Pour soulever un poids si lourd Sisyphe, il faudrait ton courage. Je ne manque pas de coeur à l’ouvrage Mais le but est long et le temps est court. — Irène Némirovsky
Quels sont ces bruits sourds ? Écoutez vers l’onde Cette voix profonde Qui pleure toujours Et qui toujours gronde, Quoiqu’un son plus clair Parfois l’interrompe… Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Comme il pleut ce soir ! N’est-ce pas, mon hôte ? Là-bas, à la côte, Le ciel est bien noir, La mer est bien haute ! On dirait l’hiver ; Parfois on s’y trompe… Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Oh ! marins perdus ! Au loin, dans cette ombre Sur la nef qui sombre, Que de bras tendus Vers la terre sombre ! Pas d’ancre de fer Que le flot ne rompe. Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Nochers imprudents ! Le vent dans la voile Déchire la toile Comme avec les dents ! Là-haut pas d’étoile ! L’un lutte avec l’air, L’autre est à la pompe. Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
C’est toi, c’est ton feu Que le nocher rêve, Quand le flot s’élève, Chandelier que Dieu Pose sur la grève, Phare au rouge éclair Que la brume estompe ! Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Me voici partie dans le feu de l’histoire. L’exode de juin 1940. Je découvre cette auteure, et bien que le sujet ne m’enthousiasme pas énormément, par respect pour le vécu de cette femme j’irais certainement jusqu’au bout du livre. Quand je dis que le sujet ne m’enthousiasme pas, c’est à propos de la guerre, de cette guerre 39-45 qui nous poursuit, dans les études et bien après. Je n’oublie pas l’émotion dans laquelle m’avait plongé « Le journal d’Anne Franck » pendant mes années de collège. Peut-être ai-je encore des choses à découvrir sur cette page de notre histoire qui soulève toujours des questions. Je suis française et même si je ne me sens pas coupable des erreurs de mes ancêtres, je m’interroge sur l’humanité, sur ses réactions dans les moments les plus difficiles de notre existence. En tout cas, je me réjouis de cette rencontre avec cette femme passionnée de littérature avec qui j’aurais pu partager cette passion commune. Je sais déjà aux premiers mots lus qu’elle va m’emporter dans sa suite …
Notes manuscrites d’Irène Némirovsky relevées dans son cahier
Mon Dieu ! Que me fait ce pays ? Puisqu’il me rejette, considérons-le froidement, regardons-le perdre son honneur et sa vie. Et les autres que me sont-ils ? Les Empires meurent. Rien n’a d’importance. Si on le regarde du point de vue mystique ou du point de vue personnel, c’est tout un. Conservons une tête froide. Durcissons-nous le cœur. Attendons.
Quelques brèves questions ….
Ce qui importe avant tout c’est l’œuvre, mais ici le contexte est important. Un aperçu rapide de sa naissance et du moment de l’écriture du livre.
Qui est-elle ? D’où vient-elle ?
Irène Némirovsky est originaire de Kiev, née en 1903 dans une famille de financiers juifs russes. Son père, Léon Némirovsky, était un des plus riches banquiers de Russie. 1914, Les Némirovsky s’installent à Saint Pétersbourg. Malgré l’excellence de ses précepteurs, Irène sera une enfant malheureuse et solitaire, ses parents portant peu d’intérêt pour leur foyer. Elle adore néanmoins son père, toujours pris par ses affaires ou par le jeu au casino. Presque haïe par sa mère, ainsi que l’évoqueront plus tard ses livres tels que Le Bal, Le Vin de solitude ou Jézabel, Irène trouve quelque refuge dans l’écriture et la lecture. Dans sa jeunesse, elle viendra très souvent en France avec ses parents, quittant chaque été l’Ukraine pour Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye ou la Côte-d’Azur, lorsque ce n’était pas la Crimée.
Elle apprend le français avant de connaître le russe. Mais lorsque la révolution éclate dans le pays en 1917, Léon Némirovsky préfère éloigner sa petite famille du pays en crise et s’installe en France en juillet 1919. Irène reprend alors brillamment ses études et décroche en 1926 sa licence de lettres à la Sorbonne.
Pourquoi ce livre ?
En 1938, Irène Némirovsky et Michel Epstein son mari, se voient refuser la nationalité française, mais n’envisagent toutefois pas l’exil, persuadés que la France défendrait ses juifs. Ils préfèrent toutefois envoyer leurs deux filles dans le Morvan. Lâchée par ses amis et son éditeur, Irène porte l’étoile jaune. Elle rejoint, accompagnée par son mari, ses deux filles dans le petit village où elles étaient cachés. C’est là qu’Irène Némirovsky rédigera le récit de Suite française, persuadée qu’elle allait bientôt mourir.
En 2004, Denise Némirovsky découvre au fond d’une malle le manuscrit inachevé de Suite française, qui raconte, entre autres, l’exode de juin 1940, faits de lâchetés et de petits élans de solidarité. Elle se décide à le publier, et le roman a la surprise de se voir consacré du prestigieux prix Renaudot. Surprise, car c’est la première fois dans son histoire que le prix est remis à un auteur disparu. Mais ce n’est que justice quand on sait que jamais Irène Némirovsky n’avait été distinguée de son vivant.
Sá sem ekki lifir í skáldskap lifir ekki af hér á jörðinni. Halldór Laxness, Kristnihald undir Jökli. « Celui qui ne vit pas en poésie ne saurait survivre ici-bas. »
— Jón Kalman Stefánsson, Traduction : Régis Boyer
Nous vivons au fond d’une cuvette : le jour s’écoule, le soir se pose ; elle s’emplit lentement de ténèbres, puis les étoiles s’allument au-dessus de nos têtes où elles scintillent éternellement, comme porteuses d’un message urgent, mais lequel et de qui ? Que veulent-elles de nous et peut-être surtout : que voulons-nous d’elles ? J.K Stefánsson
Résumé
Le gamin, la mer et le paradis perdu
Il y a plus d’un siècle en Islande, dans un baraquement au fond d’un fjord, sont réunis pendant la saison de pêche à la morue des hommes qui vivent de la mer. Dans ce monde rude presque uniquement masculin, « Le gamin » et son ami Bárður font figures d’exceptions, ils partagent une passion commune pour les livres. Dans cet univers de ténèbres, ces deux là ont trouvé quelques rayons de lumière. Il y a Andréa la cantinière qui donne un peu de tendresse et de chaleur aux jours passés à terre. Sigria, la jeune femme que Bárður aime et dont la présence, même en rêve, adoucit les projets d’avenir. Les livres, remplis de ces mots qui réenchantent la vie et qu’ils vont chercher au village chez un vieux capitaine aveugle. Et puis leur amitié sincère qui les maintient à la surface et les empêche de se noyer. Des petits passages de Paradis que Bárður et « le gamin » protègent pour éloigner l’enfer d’une vie sans passion ni bonheur.
Les mots sont ses compagnons les plus dévoués et ses amis les plus fidèles, ils se révèlent pourtant inutiles au moment où il en aurait le plus besoin.
Une nuit de pêche, dans la modeste barque qui fait face à des éléments gigantesques, sous des latitudes extrêmes où le froid ressemble à l’enfer, Bárður qui a pris le temps d’apprendre un court passage du « Paradis perdu » de Milton tant ses mots résonnent dans son coeur découvre horrifié que ce temps de lumière volé à l’ombre pesante de leur quotidien de pêcheur lui a fait oublier sa vareuse ..
S’en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie d’ombre
Sur toute chose
Tombe le silence
Ce que j’en pense :C’est un livre profond, de ceux que l’on ne peut oublier. L’écriture est belle, limpide, poétique, elle nous emporte avec puissance sur cette île de l’Atlantique qui n’est peut-être pas si lointaine. Les pensées qui traversent les personnages tout au long du livre, même si cela se déroule il y a un siècle, sont tellement communes aux nôtres. L’enfer et le paradis, le ciel et la terre, et nous au milieu avec nos espoirs et nos craintes.
Ils avancent à vive allure, livrant contre les ténèbres une course tout à fait bienvenue puisque l’existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l’espoir subsiste.
J’aime les mots que l’auteur a choisi pour décrire les paysages froids d’Islande, la grande falaise déchiquetée, les routes suspendues, l’infranchissable, les montagnes noires comme du charbon qui s’avancent saillantes et sombres, la mer verdâtre à trente mètres, il connaît bien l’âme de son pays et ses phrases dessinent le paysage avec tant de précision qu’elles donnent parfois le vertige. J’aime les rêves de Bárður, il rêve d’études, rêve de Copenhague, où il y a des tours et d’innombrables rues dans lesquelles se perdre, il rêve d’accomplir de grandes choses car sinon, pourquoi diable vivons-nous ? J’aime les incertitudes du gamin, sa timidité, son manque d’assurance. Les hommes lèvent les yeux, le toisent et, alors, voilà que se produit cette chose insupportable , cette chose pour laquelle il se méprise, la timidité balaie sa douleur et son deuil, lui ôte toute pensée, il n’est plus qu’embarras, manque d’assurance… ces sentiments sont si semblables aux nôtres.
L’histoire qui se passe sur une île somptueuse et hostile à la fois, les portraits magnifiquement esquissés, le verbe baigné de poésie et de justesse font de ce roman un grand moment de littérature. Il nous interroge sur le sens de la vie. Ce n’est pas par hasard si l’auteur met dans les mains de Bárður « Le Paradis perdu » de Milton car il n’a de cesse de mettre en scène la dualité paradis/ enfer à travers tout le livre. J.K Stefánsson nous raconte la vie des pêcheurs de morue, les assauts répétés des éléments infernaux qui les entourent lorsque la mer se creuse et que le vent fouette leurs corps et les malmène, puis il nous décrit le moment de la tartine trempée dans le café chaud prés du poêle sous le regard bienveillant d’Andréa, et l’on comprend alors que ce moment vaut toutes les images de paradis. J’aime les instants de paradis qu’il suggère car ils sont simples et à la portée de tous. Où est l’enfer ? Est-il cette mer déchaînée qui veut les faire chavirer, ce vent fort et rempli de bourrasques de neige qui bourdonne et s’acharne sur eux, ce froid qui va glacer le coeur de Bárður ? Est-il cette flamme figée dans les yeux des hommes assis à ses cotés tandis qu’il se meurt, est-il cette absence de regards compatissants et solidaires alors que le souffle de la vie l’abandonne. S’est-il déjà frayé un chemin dans l’âme de ses compagnons si acharnés dans leur travaux de pêche qu’ils ne feront pas demi-tour assez vite pour le sauver, tenter de le sauver…
L’enfer n’est-ce-pas encore et toujours les hommes ?Je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’aurait été la vie de Bárður, auquel on s’attache très vite, si les pêcheurs avaient décidé que sa vie avait plus de valeur que la morue à rapporter. Cette pêche est-elle si vitale qu’ils doivent lui sacrifier une vie ? Sa passion des mots lui a fait commettre une erreur redoutable en oubliant sa vareuse mais doit-il le payer si cher ? Pour moi, à cet instant de la lecture les ténèbres qui me faisaient frémir à travers l’hostilité du paysage changent de visage et deviennent encore plus hideuses dans le manque de solidarité et de chaleur des hommes. Car ce qui lui est fatal ce n’est ni sa passion pour la poésie, ni l’oubli de la vareuse, c’est surtout l’absence de réaction des hommes qui ne se retournent pas assez vite pour inverser le destin. Seul, mais cela il l’est déjà depuis longtemps « le gamin » restera lumineux et fera tout ce qu’il peut pour le sauver.
« Le gamin », un ange perdu dans un nuage de ténèbres épaisses, qui devra chercher un passage vers la vie…
Pourquoi la vie en éprouve t-elle certains plus que d’autres ?
Dans la deuxième partie du livre, on suit le jeune garçon dans son initiation, qui nous emporte au cœur du pays, plus loin dans les terres. Nous entrons dans le village de pêcheurs où de nouveaux personnages apparaissent. L’ auteur tisse des portraits de femmes remarquables et nous découvrons des bribes de vie souvent tragiques mais parfois traversées par un éclat de lumière. Comme cet instant ou une femme nommée Gunnhildur propose à un homme, Jon, de partager sa vie pour réchauffer leurs jours.
[ … ] toi et moi sommes célibataires en ce monde, je peine à élever un petit enfant que cette saleté d’homme en habit refuse de reconnaître, je n’ai personne pour me soutenir, absolument personne avec qui discuter le soir, sans parler du reste. Et tu es là, tout seul, avec ton cœur généreux. Tu peux être très courageux, mais tu fais peine à voir en ce moment. Je crois que tu es en train de mourir de solitude et de tristesse. Il n’y a aucune honte à cela, mais c’est parfaitement inutile. Vois donc un peu, nous pourrions très bien continuer à nous débattre chacun de notre coté, j’y survivrais, pas très brillamment [ … ] Dieu t’a donné un cœur bon et beau en oubliant malheureusement de l’équiper d’une carapace. Tout est en train de t’échapper, tu ne tarderas pas à perdre ta maison, puis ton indépendance et tu finiras par perdre la vie. Pourquoi laisserions-nous cela se produire, à quoi cela servirait-il ? Qu’en dirais-tu , mon cher Jon, si je venais m’installer ici … ta tanière, ensemble nous la changerions en un doux foyer?
Peut-être le gamin trouvera t-il près de ces femmes qui savent écouter, quelque réconfort, un peu d’attention, un éclat de paradis. Sous la plume de l’auteur elles semblent plus douées pour la vie. Leurs vies croisent de furtifs amants venus de pays étrangers et des hommes qu’il faut presque materner. Brynjolfur le marin alcoolique qui ne sait plus rentrer chez lui et le vieux capitaine aveugle ont déjà glissé sur des pentes infernales et il n’est pas sûr qu’il leur reste assez de vue pour entrevoir la lumière.
Le voyage du « gamin », autant extérieur qu’intérieur, sa quête du sens de la vie, nous laisse encore, alors que le livre est refermé bien des questions au bord des lèvres. Une histoire à laquelle il n’y a pas réellement de fin, tout est possible après la dernière phrase. A chacun d’imaginer comment ce jeune homme échappé de l’enfer déroulera les jours qui lui restent à écrire.
Il est facile de se bercer d’illusions lorsqu’on est seul, on peut presque se fabriquer une personnalité, se montrer plein de sagesse, de mesure, avoir réponse à tout, mais il en va autrement parmi les gens, la chose nécessite un effort, là, tu n’es plus aussi mesuré, absolument pas aussi sage, parfois tu n’es même qu’un fichu crétin qui débite toutes sortes d’âneries.
Lisez « Entre Ciel et terre »
Extraits
Parfois, c’est dans le sommeil qu’on est le plus heureux, tu y es à l’abri, le monde ne t’atteint pas. Tu rêves de sucre candi et de jours de soleil.
Tout ce que nous pouvons faire , c’est espérer au plus profond de nous-mêmes, à l’endroit où bat le cœur et où s’encrent les rêves, qu’aucune vie ne soit en vain, ne soit sans but.
La vie a cet avantage par rapport à la mort que, d’une certaine manière, tu sais à quoi t’attendre, la mort est en revanche une grande incertitude et il est peu de chose dont l’homme s’accommode aussi mal que de l’incertitude, elle est le pire de tout.
Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur (…) quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut être ni vivants ni morts.
Qui est J.K. Stefansson ?
Nationalité : Islande Né à : Reykjavik – le 17.12.1963 Biographie : Après ses études au collège, qu’il termine en 1982, il travaille dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie jusqu’en 1986. Il entame jusqu’en 1991, sans les terminer, des études de littérature à l’université. Il donne des cours dans différentes écoles et rédige des articles pour un journal, à Copenhague. Il rentre en Islande et , jusqu’en 2000, il s’occupe de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbaer. Depuis, il se consacre à l’écriture de contes et de romans. Il a publié cinq romans dont deux traduits en français : Entre ciel et terre Gallimard (2010) La tristesse des Anges Gallimard (2011) Le cœur de l’homme Gallimard (2012)
Pour commencer le prix des lectrices, j’ai décidé de faire un tirage au sort. Le premier livre sorti du chapeau est celui de Jon Kalman Stefànsson, Entre ciel et terre. D’ailleurs à la librairie près de chez moi il n’avait que très peu des livres sélectionnés, il faudra que je les commande ou que j’aille à la bibliothèque, ou peut-être sur le web … mais une chose est sûre ils avaient « Entre ciel et terre « . Le hasard, mais est-ce vraiment le hasard ? a décidé que les premiers mots lus seraient ceux de cet auteur Islandais. Dès la première page, j’ai su qu’il allait m’embarquer pour une lointaine destination …
Je raconterais ce voyage à mon retour de terra incognita, car ce pays d’Islande l’est pour moi.
Les premiers mots de J.K. Stefànsson m’ont déjà emporté loin du tumulte des fêtes. Ce premier choix de livre est une étrange coïncidence car je travaille depuis plus d’un an sur une histoire qui parle d’un marin parti pêcher en Islande, disons que c’est le prologue de ma fiction. Je dévore donc depuis des mois des livres sur les pêcheurs, les Terre-neuvas, les Islandais, les Cap-horniers. Ce choix m’a donc déjà confirmé que mon envie de faire parti de ce prix était une excellente idée mais il me rappelle aussi de ne pas oublier cette fiction qui fait vibrer ma plume et mon cœur depuis des mois. La photo sur la première page de couverture ne m’est pas inconnue, comme si je connaissais déjà un peu ce « gamin » pris dans la tourmente d’une vie entre ciel et terre …
J’aime les signes, les rencontres inattendues, ils me disent à leur façon que je suis sur le bon chemin…
Cette semaine, je me suis inscrite au prix des lectrices. Les jeunes femmes qui écrivent sur le blog Le club des lectrices m’ont transmis leur enthousiasme. Elles sont motivées, elles aiment lire, manger, partager, vagabonder dans les mondes parallèles d’auteurs en quête de lecteurs. Cela me va parfaitement. Laisser s’accomplir la magie des mots.
Je partis dans les bois parce que je voulais vivre sans me hâter. Vivre intensément et sucer toute la moelle secrète de la vie.
— Henry David Thoreau
De beaux échanges pour l’esprit … Je ne sais pas si vous connaissez le roman « Little Women » ou « Les quatre filles du docteur March » de Louisa May Alcott, ou si vous avez vu l’une de ses adaptations au cinéma. J’adore les moments qui se déroulent dans le grenier, où les quatre sœurs, déguisées et entourées d’objets hétéroclites, s’amusent et inventent des saynètes. Grandes admiratrices de Charles Dickens, elles ont fondé un club qu’elles ont baptisé le Pickwick Club, en référence à son roman-feuilleton « Papiers posthumes du Pickwick Club » ou « The Pickwick Papers ». Chacune incarne un personnage du livre. Meg, l’aînée, incarne Samuel Pickwick et assure la présidence du club. Chaque semaine, les membres du Pickwick Club (P.C.) rédigent des histoires, des lettres ou des anecdotes. Jo les compile dans un journal que Meg lit à voix haute lors des réunions dominicales. Elles jouent également une pièce de théâtre écrite par Jo (qui interprète les rôles masculins). À la lueur des bougies, parmi de vieux tissus, elles imaginent des situations souvent drôles, créent des décors, rient, vivent intensément… Et surtout, elles laissent s’accomplir la magie des mots.
J’adore cette scène, elle me rappelle mes années d’internat au lycée. Loin de nos familles, nous avions formé un cercle d’amies passionnées de littérature et de poésie. Un soir par semaine, éclairées par quelques bougies, nous lisions à mi-voix les rimes des poètes qui nous faisaient rêver. Dans une effervescence joyeuse et passionnée, nous préparions des spectacles autour de la poésie, y glissant parfois quelques lignes de notre cru. Nous nous régalions de guimauves et de gâteaux chipés dans la cuisine de la cantine.
Et nous ne lisions pas de la poésie mais les vers exprimaient leur nectar sur nos langues, nos âmes s’élevaient.
À l’image – aussi – de ces jeunes garçons dans le cercle des poètes disparus :
John Keating : Les poètes disparus vouaient leurs réunions à sucer la moelle secrète de la vie. C’est une phrase de Thoreau que nous citions au début de chaque réunion. Nous nous réunissions dans la vieille grotte indienne et une fois là, nous lisions à tour du rôle du Thoreau, Whitman, Shelley, les plus grands. Quelques fois des vers de notre cru, et sous le charme du moment, nous laissions la poésie accomplir sa magie. Knox Overstreet : Comment ? Des mecs un petit peu dingues qui venaient lire de la poésie ? John Keating : Non, monsieur Overstreet, pas du tout dingues ! Ce n’était pas une loge secrète. Nous étions des romantiques. Les femmes s’évanouissaient, les dieux naissaient de nos mains. De belles soirées pour l’esprit, non ? Merci Monsieur Perry pour cette ballade en amnésie. »
Peu importe ce qu’on pourra vous dire, les mots et les idées peuvent changer le monde.
Le Cercle des poètes disparus (1989), écrit par Tom Schulman
Book Club
Ces réunions autour de la lecture, du partage de romans, des mots, des idées, s’accompagnent aussi du film « Book Club », qui met en scène l’univers de Jane Austen. Six amis, cinq femmes et un homme, se retrouvent chaque mois et découvrent les parallèles entre leur vie et les personnages de leurs lectures. Il est conseillé, avant, d’avoir lu les romans de Jane Austen.
Le Prix des Lectrices vous est ouvert. Venez nous rejoindre et découvrir les livres sélectionnés en cliquant sur le lien ci-dessous.