Je ne sais plus depuis combien de temps j’avais perdu le sentiment de ce qui se passait autour de moi lorsque tout à coup je fus tirée de mon sommeil par des voix et un éclat de rire. J’ouvris de grands yeux étonnés… C’est ainsi que je fis la connaissance des « échotiers » de la gazette et d’un ravissant potager en pleine ébullition ; ils se préparaient pour la grande course du Mont Potiron.
Un avant-goût des aventures de nos petits amis avant la création du livre… Dessins des échotiers de la gazette :Sylvano Bulfoni Histoire de la course du Mont Potiron :Marie an Avel Montages graphiques : Marie an Avel
J’ai cru autrefois qu’il en était de la tâche écrite comme des autres besognes ; déposé l’outil, on s’écrie avec joie : « Fini ! » et on tape dans ses mains, d’où pleuvent les grains d’un sable qu’on a cru précieux… C’est alors que dans les figures qu’écrivent les grains de sable on lit les mots : « À suivre… »
— Colette, Le Fanal bleu
Je m’assois à ma table pour écrire, et au lieu de plonger dans le chapitre suivant, je relis les chapitres précédents et je décide bien sûr que tel paragraphe dans tel chapitre pourrait vraiment être amélioré ; je réécris donc la page, ce qui m’oblige parfois à réécrire la page suivante voir la précédente… J’introduis des ajouts, je cherche des synonymes parce que je trouve que dans telle page les mots ont tendance à se ressembler, je développe tel passage, je corrige la ponctuation — ma bête noire —, je rends la prose plus rythmée.
Mes feuilles sont couvertes de gribouillis, de dessins, je transfère certains passages sur mon ordinateur pour y voir plus clair. Lorsque je relève la tête, je m’aperçois que des heures ont passé ; je suis allée de la page 99 à la page 99 et demie, alors que je devrais être en train finir le dernier chapitre page 214. Je regarde par la fenêtre le lapin qui fait la sieste en plein soleil, la faisane qui a gonflé ses plumes pour se tenir chaud, je rêve, parfaitement heureuse, je relis les petits papiers qui décorent mon mur, mes anges gardiens ont toujours des mots qui me rassurent.
Vieille fable et conte de fée… Les amoureux et les fous ont des cerveaux bouillonnants, des fantaisies visionnaires qui perçoivent ce que la froide raison ne pourra jamais comprendre.
Comme on me le rappelle gentiment, j’ai en effet écrit un article en octobre nommé « J-quelques jours » qui annonçait la publication de ma deuxième nouvelle illustrée. J’aurais dû annoncer « J-quelques mois », sauf qu’à ce moment en toute sincérité je ne savais pas que je me ferais enlever par les protagonistes de l’histoire. Au fil des mots et des jours, je me suis enflammée pour cette fiction, pour les personnages qui l’habitent— ils ont pris ma plume d’assaut.
De « Nouvelle » cette histoire est devenue « Novella » et j’arrive aujourd’hui sur les derniers chapitres de ce que je pense être un roman. Pas un roman fleuve ni une trilogie ni un volume si épais qu’il vous faudrait une valise pour l’emporter, un roman qui pourra tenir dans la poche d’une modeste veste et vous accompagner sur votre chemin quotidien ; peut-être un rien intrépide et bruyant, les protagonistes de l’histoire n’ont pas leur langue dans leur poche et sont bien décidés à se faire entendre — je peux vous le révéler ce soir cette fiction est saupoudré d’un peu de poudre magique de la fée des Rives.
La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille… Entre boulot, événements mondiaux et nationaux assez bouleversants, papiers et factures à régler en fin d’année, enfants réclamant soudain une oreille attentive de ci de là, compagnon et chien cherchant compagnonne pour les accompagner sur les chemins de l’aube, les heures ont passé, les semaines, presque trois mois maintenant. Merci de me le rappeler et mille excuses à celles et ceux qui m’ont envoyé des messages chaleureux me disant que la mise en ligne de cette prochaine publication les rendait impatients.
Je pense ne pas dire de bêtise en annonçant la publication du roman pour l’année 2018/19. Je quitte l’île quelques jours pour une petite virée en famille. Ensuite, à nouveau relectures et corrections, puis relectures et corrections, etc. Puis mise en ligne sous format eBook et papier, encore des mois de travail.
Publication à venir… Keep cool !
A propos, j’avais également dit que je ferai un bilan de mes lectures sur liseuse — Il faut que j’arrête de m’engager comme ça — sauf que là je suis dans les temps puisque j’avais annoncé l’article pour la fin de l’année. Si cela peut aider quelqu’un dans sa décision ou son indécision c’est avec plaisir que je l’écris, surtout que j’apprécie beaucoup cette petite bibliothèque de poche ambulante — au moment de boucler les valises je me réjouis de ne pas avoir à transporter mon paquet habituel de livres, livres à peine ouverts puisque pendant les vacances en famille (celles de Noël en particulier) je n’ai jamais le temps de me poser longtemps pour lire. Ma liseuse avec des lectures en cours et celles en attente ne sera qu’un léger poids dans mon sac, mais une présence rassurante et disponible au cas où se pointerait un moment opportun pour faire quelques pas entre les pages…
Sans la maison, l’homme serait un être dispersé. Elle maintient l’homme à travers les orages du ciel et les orages de la vie. Elle est corps et âme. Elle est le premier monde de l’être humain. Et toujours en nos rêveries, la maison est un grand berceau.
— Gaston BACHELARD, La Poétique de l’espace
De nombreux livres, réclamés par les petits, sont très variés et ont pourtant ce point commun : une maison est présente.
Ma petite maison 1, 2, 3, ma petite maison en noix 4, 5, 6, ma petite maison en réglisse 7, 8, 9, ma petite maison en œuf
La maison toute ronde
J’ai une maison toute ronde
Avec un escalier
Si vous voulez la visiter
Bougez les pieds
Une fois dans la cuisine
Des gâteaux, des tartines
Si vous voulez vous régaler
Claquez la langue
Filons dans le grenier
La sorcière croque des limaces
Si vous ne voulez pas en manger
Faites une grimace
Allons dans le jardin
Une tortue, des lapins
Si vous voulez lui faire des câlins
Bougez les mains (bis)
La première image, que je nomme « l’article en ligne », représente une personne qui tape sur un clavier face à un écran. Après avoir appuyé sur la touche entrée et cliqué sur le bouton de publication, son texte devient instantanément accessible à tous. Elle est ancrée dans l’instantanéité, la rapidité, la modernité, la course contre la montre. Elle est convaincue que sans la publication hebdomadaire d’un article, elle sera oubliée et perdra sa visibilité.
La seconde image, que je nomme « l’écriture à la plume », représente une personne qui écrit avec un stylo plume, (cela pourrait être une plume trempée dans un encrier). Elle prend son temps, elle est calme, appliquée et très concentrée. Elle trace un mot après l’autre, les sculptant avec soin, et la plume qui glisse sur le papier lui murmure un chant qui la rassure et l’apaise. Si le vent est assez fort en fin de semaine ou de mois (après de nombreuses heures passées à forger les mots de son histoire), elle peut laisser sa feuille s’envoler ; si quelqu’un passe à l’improviste, il peut y jeter un coup d’œil ; si elle rend visite à des amis, elle peut leur lire un extrait autour d’une tasse de thé. Une, deux, dix, quinze personnes, tout au plus, liront son texte. Qu’importe ! Elle l’a écrit, achevé, offert et partagé. C’est tout ce qui compte pour elle.
En ce moment je vis avec les outils de la première image tout en étant ancré dans le temps de la seconde. Je trace des mots, invente des situations, tisse les phrases que me soufflent mes personnages, je compose des parties, des chapitres, je rature, je gomme, je trie une, deux fois, etc. J’efface, je rédige à nouveau, je peaufine. Les heures s’étirent et le monde extérieur s’efface pour quelque temps. J’essaie de retrouver le chant apaisant de la plume même lorsque je me sers du clavier, il m’ouvre des portes qui demeureraient cachées dans le tumulte intrépide et bruyant d’internet et des médias.Enregistrer
En la relisant dix jours après l’avoir publiée j’ai envie de changer quelques mots. Apprendre à lâcher prise, un vaste programme. Pour cette histoire j’avais envie de développer certains rapports entre mes personnages mais si j’avais laissé faire mon imagination je ne l’aurais probablement pas encore terminée.
J’ai pris goût au texte court. Je trouve assez plaisant d’écrire dans la rapidité, l’émotion à vif. Ce genre littéraire qui oblige à une concentration de l’histoire et qui permet de jouer sur la surprise, avec la chute rapide, m’a enchantée. J’adhère totalement à l’analyse qu’en fait Charles Baudelaire : « Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité« .
Baudelaire, traducteur d’Edgar Allan Poe a proposé cette analyse de la nouvelle :
Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité.
Durant l’été j’ai relu « Le K » de Dino Buzzati, ses histoires sont vraiment remarquables, j’ai aussi découvert le livre de nouvelles « La première gorgée de bière » de Philippe Delerm et je me suis demandé si j’allais continuer d’écrire tant j’ai trouvé leurs textes magnifiques. J’ai également lu « Le carnet rouge » de Tatiana de Rosnay, une lecture facile et rapide, on rit parfois de bon cœur, parfois en crispant les lèvres. Ce n’est pas aussi poétique que les nouvelles de Philippe Delerm mais le sujet ne se prête pas beaucoup à la grâce.
Il y a deux ans j’ai commencé à travailler sur le manuscrit d’un roman qui me tient toujours à cœur mais que j’ai laissé tomber de nombreuses fois pour différentes raisons, peut-être parce que la forme que j’ai donnée à l’histoire ne me convient pas. Avec le roman, c’est comme si mes personnages m’emportaient toujours plus loin sans que je puisse les arrêter. Cet été j’ai remarqué que le fait d’être obligé de rendre le manuscrit à une date précise, de savoir qu’il sera lu par plusieurs personnes en dehors de mes connaissances, qu’il sera peut-être publié en ligne ou en papier, a modifié mon rapport tendu avec l’autodiscipline. Un auteur doit savoir s’isoler même quand le soleil brille et que les rires des amis traversent les murs, il doit se concentrer, se relire, se corriger, surmonter ses doutes, son perfectionnisme parfois excessif. (Vision personnelle.)
Avec le genre littéraire de la nouvelle je n’ai pas ressenti les difficultés de la même façon. Je dirais même que l’idée de mettre le point final assez rapidement à chacune de mes histoires a décuplé mon envie d’écrire. D’ailleurs, je vous laisse et je repars sur ma troisième nouvelle qui je dois dire me plaît beaucoup, l’ambiance y est plus légère et plus drôle que dans mes précédentes fictions. Il fallait peut-être que je lâche du leste pour en arriver là.