Catégorie : Publier

Interrogations sur les conditions de la publication

  • L’expérience de la lecture

    L’expérience de la lecture

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    Il y a quelques jours, j’ai écouté une interview de Brigitte Giraud, l’autrice qui a écrit « Vivre vite » prix Goncourt 2022, elle parlait de son travail d’éditrice, à l’époque où elle était chez stock.

    Ce qu’elle dit sur le rapport à la lecture me semble profondément juste. J’ai lu quelque chose d’assez similaire de J.M.G Le Clézio, qui était dans sa jeunesse lecteur dans une maison d’édition.

    « C’est une expérience unique et magnifique, lire sur manuscrit, c’est à dire un texte qui n’est pas contextualisé, qui n’a pas le poids de la publication et notamment le nom de la maison d’édition chez qui il est publié. On le lit comme quelque chose d’absolument vierge, ça m’a appris à lire autrement et à faire une véritable expérience du rapport à quelque chose de l’ordre de la nudité ou de la crudité. »

    Est-ce que les textes se sentiraient beaucoup mieux sans maison d’édition ?

    « C’est une question qui est essentielle à mon avis. J’ai souvent pensé à cette chose là, de me dire comment les lecteurs, ou plutôt les professionnels que sont les libraires, mais que sont aussi les journalistes, aborderaient des textes sous une couverture blanche. C’est à dire qui n’est pas déjà désigné par un type de catalogue et donc de filiation proposée par une maison d’édition. Mais j’irai encore plus loin que cela. L’expérience la plus intense et la plus radicale de lecture, c’est celle aussi d’un texte qui ne serait pas marqué par le nom de son auteur, dont on ne saurait pas si c’est un premier roman ou si c’est le Xe roman d’un auteur qui est déjà très remarqué ou par la presse ou par les libraires ou par les lecteurs. Et c’est vrai que l’expérience de lecture est radicalement différente. »

  • La lecture, pour tous

    La lecture, pour tous

    Je remarque qu’au-dessus de l’article du Figaro, que je partage ci-dessous, il y a une bande audio pour les dyslexiques et les malvoyants. Un progrès nécessaire. Certains me disent encore préférer le livre papier au livre numérique, c’est comme ils veulent tant qu’ils ont de bons yeux. Il faut quand même savoir que grâce au epub 3 (format de livre numérique) les dyslexiques ont droit à une police de caractères qu’ils peuvent lire et les malvoyants à une lecture avec l’aide d’une voix synthétique ou une traduction en braille, donc la possibilité de lire la production littéraire comme tout le monde. Le progrès a ses dérives et ses avantages, pour eux c’est un réel avantage, une ouverture au monde, des découvertes, un véritable accès à la lecture.


    « Il faut que les Français renouent avec la lecture »

    « Tous les deux ans depuis dix ans, notre baromètre sur l’évolution des pratiques montre que l’on consacre de moins en moins de temps à la lecture. En 2022, l’étude « Les jeunes Français et la lecture » (Ipsos) a dévoilé que ceux qui ont entre 7 et 25 ans passent en moyenne 4 heures par jour devant un écran, alors qu’ils ne lisent pas beaucoup plus de 3 heures par semaine. De plus, 47% font souvent autre chose en même temps, comme envoyer des messages, aller sur les réseaux sociaux ou regarder des vidéos. Sans pour autant nier l’importance des écrans, nous voulons changer cette tendance. »

    Quels sont les bienfaits de la lecture, selon vous ?

    En ce qui concerne les effets produits par le « quart d’heure de lecture » en classe, les enseignants s’accordent à dire que cela permet aux élèves de se détendre, de développer l’envie de lire, le plaisir, et de stimuler la mémoire. Je pense que c’est le cas à tout âge. Personnellement, le livre a toujours occupé une place importante dans ma vie. Nous entretenons tous une relation personnelle à la lecture. Dans mon cas, il s’agit de la seule chose qui m’apaise et sur laquelle je puisse me reposer. C’est ma colonne vertébrale, en somme.

    Régine Hatchondo, présidente du CNL, interviewée dans Le Figaro.

    Un entretien à découvrir

  • La plupart des livres finissent en rouleaux de papier toilette !

    La plupart des livres finissent en rouleaux de papier toilette !

    Comment éviter qu’un livre sur quatre soit détruit ?

    Cette proportion est même beaucoup plus importante pour le livre « noir » – sans images : romans et essais — puisqu’elle peut représenter jusqu’à 50% voire 80% pour certains romans de la rentrée littéraire.

    Des solutions ?

    1. L’impression à la demande
    2. Le livre numérique. D’autres solutions pour éviter de massacrer les forêts inutilement ?
    3. On broie des livres pour faire du papier recyclé. Mais peu de livres sont imprimés sur du papier recyclé car les consommateurs n’en veulent pas. Dommage non ?

    Les réflexions intéressantes relevées dans l’article…

    Que faire ?
    De nombreux éditeurs donnent à des associations : Bibliothèques sans frontières, RecycLivres, le festival annuel « Partir en Livres » (fête du livre pour la jeunesse), le mouvement « Lire et faire lire ».

    Donner ? À qui ?

    • En premier lieu, il faut que l’offre rencontre la demande, ce qui n’est pas évident. « Rien ne sert d’envoyer en Afrique des livres qui ne seront pas lus car ils ne correspondent pas aux programmes scolaires ou aux besoins locaux. »
    • Les bibliothèques ? Elles recherchent des ouvrages en bon état. « Trier pour elles représente un coût pour les éditeurs qui, de surcroît, tueraient le marché commercial en donnant gracieusement des livres à des clients habituels. »

    Aux SDF et migrants
    Ce qui suppose un lourd travail avec les éditeurs et pose deux questions principales : l’obstacle de la langue (la plupart des migrants ne lisent pas le français) et le coût. En effet, il ne faut pas perdre de vue que l’édition est une industrie qui a du mal à être rentable, quand elle ne joue pas tout simplement sa survie.
    via Comment éviter qu’un livre sur quatre soit détruit

  • Le risque de la publication

    Le risque de la publication

    22 Septembre – C’est l’automne

    feuille d'automne

    Après des jours de cueillette, pommes et poires bien alignées au fond de la remise vont finir de mûrir tranquillement pour adoucir le temps de l’hiver. En attendant elles parfument les premiers beaux jours de l’automne.

    Un petit bilan par rapport à mes articles précédents concernant l’écriture de mon premier roman qui est en cours d’aboutissement, d’accomplissement. Il faut être sûr que les personnages aient tout dit d’eux-mêmes.

    Ce bilan parce qu’à un moment j’ai soulevé l’idée de le publier en roman-feuilleton… L’idée me plaît toujours mais pour le texte qui accapare mes jours et mes nuits depuis un an, je ne sais pas si c’est possible. Le découpage me pose quelques problèmes.

    À ce jour, j’écris à la main, puis à l’ordinateur
    Je rature la première version, la seconde, la troisième, parfois la… etc.
    Ce sera 120 fois s’il le faut !

    Arranger, bidouiller, rafistoler… À la troisième version, munie d’un crayon, je relis mon texte, qui a déjà été corrigé, et je supprime tout ce qui peut être supprimé, tout ce qui me paraît inutile. J’essaie d’éliminer ce qui n’est pas essentiel.

    […] j’essaie de ne pas céder à l’ornement…
    J’ai le sentiment de pétrir une pâte très épaisse.

    Marguerite Yourcenar

    Enfin, je tape la dernière correction sur l’ordinateur et lorsque je pense avoir dit tout ce que j’avais à dire, que je l’ai dit aussi bien qu’il m’est possible, je fais une croix en haut à droite, prêt pour la compilation. Quand on passe de nombreux mois avec des créatures imaginaires on se prend d’affection pour elles. On se met à l’écoute de leurs  voix, on se rend disponible pour elles, ont-elles encore des choses à me dire ? On a un peu de mal à les quitter. Elles ont été si proches et durant tant d’heures…

    Le passage de l’écriture à l’œuvre…

    Publier c’est ancrer socialement son écriture et donc, d’emblée, réfléchir au lieu où le texte sera publié.

    Une question que je me suis sérieusement posée, d’autant que cet été  j’ai eu quelques frictions avec Amazon qui jusque-là diffusait mes livres jeunesse ; mais également parce que j’ai expérimenté les marchés d’été et que le résultat m’a réjoui (pas seulement en terme de vente mais plutôt de rencontre, de proximité avec le lecteur).

    Le retravail du texte s’opère « aussi » en fonction du lieu où le texte va arriver, soit pour le déranger, pour l’atteindre, le toucher… Tant qu’on ne publie pas on peut se permettre de rester dans les nuages, de jouer avec les mots, les règles, les contraintes pour le plaisir — pour son propre plaisir. « Mais dès qu’on publie, le sens du texte devient pouvoir, sur l’autre, sur l’institution, sur le monde. »

    La publication effective est le moment du risque…

    Lorsqu’on se risque à écrire – à dire – il faut passer au risque d’être entendu.

    Publier c’est prendre le risque de l’identité, en finir avec la dispersion – les brouillons, les essais, les notes – c’est s’oser entier.

    Il est important que dans un monde qui nous bombarde de textes à admirer, de vedettes à aduler, de pouvoir accomplir jusqu’au bout un acte qui semble presque inaccessible. Rien de plus efficace pour démystifier la littérature – et par conséquent l’aimer – pour organiser le pillage (c’est à dire non plus consommer la culture, l’ingérer passivement, mais la mettre en pièce pour en faire autre chose, pour la subvertir).

    La publication installe une rivalité dynamique qui met fin aussi bien à la fascination impuissante qu’au rejet des livres.

    J’espère en être capable et mettre bientôt ce roman en ligne. J’ai déjà publié des textes pour la jeunesse ainsi qu’une nouvelle, le temps de l’écriture avait été plus court, la proximité avec mes personnages moins intense, en même temps je ne suis plus si sûre.

    Avec Grinngrinn, le petit cochon dont j’ai commencé de raconter l’histoire il y a quelques années, il y a eu de nombreuses transformations.

    Ce petit animal – fidèle en amitié – a existé sous diverses formes, un conte raconté (oralement), un Diapolivre (kamishibaï vidéo), un CD audio, et bientôt un livre… C’est devenu un ami, qui a d’ailleurs toujours autant de succès avec les enfants. Dans la vie nos expériences, nos rencontres se mélangent. On peut avoir de la sympathie pour des êtres vivants, mais aussi pour ceux qui naissent de notre esprit. Ils sont si proches… Avec Trilby le petit escargot du potager sauvage parti en exposition itinérante, même constat, c’est un ami pour toujours. Pour Mathurin et Suzon dans « Mathurin et les sentinelles du temps » même cheminement, c’est une histoire racontée dans la tradition orale, puis en CD audio et enfin en livre, des personnages qui ne me quitteront jamais… Sans compter tous ceux qui attendent sagement dans mes tiroirs.

    Ce roman qui accapare mes jours est un voyage différent, beaucoup plus long dans le temps, c’est un ouvrage plus ample, plus prenant. L’attention est à son maximum « Quand on écrit sur un personnage de roman, il faut en savoir infiniment plus qu’on en dit. » Toujours la comparaison de la pointe de l’iceberg.

    iceberg
  • Ayez le courage de lire les « AUTRES » auteurs !

    Ayez le courage de lire les « AUTRES » auteurs !

    Quand je vois à la rentrée tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu’ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bon qu’à se vendre au kilo.[…] Le pire ce sont les livres-express, les livres d’actualité : sitôt commandés, sitôt écrits, sitôt imprimés, sitôt télévisés, sitôt achetés, sitôt retirés, sitôt pilonnés. Les éditeurs devraient inscrire à côté du prix la date de péremption, puisque, ce sont des produits de consommation.

    Sophie Divry, La côte 400

    Ci-dessous l’extrait d’un article de Catherine Serre paru en juin 2016 sur Diacritik. Une chronique que j’ai beaucoup appréciée l’an passé, et que je me fais un plaisir de partager au moment de la rentrée.

    La littérature n’assume pas – en discours – d’être un produit de consommation, comme, par exemple, de reconnaître qu’elle a troqué son idéal littéraire contre un idéal marchand et qu’elle se formate aux lois du marché en standardisant ses genres selon des sujets formatés comme en paupérisant les formes narratives de son écrire.
    D’évidence, il y a une obéissance, pour ne pas dire une soumission, peut-être une forme de compromission nécessaire, obligée, contrainte de la littérature au marché, parce que la littérature qui n’épouserait pas ces standards et ces formats se donnerait moins de chance de se vendre, et donc de perdurer.

    Et si le style vivait ailleurs ? Ailleurs que dans le mainstream qui a vendu son style au diable et ailleurs que dans l’amateurisme qui se prend pour écrivain.

    Ayez le courage d’aller chercher les « autres » auteurs, ceux qui ne sont ni les vendus d’une littérature qui a perdu son âme ni les promoteurs de leurs anecdotes, ceux qui ont un projet littéraire, une vision de la création, une implication pour une langue qui secoue l’asservissement, un courage tous les jours de vivre pour une littérature riche, exigeante, fruit d’un énorme travail.

    La musique a su nommer ses styles, peut-être cela lui assure-t-il la reconnaissance possible d’une diversité à travers une multitude de productions. On ne reproche pas à un musicien de trouver de nouvelles voies de diffusion. Il est facile en musique de séparer talent et diffusion. Un mouvement inverse est même à l’œuvre, quitter Universal est devenu un titre de gloire.  Un peintre peut exercer et vendre depuis son atelier sans passer par une galerie.

    Rien de tel en littérature. Pourquoi ? Si le grand éditeur ne vous choisit pas, vous n’êtes rien. Si le grand vous lâche vous devenez moins que rien, si vous gardez le petit, vous n’existez pas.

    Il ne s’agit pas de dire que tout est bon dans la production indépendante (ce serait naïf), mais il est nécessaire de s’y perdre un peu pour y trouver de nouveaux repères, d’y exercer un œil critique qui accepte d’y lire la langue autrement, de détecter ce qu’on n’y cherche pas forcément, la trace ou l’évidence du style ou au contraire ce qu’on y déteste mais y exercer une présence active, à la découverte. Un peu de constance sera bien utile, car l’abandon par oubli serait tout aussi injuste que la découverte par engouement. Il faut suivre les auteurs et leurs évolutions. Devenir fidèle, garder un regard large et s’affranchir des genres.

    Explorez les genres et prenez le risque d’analyser les langues qui y sont à l’œuvre, transmettez vos découvertes, soyez ouverts et accompagnez les auteur.e.s qui créent un style et une langue vibrante en prise avec l’histoire.

     

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  • Un monde sans auteur.e ?

    Un monde sans auteur.e ?

    […] Une vente moyenne d’un roman en France est (tous éditeurs confondus) autour de 350 livres. A partir de 1 000 exemplaires, vous pouvez être heureux, à 5 000 c’est le succès, vous pouvez envisager une édition en poche. Vous avez alors gagné 5 000€.

    Je me demande comment évoluerait le monde si on supprimait toutes les histoires ? Romans, BD, Contes, Poèmes, etc. Pas utile les auteurs.es ?
    L’article en lien ci-dessous, parle des édités plutôt que des auto-édités. Son intérêt ce sont les chiffres dévoilés.
    Personnellement j’ai fait les marchés cet été et j’ai vendu mes livres, avec un « plus », j’ai rencontré les lecteurs et l’échange était plutôt agréable. Je suis auto-éditrice, je travaille en micro-entreprise. De toute évidence, c’est le meilleur choix — si on n’est pas une vedette des prix littéraires et Parisiens.

    J’ai mon idée sur l’affaire, à la fin de l’article ils parlent du deuxième métier – obligatoire – de l’écrivain, en prenant des exemples d’auteurs reconnus, surtout d’auteurs disparus, ils oublient tout de même que l’époque a beaucoup changé, les conditions de vie, le monde du travail, etc.
    Ou je veux en venir ? L’écriture est un travail, un travail acharné si on veut aboutir à un résultat digne de ce qu’on nomme un bon livre. La mise en forme est également une partie non négligeable du travail, et que dire de la vente. Être auteure c’est être créateur au même titre qu’un artisan, un artiste peintre ou un musicien ; pourquoi ne parle-t-on pas de second métier pour eux ? Beaucoup moins souvent me semble-t-il…

    Souvent la plume a remplacé l’épée ! Des vers chantés ou lus ont soulevé des foules ! Dans l’ombre, les poèmes furent et sont encore une manière de résister à l’occupation, à la répression, à toutes les formes d’oppression.

    L'inspiratrice

    J’aime les mots, résistance, indépendance ; j’aime le matin, lorsque après un café chaud, je m’engage dans la petite allée bordée d’arbres — qui veillent généreusement sur nous — pour travailler dans notre petite fabrique d’éditions, même si les revenus oscillent et penchent parfois dangereusement vers le bas… Vivre, n’est-ce pas prendre des risques ?

    […] au dernier salon d’Angoulême, l’association des Etats généraux de la BD a d’ailleurs divulgué les résultats de son enquête annuelle, montrant que 53% des répondants ont un revenu inférieur au Smic annuel brut, dont 36% qui sont en dessous du seuil de pauvreté (et c’est pire pour les femmes !)

    Je suis de la race de ceux qu’on opprime

    Aimé Césaire

    Sténographe de la Vie. – C’est tout ce que je veux que l’on inscrive sur mon monument (ma croix !) – Seulement, Vie avec majuscule, impérativement. Si j’étais un homme, j’aurais dit : de l’Être.

    Marina Tsvetaieva


    *L’article en lien : COMBIEN GAGNENT LES AUTEURS ?