Étiquette : Jon Kalman Stefànsson

  • Les femmes

    Les femmes

    De Vinci

    […] les femmes savent arracher le feu à son sommeil, elles accomplissent ce geste chaque matin, et depuis des centaines d’années. Ailleurs, bien loin d’ici, de grands hommes ont réfléchi sur l’humanité et sur l’univers, ils ont découvert des planètes, des vers de poésie ont vu le jour, des empereurs, des rois, des généraux ont exterminé la vie autour d’eux et c’est ainsi que l’histoire a connu ses flux et ses reflux ; les années s’assemblent en siècles et pendant tout ce temps, ici, à la limite du monde, des femmes se sont éveillées avant Dieu et les hommes pour aller s’agenouiller devant le fourneau et ranimer les braises qu’elles avaient confiées à la nuit. […]

    Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre

  • Entre Ciel et Mer

    Entre Ciel et Mer

    Voici la mer.
    Chacun de ses mouvements est un poème…

    Nous vivons au fond d’une cuvette : le jour s’écoule, le soir se pose ; elle s’emplit lentement de ténèbres, puis les étoiles s’allument au-dessus de nos têtes où elles scintillent éternellement, comme porteuses d’un message urgent, mais lequel et de qui ? Que veulent-elles de nous et peut-être surtout : que voulons-nous d’elles ?

    J.K Stefánsson

  • Entre ciel et terre

    Entre ciel et terre

    Jón Kalman Stefánsson

    Sá sem ekki lifir í skáldskap lifir ekki af hér á jörðinni. Halldór Laxness, Kristnihald undir Jökli.
    « Celui qui ne vit pas en poésie ne saurait survivre ici-bas. »

    — Jón Kalman Stefánsson, Traduction : Régis Boyer

    ciel-etoile-islande

    Nous vivons au fond d’une cuvette : le jour s’écoule, le soir se pose ; elle s’emplit lentement de ténèbres, puis les étoiles s’allument au-dessus de nos têtes où elles scintillent éternellement, comme porteuses d’un message urgent, mais lequel et de qui ? Que veulent-elles de nous et peut-être surtout : que voulons-nous d’elles ?
    J.K Stefánsson

    Résumé

    Le gamin, la mer et le paradis perdu

    entre-ciel-et-terre

    Il y a plus d’un siècle en Islande, dans un baraquement au fond d’un fjord, sont réunis pendant la saison de pêche à la morue des hommes qui vivent de la mer. Dans ce monde rude presque uniquement masculin, « Le gamin » et son ami Bárður font figures d’exceptions, ils partagent une passion commune pour les livres. Dans cet univers de ténèbres, ces deux là ont trouvé quelques rayons de lumière. Il y a Andréa la cantinière qui donne un peu de tendresse et de chaleur aux jours passés à terre. Sigria, la jeune femme que Bárður aime et dont la présence, même en rêve, adoucit les projets d’avenir.  Les livres, remplis de ces  mots qui réenchantent la vie et  qu’ils vont chercher au village chez un vieux capitaine aveugle. Et puis leur amitié sincère qui les maintient à la surface et les empêche de se noyer. Des petits passages de Paradis que Bárður et  « le gamin » protègent pour éloigner l’enfer d’une vie sans passion ni bonheur.

    Les mots sont ses compagnons les plus dévoués et ses amis les plus fidèles, ils se révèlent pourtant inutiles au moment où il en aurait le plus besoin.
    Une nuit de pêche, dans la modeste barque qui fait face à des éléments gigantesques, sous des latitudes extrêmes où le froid ressemble à l’enfer, Bárður qui a pris le temps d’apprendre un court passage du « Paradis perdu » de Milton tant ses mots résonnent dans son coeur découvre horrifié que ce temps de lumière volé à l’ombre pesante de leur quotidien de pêcheur lui a fait oublier sa vareuse ..

    S’en vient le soir
    Qui pose sa capuche
    Emplie d’ombre
    Sur toute chose
    Tombe le silence


    plume-et-encrier

    Ce que j’en pense : C’est un livre profond, de ceux que l’on ne peut oublier. L’écriture est belle, limpide, poétique, elle nous emporte avec puissance sur cette île de l’Atlantique qui n’est peut-être pas si lointaine. Les pensées qui traversent les personnages tout au long du livre, même si cela se déroule il y a un siècle, sont tellement communes aux nôtres. L’enfer et le paradis, le ciel et la terre, et nous au milieu avec nos espoirs et nos craintes.

    Ils avancent à vive allure, livrant contre les ténèbres une course tout à fait bienvenue puisque l’existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l’espoir subsiste.

    J’aime les mots  que l’auteur a choisi pour décrire les paysages froids d’Islande, la grande falaise déchiquetée, les routes suspendues, l’infranchissable, les montagnes noires comme du charbon qui s’avancent saillantes et sombres, la mer verdâtre à trente mètres,  il connaît bien l’âme de son pays et ses phrases dessinent le paysage avec tant de précision qu’elles donnent parfois le vertige. J’aime les rêves de Bárður,  il rêve d’études, rêve de Copenhague, où il y a des tours et d’innombrables rues dans lesquelles se perdre, il rêve d’accomplir de grandes choses car sinon, pourquoi diable vivons-nous ? J’aime les incertitudes du gamin, sa timidité, son manque d’assurance. Les hommes lèvent les yeux, le toisent et, alors, voilà que se produit cette chose insupportable , cette chose pour laquelle il se méprise, la timidité balaie sa douleur et son deuil, lui ôte toute pensée, il n’est plus qu’embarras, manque d’assurance… ces sentiments sont si semblables aux nôtres.


    paradis-perdu

    L’histoire qui se passe sur une île somptueuse et hostile à la fois, les portraits magnifiquement esquissés, le verbe baigné de poésie  et de justesse font de ce roman un grand moment de littérature. Il nous interroge sur le sens de la vie. Ce n’est pas par hasard si l’auteur met dans les mains de Bárður « Le Paradis perdu » de Milton car il n’a de cesse de  mettre en scène la dualité paradis/ enfer à travers tout le livre. J.K Stefánsson nous raconte la vie des pêcheurs de morue, les assauts répétés des éléments infernaux qui les entourent lorsque la mer se creuse et que le vent fouette leurs corps et les malmène, puis il nous décrit le moment de la tartine trempée dans le café chaud prés du poêle sous le regard bienveillant d’Andréa,  et l’on comprend alors que ce moment vaut toutes les images de paradis. J’aime les instants de paradis qu’il suggère car ils sont simples et à la portée de tous.
    Où est l’enfer ? Est-il cette mer déchaînée qui veut les faire chavirer, ce vent fort et rempli de bourrasques de neige qui bourdonne et s’acharne sur eux,  ce froid qui va glacer le coeur de Bárður ? Est-il cette flamme figée dans les yeux des hommes assis à ses cotés tandis qu’il se meurt, est-il cette absence de regards compatissants et solidaires alors que le souffle de la vie l’abandonne. S’est-il déjà frayé un chemin dans l’âme de ses compagnons si acharnés dans leur travaux de pêche qu’ils  ne feront pas demi-tour assez vite pour le sauver, tenter de le sauver…

    L’enfer n’est-ce-pas encore et toujours les hommes ? Je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’aurait été la vie de Bárður, auquel on s’attache très vite,  si les pêcheurs avaient décidé que sa vie avait plus de valeur que la morue à rapporter. Cette pêche est-elle si vitale qu’ils doivent lui sacrifier une vie ? Sa passion des mots lui a fait commettre une erreur redoutable en oubliant sa vareuse mais doit-il le payer si cher ? Pour moi, à cet instant de la lecture les ténèbres qui me faisaient frémir à travers l’hostilité du paysage changent de visage et deviennent encore plus hideuses dans le manque de solidarité et de chaleur des hommes. Car ce qui lui est fatal ce n’est ni sa passion pour la poésie,  ni l’oubli de la vareuse, c’est surtout l’absence de réaction des hommes qui ne se retournent pas assez vite pour inverser le destin. Seul, mais cela il l’est déjà depuis longtemps « le gamin » restera lumineux et fera tout ce qu’il peut pour le sauver.
    « Le gamin », un ange perdu dans un nuage de ténèbres épaisses, qui devra chercher un passage vers la vie…

    Pourquoi la vie en éprouve t-elle certains plus que d’autres ?


    Dans  la deuxième partie du livre, on suit le jeune garçon dans son initiation, qui nous emporte au cœur du pays, plus loin dans les terres. Nous entrons dans le village de pêcheurs où de nouveaux personnages apparaissent. L’ auteur tisse des portraits de femmes remarquables et nous découvrons des bribes de vie souvent tragiques mais parfois traversées par un éclat de lumière. Comme cet instant ou une femme nommée Gunnhildur propose à un homme, Jon, de partager sa vie pour réchauffer leurs jours.

    marcheur

    [ … ] toi et moi sommes célibataires en ce monde, je peine à élever un petit enfant que cette saleté d’homme en habit refuse de reconnaître, je n’ai personne pour me soutenir, absolument personne avec qui discuter le soir, sans parler du reste. Et tu es là, tout seul, avec ton cœur généreux. Tu peux être très courageux, mais tu fais peine à voir en ce moment. Je crois que tu es en train de mourir de solitude et de tristesse. Il n’y a aucune honte à cela, mais c’est parfaitement inutile. Vois donc un peu, nous pourrions très bien continuer à nous débattre chacun de notre coté, j’y survivrais, pas très brillamment [ … ]  Dieu t’a donné un cœur bon et beau en oubliant malheureusement de l’équiper d’une carapace. Tout est en train de t’échapper, tu ne tarderas pas à perdre ta maison,  puis ton indépendance et tu finiras par perdre la vie. Pourquoi laisserions-nous cela se produire, à quoi cela servirait-il ? Qu’en dirais-tu , mon cher Jon,  si je venais m’installer ici  … ta tanière,  ensemble nous la changerions en un doux foyer?

    Peut-être le gamin trouvera t-il  près de ces femmes qui savent écouter, quelque réconfort, un peu d’attention, un éclat de paradis. Sous la plume de l’auteur elles semblent plus douées pour la vie. Leurs vies croisent de furtifs amants venus de pays étrangers  et des hommes qu’il faut presque materner.  Brynjolfur le marin alcoolique qui ne sait plus rentrer chez lui et le vieux capitaine aveugle ont déjà glissé sur des pentes infernales et il n’est pas  sûr qu’il leur reste assez de vue pour entrevoir la lumière.
    Le voyage du « gamin », autant extérieur qu’intérieur, sa quête du sens de la vie, nous laisse encore,  alors que le livre est refermé bien des questions au bord des lèvres. Une histoire à laquelle il n’y a pas réellement de fin, tout est possible après la dernière phrase. A chacun d’imaginer comment ce jeune homme échappé de l’enfer déroulera les  jours qui lui restent à écrire.

    Il est facile de se bercer d’illusions lorsqu’on est seul, on peut presque se fabriquer une personnalité, se montrer plein de sagesse, de mesure, avoir réponse à tout, mais il en va autrement parmi les gens, la chose nécessite un effort, là, tu n’es plus aussi mesuré, absolument pas aussi sage, parfois tu n’es même qu’un fichu crétin qui débite toutes sortes d’âneries.


    entre-ciel-et-terreLisez « Entre Ciel et terre »


    Extraits

    Parfois, c’est dans le sommeil qu’on est le plus heureux, tu y es à l’abri, le monde ne t’atteint pas. Tu rêves de sucre candi et de jours de soleil.

    Tout ce que nous pouvons faire , c’est espérer au plus profond de nous-mêmes, à l’endroit où bat le cœur et où s’encrent les rêves, qu’aucune vie ne soit en vain, ne soit sans but.

    La vie a cet avantage par rapport à la mort que, d’une certaine manière, tu sais à quoi t’attendre,  la mort est en revanche une grande incertitude et il est peu de chose dont l’homme s’accommode aussi mal que de l’incertitude, elle est le pire de tout.

    Plage de Dalvik

    Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur (…) quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut être ni vivants ni morts.


    jon-kalman-stefanssonQui est J.K. Stefansson ?

    Nationalité : Islande
    Né à : Reykjavik – le 17.12.1963
    Biographie : Après ses études au collège, qu’il termine en 1982, il travaille dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie jusqu’en 1986. Il entame jusqu’en 1991, sans les terminer, des études de littérature à l’université. Il donne des cours dans différentes écoles et rédige des articles pour un journal, à Copenhague. Il rentre en Islande et , jusqu’en 2000, il s’occupe de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbaer. Depuis, il se consacre à l’écriture de contes et de romans. Il a publié cinq romans dont deux traduits en français :
    Entre ciel et terre Gallimard (2010)
    La tristesse des Anges Gallimard (2011)
    Le cœur de l’homme Gallimard (2012)


    Quelques liens :  Islande , l’île des femmes

  • Première lecture

    Première lecture

    Entre ciel et terre

    Pour commencer le prix des lectrices, j’ai décidé de faire un tirage au sort. Le premier livre sorti du chapeau est celui de Jon Kalman Stefànsson,  Entre ciel et terre. D’ailleurs à la librairie près de chez moi il n’avait que très peu des livres sélectionnés, il faudra que je les commande ou que j’aille à la bibliothèque, ou peut-être sur le web … mais une chose est sûre ils avaient « Entre ciel et terre « . Le hasard, mais est-ce vraiment le hasard ? a décidé que les premiers mots lus seraient ceux de cet auteur Islandais. Dès la première page, j’ai su qu’il allait m’embarquer pour une lointaine destination …

    entre-ciel-et-terreJe raconterais ce voyage à mon retour de terra incognita, car ce pays d’Islande l’est pour moi.

    Les premiers mots  de J.K. Stefànsson m’ont déjà emporté loin du tumulte des fêtes. Ce premier choix de livre est une étrange coïncidence car je travaille depuis plus d’un an sur une histoire qui parle d’un marin parti pêcher en Islande, disons que c’est le prologue de ma fiction. Je dévore donc depuis des mois des livres sur les pêcheurs, les Terre-neuvas, les Islandais, les Cap-horniers. Ce choix m’a donc déjà confirmé que mon envie de faire parti de ce prix était une excellente idée mais il me rappelle aussi de ne pas oublier cette fiction qui fait vibrer ma plume et mon cœur depuis des mois. La photo sur la première page de couverture ne m’est pas inconnue, comme si je connaissais déjà un peu ce « gamin » pris dans la tourmente d’une vie entre ciel et terre …

    J’aime les signes, les rencontres inattendues, ils me disent à leur façon que je suis sur le bon chemin…