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  • Nos livres en 2024 : salons, chiffres et perspectives

    Nos livres en 2024 : salons, chiffres et perspectives

    D’un côté les chiffres, de l’autre les lettres, mais la vie est impossible sans leur conjugaison.
    A.Compagnon, La littérature, ça paye

    À ce jour les ventes de livres ne sont pas aussi importantes que les années précédentes, à l’exception de l’île où je vis, où l’adage « nul n’est prophète en son pays » ne s’applique pas. Cela est également vrai pour mon tome I « Louison », mon premier roman pour adultes, dont les ventes progressent.
    Depuis notre première participation aux Salons du livre de la région en 2022, on constate une baisse de la fréquentation et des ventes. Paradoxalement, le nombre d’auteurs(es) présents est en hausse.


    Salons du Livre : rencontres, réflexions,

    Au cours de nos participations aux Salons du livre de ce dernier trimestre 2024, en particulier pour les livres jeunesse, pour lesquels nous formons un duo complice avec l’illustrateur, que ce soit à Josselin en septembre ou à Férel et Riantec en novembre, nous avons toujours reçu un accueil chaleureux : bienveillance, cafés et viennoiseries offerts, parfois un apéritif accompagné d’un discours du maire, et un déjeuner dans une ambiance détendue et amicale. Nous sommes reconnaissants pour toutes ces marques d’attention.
    C’est toujours un plaisir de se retrouver entre auteurs(es) pour échanger sur nos difficultés, nos inspirations et aspirations, nos expériences avec les libraires.

    C’est dans ces moments, autour d’une table chaleureuse et conviviale, que nous apprenons à mieux nous connaître, au-delà de notre passion commune pour les livres.

    Nous y retrouvons les « Auteurs du pays de Vannes » les auteurs(es) de l’AEB (association des écrivains bretons), nous réalisons nos échanges habituels de livres, savourant le plaisir de découvrir les œuvres d’autres auteurs(es) indépendants de la région.

    Lors de certains Salons, des éditeurs indépendants de la région présentent leurs collections, sur la Bretagne, ses légendes. Des conférences sont tenues sur une variété de thèmes, les plus récentes portant sur la botanique, le druidisme, les sorcières, le Grand Nord et l’Islande, sujets qui captivent plusieurs membres de notre groupe, y compris moi-même. Des expositions sont organisées, présentant des planches botaniques, des photographies, des peintures et des dessins ; de nombreux auteurs(es) illustrent leurs livres.


    Chaque année, des auteurs(es), jeunes et moins jeunes, embarquent dans l’aventure exaltante de l’écriture, de l’édition et de l’autoédition. On échange, on tente de répondre à leurs questions, en s’appuyant sur notre modeste vécu et celui de notre entourage : quelles sont les opportunités de vente lors des Salons du livre ? Lors des séances de dédicaces ? Nous débattons également des coûts d’impression et de la question cruciale : est-il préférable de se faire éditer ou de s’autoéditer ? Qu’en est-il des distributeurs ? Les réseaux sociaux, s’ils sont alimentés régulièrement, tiennent-ils leur promesse d’attirer des lecteurs ? Et quid des frais de déplacement, parfois d’hébergement ? Des cotisations à l’Urssaf ? Les jeunes auteurs adoptent souvent une approche pragmatique et précise. Ils aspirent à vivre de leur plume, mais ils s’inquiètent sur la possibilité de le faire en maintenant un budget équilibré ; beaucoup font preuve de prudence dans leurs dépenses, attitude compréhensible dans le contexte économique actuel.

    Leurs réflexions m’ont inspiré l’idée de créer des fiches détaillées pour chacun de mes livres. Prendre du recul ou changer de perspective est essentiel pour y voir plus clair. Leur fraîcheur me pousse à réévaluer mon travail et à m’interroger. Certains sont très actifs, ils s’inscrivent à des formations, participent à des ateliers d’écriture, partent en quête d’éditeurs. J’apprécie leur vision renouvelée du métier.

    Faisons-les lire, puisque la lecture est le verrou, éveillons-les à l’universalité, à l’ubiquité de l’art de raconter des histoires, car on ne transmet rien, on ne convainc de rien sans savoir non seulement compter mais aussi conter.*

    On y rencontre aussi les auteurs* établis, les reconnus, les auteurs du pays, souvent anciens enseignants de français, publiés par divers éditeurs, qui s’adressent à un lectorat déjà acquis pendant leur carrière, à des lecteurs locaux qui retrouvent leurs paysages dans leurs récits ; des lecteurs(es) fidèles, qui malheureusement, ne cherchent pas toujours à explorer de nouveaux titres ; l’expérience de ces écrivains est précieuse, même si j’ai remarqué qu’ils partagent peu leur savoir et leurs conseils, (heureusement pas tous😉).

    *J’ai délibérément utilisé le terme « auteurs » sans le féminin dans ce paragraphe, car jusqu’à présent, dans les salons littéraires que j’ai fréquentés, les invités d’honneur étaient toujours des hommes. Lorsque j’ai rencontré des autrices « célèbres », comme au Salon Livr’à Vannes, elles se sont montrées plus enclines à partager leur savoir et leur expérience. Pas de propos féministe ici, même si je défends la place des femmes dans la littérature, dans l’éducation et dans les distinctions, et que j’aimerais que leurs noms soient plus souvent mentionnés.
    Il est temps que les femmes invisibilisées redeviennent visibles, car les références sont souvent masculines, à l’exception de Colette et de Marguerite Yourcenar, de l’Académie française, mais il y en a tant d’autres. C’est comme pour les biopics, c’est presque toujours Colette, surtout son époque au music-hall, elle est tellement plus que ça. George Sand, mais pas seulement sa liaison tumultueuse avec Musset ou Chopin, elle est bien plus que cela. Et La comtesse de Ségur ? Ce serait passionnant. Vous noterez qu’il y a beaucoup plus de biopics sur les anglo-saxonnes et les américaines. (Je ne parle pas des autrices contemporaines qui ont heureusement plus de visibilité).
    Je reviendrai un de ces jours pour proposer une liste d’autrices, à ne pas oublier, et des biopics littéraires .

    Ainsi, après les Salons du livre de cet automne, je me suis intéressée pendant quelques jours aux chiffres plutôt qu’aux lettres. En déduisant les frais d’impression, les charges de l’Urssaf, les 30% alloués aux libraires, la location de voiture (le vélo étant mon moyen de transport habituel car je réside sur une île), et l’essence (lorsque le covoiturage est impossible) ; la colonne des bénéfices (de mes fiches) m’a paru bien modeste ; sans même inclure les frais d’inscription à certains Salons du livre (nous sommes souvent invités à des événements où la participation coûte seulement 5€ voir 15€, ce qui est raisonnable lorsque cela vient des auteurs(es) qui organisent, pour couvrir les dépenses des flyers, affiches et publicités) mais il y a de grands Salons du livre où la participation est très onéreuse.

    Les Marchés de Noël, souvent organisés pendant les week-ends, connaissent généralement de bonnes ventes, notamment pour les cadeaux destinés aux enfants et petits-enfants, le livre est encore perçu par beaucoup comme un bien précieux. Cependant, les frais d’inscription dans les grandes villes sont élevés, ce qui nous amène à privilégier les localités périphériques telles que : Arradon, Baden, Séné, St Avé, Île d’Arz, Le Bono, etc. Étonnement ces marchés attirent un public nombreux et enthousiaste.

    À travers cette réflexion, je ne cherche pas à justifier une dépense en particulier, mais plutôt à les cumuler pour déterminer ce qu’il me reste effectivement.


    Le cumul ?

    J’ai lu récemment le dernier livre d’ Antoine Compagnon, « La littérature, ça paye », les pages traitant de l’accumulation des bonnes choses m’ont paru très pertinentes.


    Quelques extraits de ces pages :

    « Impossible de quitter Merton sans évoquer l’une des plus belles trouvailles de ce poète des sciences sociales, ce qu’il a nommé « l’effet Matthieu » par allusion à l’Évangile selon Matthieu : « Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a » (13, 12). L’effet Matthieu désigne l’avantage cumulatif procuré durablement par un mince écart initial, par exemple entre le dernier reçu et le premier recalé à un concours. […]


    […] Bien plus conséquent est un concours réussi à vingt ans, car il laisse toute une vie pour accumuler les avantages liés à une barre précocement franchie. C’est pourquoi, quelle qu’ait été la part du mérite, toute personne ayant passé cette barre dans sa jeunesse, se trouvant en situation de bénéficier de plusieurs décennies d’avantages cumulatifs liés à l’effet Matthieu, hérite aussi de lourdes responsabilités vis-à-vis des moins favorisés par les Parques.
    Mérite, ai-je rappelé, vient du grec méros, la « part ». Mériter, mérizô, c’est « partager », mais le verbe a encore un autre sens : « se souvenir », comme dans memor et memoria. Mériter, avoir bénéficié du mérite, impose de se souvenir. Or l’effet Matthieu, « donner à celui qui a, ôter à celui qui n’a pas », est d’autant plus puissant que l’on se situe sur un marché du type winner takes all, où le gagnant emporte toute la mise, ce qui est le cas dans le sport et le divertissement, mais aussi dans la recherche scientifique et, dans une certaine mesure, dans la culture et en littérature. […]


    […] Dans l’univers de la musique ou de la mode, l’effet Matthieu se transmue en effet superstar, car de minces différences de talent entraînent d’immenses écarts de notoriété et de revenus. Qui bénéficie d’un infime avantage initial, parfois dû à la chance, sera propulsé vers les plus hauts succès par le mécanisme des avantages cumulatifs et le principe du « gagnant rafle tout », comme les Beatles en face des autres groupes de Liverpool qui ne rencontrèrent pas leur Brian Epstein en 1961, ou Taylor Swift, première artiste du spectacle à figurer sur la liste des milliardaires de Forbes grâce à ses seules chansons (The New York Times, 3 avril 2024). […]


    […] En matière de culture, s’il ne crée pas de distorsions aussi dramatiques que dans le sport, le divertissement, la mode ou la science, l’effet Matthieu ne creuse pas moins les écarts. Entre le lauréat du prix Goncourt et ses concurrents de la dernière sélection, d’ordinaire tout aussi méritants ou déméritants, la plus-value s’élèvera à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires vendus. Merton souhaitait que des remèdes soient trouvés afin que l’inégalité entre « the have and the have-not » dans les sciences ne devienne pas explosive. C’était aussi le propos de Bruno Racine dans son rapport de 2020 sur L’Auteur et l’acte de création : corriger l’effet Matthieu toujours grandissant entre les best-sellers et les rossignols. Pour être complet, ajoutons qu’un « effet Matilda », symétrique de l’effet Matthieu, sert à décrire le déni récurrent ou la minimisation systémique de la contribution des femmes à la science.

    Les résultats de leurs recherches ont été souvent attribués à leurs collègues masculins, comme dans le cas de Rosalind Franklin auprès de Crick et Watson pour la découverte de la structure de l’ADN, ou de Marthe Gautier pour la découverte de la trisomie 21, dont Jérôme Lejeune a revendiqué la paternité. Tout laisse à penser que l’effet Matilda s’applique aussi à la culture et à la littérature, que la lettrure paye moins pour les êtres humains de sexe féminin assigné à la naissance.


    En cette fin d’année 2024, ma collection issue de rencontres avec des auteurs(es) indépendants dans les salons littéraires s’élève à 21 titres, un chiffre modeste comparé à mes autres lectures, mais en 2 ans c’est déjà une belle découverte de ce qui s’écrit localement. Je ne suis pas certaine de vouloir et de pouvoir les lire tous, surtout qu’au dernier Salon nous étions 70 auteurs(es) 🧐 — Et je ne vous ai pas parlé des livres qu’on m’a offerts, de ceux que j’ai trouvés dans une boîte à livres, de ceux pour lesquels j’ai craqué en librairie, ni des trésors que je découvre toujours dans la bibliothèque de mes parents😊.
    Le monde regorge de personnes créatives et talentueuses. Il est vrai qu’il y a encore des monstres, mais apprenons à reconnaître les aspects positifs en cette fin d’année tumultueuse.

    Je vais m’arrêter là pour cette année, pour la bonne raison que, quand j’écris, je lis peu de romans, je me concentre principalement sur la documentation concernant les sujets de mon livre en cours. En tant qu’autrice, je m’applique à faire des recherches, de manière approfondie, sur le sujet qui me passionne ; que ce soit en histoire, en science, en géographie, en médecine, etc. je m’abstiens de lire des fictions durant le processus créatif.


    Les ventes ont été plus modestes cette année, comme je le disais en intro (excepté mon roman), surtout lors des Salons du livre (je vous raconterai les marchés de Noël dans un prochain article, il m’en reste encore quelques-uns à faire).
    Cependant les rencontres avec les auteurs(es), avec les lecteurs(es), les retours de lectures, les échanges chaleureux et la découverte d’autres univers, rendent ces instants précieux, des moments de partage et d’enrichissement mutuel.

    À condition que les frais ne dépassent pas les recettes😉🤔.

    La littérature est un besoin naturel de l’être humain que même la maladie des coûts n’anéantira pas ; la demande de littérature dans la société ne cesse de croître, comme recherche de compétence narrative et poétique, certes pour des motifs plus ou moins avouables, tels que vivre mieux et gagner plus. Les littéraires seront les derniers à s’en apercevoir, à découvrir que la littérature est toute-puissante […]



    *Les citations de cet article sont d’Antoine Compagnon, tirées de son dernier livre, La littérature, ça paye.

  • Livr’à Vannes 2023

    Livr’à Vannes 2023

    Île d’ARZ → Vannes

    Vendredi matin – orage léger mais pluie abondante, on a démarré chanceux, on a évité le grain en traversant l’île pour rejoindre la cale de Béluré. Ouf ! 🙂

    Mon compagnon illustrateur m’a accompagnée, il était affolé de me voir, « oh pauvre femme sans force 😃 », porter la malle de livres (je ris mais c’est vrai, j’ai essayé de la soulever, aïe, drôlement lourd les livres). Normal le papier vient de l’arbre, on ne se balade pas avec un morceau d’arbre sous le bras en sifflotant. Ça se mérite la lecture…

    Accueil sympathique sur l’esplanade Simone Veil, ticket restaurant, boisson chaude, sourires, c’est la première fois que je participe à ce Salon et que je me retrouve dans la grande librairie, côté autrice. Je suis sur un nuage…
    Notre ami Bruno L’Her, auteur de roman policier à succès, était déjà installé, le reste de la longue table presque vide. Aucune indication, pas de nom accroché, on savait juste qu’on avait droit à 90 cm, on a pris notre temps, quel est le meilleur angle pour être visible, bref, les petits questionnements d’une novice qui débarque de son caillou.

    Ce fut un après-midi agréable, du monde dans les allées jusqu’à 19 heures, mais raisonnable, la pluie avait rafraîchi l’atmosphère, c’était respirable.

    « Les auteurs du pays de Vannes », « Les écrivains de Bretagne », vont-ils être visibles ?
    Merci cher·ère·s lecteur·rice·s, merci à ceux qui ont tenté de découvrir d’autres auteur·rice·s que ceux portés par les médias et les affiches, merci à ceux qui ont fait l’effort de se retourner et de voir qu’il y avait d’autres plumes inspirées.


    De mon côté, plus de lectrices que de lecteurs.

    Des hommes se sont arrêtés en lisant mon nom, c’est un pseudo ? D’autres en découvrant le titre du livre, les souvenirs oubliés sont-ils perdus… bonne question, très bon titre, vous avez bien choisi… Quelques échanges, parfois drôles, même s’ils n’achètent pas toujours le livre, ça les interpelle. Je suis là pour vendre mes livres mais aussi pour rencontrer des lecteur·rice·s, pour partager, pour découvrir (de l’autre côté de la table) ce grand Salon du Morbihan. Toutes ces personnes en quête de lecture, en attente de nouvelles histoires, me touchent.

    « Je vais chercher dans les romans les mots qui me manquent, la force qui me fait défaut, l’évasion, une autre vision du monde… », c’est ce qu’ils me disent. Ceux qui s’arrêtent et feuillettent mes livres me racontent des passages de leur vie, souvent difficiles, éprouvants, ils ont besoin d’être écoutés, entendus… Ils me demandent où va mon histoire, ils ont envie de se lancer à la découverte de cette autrice inconnue et en même temps ils sont craintifs. Je les rassure.

    Je me souviens de certains visages, des attitudes, des réflexions…

    Des visages connus, dix années ont passées… « oh ! c’est toi ? Tu écris ? Super ! Je t’en prends 1, allez je prends les 2. On se rappelle ? On en parlera… »

    Cette jeune fille de 17 ans qui n’aime que les gros livres, qui dévore les histoires, qui regarde la 4e de couverture avec beaucoup d’attention, qui prend le livre sans hésiter.
    Super ! J’ai réussi mon résumé – Elle regarde le nouveau titre jeunesse et le prend aussi – j’ai eu envie de l’embrasser.

    Cette jeune fille de 20 ans qui avance vers la couverture, intriguée, décidée, elle prend le livre jeunesse (je le conseille à partir de 9 ans mais il peut convenir à tous les âges). Elle l’achète sans hésiter. Elle est tentée par les invisibles, elle aime les animaux, la couverture lui parle…
    Je me dis que mes kelfennins sont en bonnes mains, qu’il y a la relève pour les veilleurs…

    Il y a cette femme qui en prend 1 pour elle et 1 pour sa fille, on pourra en parler, partager, ça nous rapprochera…
    Elle va sûrement apprécier les dialogues entre Louison et sa fille Anna, j’espère…

    Je les écoute tous et je devine les passages du livre qui vont leur plaire, je peux me tromper, tout leur plaira 😊. Ces échanges rassurent mon écriture.

    Cette jeune femme qui hésite à se lancer dans l’aventure de l’édition, elle prend mon roman, le feuillette, elle le trouve beau, elle l’emporte comme modèle pour la mise en page du livre qu’elle rêve d’écrire.
    Je ne me suis pas donné tout ce mal pour rien, je fais des émules…

    Ces enfants qui me font signer des autographes sur leur feuille d’école, c’est la gloire 😉😇! L’une d’eux s’appelle Louison, elle me dit qu’elle va emmener sa mère au Salon du livre demain pour qu’elle le voit. Les autres prennent le jeunesse, « vivement le 31 octobre pour faire notre nuit des flambeaux ».
    « Coucou Louison ! », la gamine passe et repasse dans l’allée, me salue, fière de voir son prénom sur une couverture.

    Je suis joyeuse. Même si les ventes ne sont pas aussi nombreuses et n’ont pas la même file d’attente que les têtes d’affiche, le retour des lecteur·rice·s me donne des ailes.


    On a eu droit à un déjeuner au restaurant l’Océan, un régal, le tiramisu était délicieux ; entre Stéphane Bern, Héloïse d’Ormesson et toutes les stars arrivées par le train… nous voilà dans la vague, emportés par le courant. En réalité, ça s’est passé en toute simplicité.

    Le soir on était invité au cocktail dans la cour de l’auditorium des Carmes, un magnifique lieu, frais et reposant, les petits fours étaient un régal pour les yeux et les papilles gustatives. Nous y avons fait la connaissance d’un poète charmant, descendu de sa forêt de Brocéliande, un enchanteur. Une autobiographe enthousiasmée par sa découverte de l’écriture nous a rejoint, c’était son premier livre et son premier Salon ; on a ri, échangé, dégusté, un moment très convivial. Et puis, CLIC ! Nous voilà sur la photo du groupe de la soirée au milieu de la bonne humeur partagée.

    Samedi, c’était différent, il y avait plus d’auteur·rice·s best-sellers en dédicace, des files d’attente plus nombreuses et plus longues. Courageux ou fous les lecteur·rice·s dans ces files en plein soleil ? Passionné·ée·s en tout cas, quelques personnes avaient leur sac chargé de livres. Ça cognait dur dehors et sous le barnum.

    On se sentait invisibles parce qu’il y avait beaucoup plus de monde que la veille et un grand nombre semblait n’être là que pour la dédicace de leur favori·te. Ceux qui dédicaçaient non-stop ont dû avoir mal au poignet en fin de journée, mais c’était un léger mal par rapport au bien reçu.

    Une dédicace ? La main se met en mouvement, la plume écrit le prénom et c’est un lien qui se tisse…

    De notre côté nous étions très serrés, moins d’espace que la veille, tandis que les tables de certains libraires étaient parfois vides, uniquement recouvertes de prospectus. De ce côté il y a de l’amélioration à demander à ceux et celles qui ont organisé le Salon. Un peu plus d’égard pour les auteur·rice·s du pays.

    Les pompiers sont venus à notre secours en milieu d’après-midi, ils ont ouvert le barnum par endroits pour tenter de faire passer l’air, si peu… Mais c’était sympa d’y avoir pensé.

    On a bu des litres d’eau aux petites fontaines posées çà et là. Les organisatrices couraient avec leur escabeau et posaient les pancartes des noms des auteurs du groupe « les auteurs de Vannes » ; vendredi il n’y en avait pas du tout quand on est arrivés. Il n’y a pas eu d’annonce nous concernant, aucune diffusion au micro, pas d’interview non plus (ne serait-ce que l’un d’entre nous). On ne parle jamais assez des best-sellers… 😎🙃

    Didier van Cauwelaert, le président d’honneur, a écrit dans la brochure du programme (avec sa notoriété, son prix Goncourt, c’était sympa de le souligner) « S’afficher derrière ses ouvrages est un bonheur lorsque les piles diminuent au rythme des échanges, mais devient vite un calvaire quand le public vous ignore, vous contourne ou vous demande les toilettes. À Vannes aucun risque, Vannes aime les auteurs autant que les livres. »
    Je me permets de rajouter, Vannes aime les auteurs connus, les parisiens, les best-sellers, un peu moins les auteurs de sa région… Oui ? Non ? On ne m’a pas demandé les toilettes mais on a souvent été contournés, ignorés, l’important étant de rejoindre la file d’attente pour telle personnalité en vogue. Pas toutes les lectrices et les lecteurs, il faut le souligner, certains restent curieux, en quête d’autre chose… ils osent lire d’autres auteur·rice·s. (à ce propos j’avais partagé un article très intéressant que je vous mets en lien : Ayez le courage de lire d’autres auteur·rice·s)

    Deux jeunes grands-mères dynamiques, arrivées de Lorient, grandes lectrices pour elles et leurs petits-enfants, à qui j’ai dédicacé mon dernier livre jeunesse avec joie, trouvaient injuste qu’on soit confinés sur la droite, ou la gauche, tout dépendait de l’endroit d’où on arrivait, comme au coin (je reprends leurs mots). Elles pensaient que le mélange des stars et des « inconnus » aurait été plus satisfaisant, pour tous, comme ces chanteurs qui bénéficient d’une star de la musique en faisant leur avant-première le jour du concert.
    Elles étaient pleines d’idées modernes et justes, c’était un plaisir de les écouter. Elles m’ont dit qu’elles allaient en toucher deux mots aux organisateurs, leur énergie m’a stimulée.

    Faut-il faire un Salon des refusés (mai 1863) en marge du Salon officiel ? Depuis les impressionnistes ont fait un long chemin…

    En attendant on a créé le groupe des « Auteurs du pays de Vannes », si vous voulez suivre nos manifestations, visitez notre : page facebook

    Quoi qu’il en soit, ce fut une expérience, agréable et joyeuse. De retour sur l’île je reprends l’air à pleins poumons et je repars sur mon livre en cours, le tome II des souvenirs oubliés. À très bientôt chers lecteur·rice·s.

    C’est important quand même de vous parler des trois lauréats 2023 : le Prix Littéraire de la ville de Vannes, le Prix Jeunes adultes et le Prix du roman en langue bretonne. Il félicite cette année, Jean-Louis Milesi (la dramatique histoire des Amérindiens) Catherine Cuenca (le combat d’une jeune femme, les luttes féministes, tj d’actualité) et Yann-Charlez Kaodal (plusieurs destins tragiques) vous pouvez lire les détails sur : l’article d’Actuallité

    PS : J’ai écrit cet article avec l’écriture inclusive*. Pas si facile à rédiger😉. Et à lire ?

    *L’écriture inclusive est née de la volonté de faire changer les mentalités sur l’égalité homme/femme par le langage. En français, la règle grammaticale dit que le masculin l’emporte sur le féminin. C’est précisément ce point que l’écriture inclusive souhaite revisiter pour mettre le féminin à égalité avec le masculin.

    *Dans l’usage, « les Français·es sont divisé·e·s » sur la question.

    *Quant à l’Académie française, elle y voit un « péril mortel » pour la langue française, ils ne recommandent pas cet usage : académie française

    *À noter que le logiciel Word inclura dès l’an prochain une possibilité d’inclure l’écriture inclusive dans son module de correction orthographique. À suivre…

  • Un monde sans auteur.e ?

    Un monde sans auteur.e ?

    […] Une vente moyenne d’un roman en France est (tous éditeurs confondus) autour de 350 livres. A partir de 1 000 exemplaires, vous pouvez être heureux, à 5 000 c’est le succès, vous pouvez envisager une édition en poche. Vous avez alors gagné 5 000€.

    Je me demande comment évoluerait le monde si on supprimait toutes les histoires ? Romans, BD, Contes, Poèmes, etc. Pas utile les auteurs.es ?
    L’article en lien ci-dessous, parle des édités plutôt que des auto-édités. Son intérêt ce sont les chiffres dévoilés.
    Personnellement j’ai fait les marchés cet été et j’ai vendu mes livres, avec un « plus », j’ai rencontré les lecteurs et l’échange était plutôt agréable. Je suis auto-éditrice, je travaille en micro-entreprise. De toute évidence, c’est le meilleur choix — si on n’est pas une vedette des prix littéraires et Parisiens.

    J’ai mon idée sur l’affaire, à la fin de l’article ils parlent du deuxième métier – obligatoire – de l’écrivain, en prenant des exemples d’auteurs reconnus, surtout d’auteurs disparus, ils oublient tout de même que l’époque a beaucoup changé, les conditions de vie, le monde du travail, etc.
    Ou je veux en venir ? L’écriture est un travail, un travail acharné si on veut aboutir à un résultat digne de ce qu’on nomme un bon livre. La mise en forme est également une partie non négligeable du travail, et que dire de la vente. Être auteure c’est être créateur au même titre qu’un artisan, un artiste peintre ou un musicien ; pourquoi ne parle-t-on pas de second métier pour eux ? Beaucoup moins souvent me semble-t-il…

    Souvent la plume a remplacé l’épée ! Des vers chantés ou lus ont soulevé des foules ! Dans l’ombre, les poèmes furent et sont encore une manière de résister à l’occupation, à la répression, à toutes les formes d’oppression.

    L'inspiratrice

    J’aime les mots, résistance, indépendance ; j’aime le matin, lorsque après un café chaud, je m’engage dans la petite allée bordée d’arbres — qui veillent généreusement sur nous — pour travailler dans notre petite fabrique d’éditions, même si les revenus oscillent et penchent parfois dangereusement vers le bas… Vivre, n’est-ce pas prendre des risques ?

    […] au dernier salon d’Angoulême, l’association des Etats généraux de la BD a d’ailleurs divulgué les résultats de son enquête annuelle, montrant que 53% des répondants ont un revenu inférieur au Smic annuel brut, dont 36% qui sont en dessous du seuil de pauvreté (et c’est pire pour les femmes !)

    Je suis de la race de ceux qu’on opprime

    Aimé Césaire

    Sténographe de la Vie. – C’est tout ce que je veux que l’on inscrive sur mon monument (ma croix !) – Seulement, Vie avec majuscule, impérativement. Si j’étais un homme, j’aurais dit : de l’Être.

    Marina Tsvetaieva


    *L’article en lien : COMBIEN GAGNENT LES AUTEURS ?

  • L’écrit

    L’écrit

    Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine. L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.

    — Marguerite Duras

  • Certaines n’avaient jamais vu la mer

    Certaines n’avaient jamais vu la mer

    de Julie Otsuka, traduit par Carine Chichereau, Phébus
    En ce qui concerne le Prix des lectrices, j’ai tout de même trouvé des moments pour lire quelques livres de la liste.

    L’extraordinaire histoire de l’émancipation des femmes japonaises, passant d’un statut féodal particulièrement contraignant à une vie épanouie de femme du XXe siècle »  été en grande partie le fait des journaux féministes du Japon dont le premier dut son existence à « une campagne menée vers 1920 afin d’obtenir pour les jeunes filles le droit de refuser un mari syplilitique.
    Cf. La presse féminine d’Evelyne Sullerot, collection Kiosque d’A.Colin.

     Qui n’aurait pas honte aujourd’hui de voir que les femmes ont dû se battre pour échapper à un sort aussi scandaleux ?

    Certaines n'avaient jamais vu la merJ’ai lu la moitié du livre de Julie Otsuka, « Certaines n’avaient jamais vu la mer ».
    Le « nous » impersonnel que l’auteure emploie pour parler de ces immigrantes japonaises qui débarquent aux Etats-Unis et le style qui ressemble à une longue et lancinante énumération ont eu raison de mon courage qui voulait aller jusqu’au point final. Je me suis arrêtée à la page 64, juste avant le chapitre « Naissances ».

    Je ne me permets pas de porter un jugement sur le destin terrible de ces femmes vendues et abandonnées, (destin Ô combien injuste et douloureux),  c’est la façon de traiter le sujet qui ne m’a pas convaincue. Faire parler un choeur de femmes était une idée lumineuse mais il manque à ce choeur un sentiment d’humanité. On est envahi par un flot incessant de paroles qui finit par lasser et rend invisible la plainte véritable de ces vies sacrifiées. Après quelques lignes les voix  se mélangent et s’annulent les unes les autres, la monotonie s’installe. Il aurait fallu une voix unique par-dessus ce choeur, une voix que l’on aurait suivi du début à la fin, une voix qui par moment aurait remplacé « le nombre » pour s’approcher du lecteur et lui murmurer sa solitude et sa grande détresse. Il manque à ce choeur son coryphée (celui qui conduisait le choeur dans les tragédies antiques). Choeur – Coryphée, l’un ne va pas sans l’autre, c’est l’alternance des deux qui donne toute la dimension aux tragédies. J’aurais aimé qu’une voix s’élève au-dessus des autres et nous guide dans cette énumération impersonnelle. Mais voilà, c’est un avis, juste mon avis et mon ressenti. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir du respect pour l’auteur qui dénonce une atrocité de notre humanité.

    Biographie Julie Otsuka

    https://i0.wp.com/i39.servimg.com/u/f39/11/59/18/67/20022510.jpgJulie Otsuka est est une écrivain américaine d’origine japonaise née en 1962 en Californie. Elle vit à New York. Diplômée en art, elle abandonne une carrière de peintre pour l’écriture. Elle publie son premier roman en 2002, Quand l’empereur était un dieu largement inspiré de la vie de ses grands-parents ( l’ évocation des camps où 110.000 citoyens américains d’origine japonaise ont été internés aux Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbour ). Son deuxième roman, Certaines n’avaient jamais vu la mer a été considéré aux États-Unis, dès sa sortie, comme un chef-d’œuvre.

    Le livre – Au début du XIXe siècle, un bateau venu du Japon se dirige vers San Francisco. A son bord, des jeunes filles qui ont quitté leur pays pour rejoindre leur futur époux. Après une longue traversée, elles découvrent à la place des princes charmants dont elles rêvaient des paysans beaucoup moins séduisants que sur les photos qu’ils ont envoyées. Elles vont réaliser la manipulation dont elles ont été victimes mais trop tard car elles n’ont pas de billet de retour. Le rêve se transforme en cauchemar car les hommes rudes et brutaux les feront travailler sans relâche.

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  • Suite française

    Suite française

    Irène Némirovsky

    J’ai écrit un premier article lorsque j’ai commencé la lecture de ce livre. Il parle de l’auteur et du moment de la création du livre. Vous pouvez le lire en suivant ce lien : Article sur Irène Némirovsky

    Le silence et l’abandon

    Suite française

    Irène Némirovsky ne se laissa pas tourner la tête par son entrée fracassante en littérature. Elle s’étonna même qu’on fit tant de cas de David Golder, qu’elle qualifiait sans fausse modestie de « petit roman ». Elle écrivit à une amie le 22 janvier 1930 : « Comment pouvez-vous supposer que je puisse oublier ainsi mes vieilles amies à cause d’un bouquin dont on parle pendant quinze jours et qui sera tout aussi vite oublié, comme tout s’oublie à Paris ? »

    J’ai terminé la lecture de Suite française d’Irène Némirovsky, ce qui me permet d’avoir une autre vision de la guerre, des français, des allemands, et surtout de l’humanité. Je peux dire que cette lecture m’a laissé un goût amer dans le cœur. Bien sûr,  les lectures qui tournent autour de ces sujets douloureux sont souvent bouleversantes, mais là c’était différent. Un tableau sombre du peuple français et de son manque d’esprit solidaire.

    Sauve qui peut,  moi d’abord, les autres s’il reste de la place, et si on peut en jeter quelques uns  au milieu de la tempête ce sera plus confortable…

    La manière dont  l’auteure parle du comportement des gens  fait bien souvent grincer les dents. Difficile d’avaler la lâcheté de certains, l’acceptation de l’humiliation, les dénonciations, la collaboration dès les premières années de la guerre. Chacun est abandonné à son sort et il faut se méfier des autres, les allemands sont parfois plus arrangeants que les collègues ou les voisins. On est en guerre contre les allemands mais aussi et d’une manière qui fait froid dans le dos contre tous les français qui veulent garder leur confort et leur sécurité. Certains  sont prêts à tout pour ne rien perdre de leurs privilèges, d’autres laissent leur plus vils instincts s’épanouir.  Camouflée au milieu d’une débâcle indescriptible, dans un chaos hétéroclite de piétons et de véhicules de toutes sortes gênant le déplacement des troupes, l’ombre de l’âme se déploie et s’agrandit.

    « Pour soulever un poids si lourd
    Sisyphe, il faudrait ton courage.
    Je ne manque pas de cœur à l’ouvrage
    Mais le but est long et le temps est court. »

    En juin, lorsque les troupes allemandes s’approchèrent de Paris, les populations d’Île-de-France s’enfuirent à leur tour. Des bagarres eurent lieu pour pouvoir prendre les trains (trains d’abord de voyageurs puis devant l’afflux, réquisition de trains de bestiaux). Des millions de personnes s’exilèrent.  Le gouvernement français  s’était enfui de Paris dès le 11 juin 1940 pour gagner Bordeaux.

    exode

    L’exode de 1940 en France est une fuite massive de la population française en mai-juin 1940 lorsque l’armée allemande envahit la majorité du territoire national pendant la bataille de France, après la percée de Sedan. Cet exode est un des mouvements de masse le plus important du XXe siècle en Europe.

    C’est ce livre que j’aurais dû lire l’année de première au lycée lorsqu’on étudie la guerre 39-45.

    La guerre est une vermine qui contamine toutes les rives, elle n’épargne personne. La force qui permet d’avancer et de tenir bon est bien sûr au cœur de nous-même, lorsqu’on fait ce qui doit être fait. C’est à dire sauver les hommes des tyrans, des despotes, des lâches, de la souffrance.  Il ne s’agit pas ici de gagner des batailles avec des armes lourdes, il s’agit de vaincre la plus dure d’entre elles, la plus éprouvante, la plus sournoise, celle contre soi-même, celle contre la peur, celle contre nos faiblesses…

    Irène Némirovsky est une grande auteure qui ne se plaint jamais, qui peint avec ses mots et une lucidité étonnante et courageuse ce qui se passe sous ses yeux, alors qu’elle court un grand danger. J’aurais aimé la connaître et parler avec elle de sa passion pour la littérature. Je vais certainement lire ses autres livres.
    « Il la revit dans sa mémoire. Elle n’était pas laide, non, elle n’était pas laide. Au fond, c’était touchant, cet amour… Il le devait au prestige de ses livres, de son esprit rayonnant à travers les pages imprimées. »
    Avant d’entamer un nouveau livre de la liste du prix des lectrices,  je pense que je vais faire une pause et lire une BD ou un livre plus joyeux, plus léger. Mes nuits commencent à être difficiles,  il me faut des pages poétiques et douces…

    Mémoire à transmettre pour ceux qui ont connu et connaissent encore aujourd’hui le drame de l’intolérance
    — Denise Epstein