomber de nombreuses fois pour différentes raisons, peut-être parce que la forme que j’ai donnée à l’histoire ne me convient pas. Avec le roman, c’est comme si mes personnages m’emportaient toujours plus loin sans que je puisse les arrêter. Cet été j’ai remarqué que le fait d’être obligé de rendre le manuscrit à une date précise, de savoir qu’il sera lu par plusieurs personnes en dehors de mes connaissances, qu’il sera peut-être publié en ligne ou en papier, a modifié mon rapport tendu avec l’autodiscipline. Un auteur doit savoir s’isoler même quand le soleil brille et que les rires des amis traversent les murs, il doit se concentrer, se relire, se corriger, surmonter ses doutes, son perfectionnisme parfois excessif. (Vision personnelle.)

    Avec le genre littéraire de la nouvelle je n’ai pas ressenti les difficultés de la même façon. Je dirais même que l’idée de mettre le point final assez rapidement à chacune de mes histoires a décuplé mon envie d’écrire. D’ailleurs, je vous laisse et je repars sur ma troisième nouvelle qui je dois dire me plaît beaucoup, l’ambiance y est plus légère et plus drôle que dans mes précédentes fictions. Il fallait peut-être que je lâche du leste pour en arriver là.

    LE ROMAN après la nouvelle…

  • Il vit dans deux mondes

    Il vit dans deux mondes

    Ils vivent dans deux mondes, celui que nous habitons, le territoire des choses réelles, et l’Autre monde. Dans celui-là, le « réel » ne se touche pas du doigt, mais par l’imagination. […] Ils évoluent sur les chemins de traverse. Ils palpent la densité de l’ombre dans les forêts sacrées, comptent les vagues, tracent des signes sur des pierres levées, bavardent avec les Sidhes.

    John Howe

    Photographie à la une ©Marie an Avel