L’Édition: idées reçues sur l’édition
par Bertrand Legendre
Une lecture que j’ai faite il y a peu pour essayer de comprendre le milieu de l’édition d’aujourd’hui, mais également pour essayer de définir mon choix de publication en tant qu’auteure. (éditée ou autoéditée ?)
Lagardère Publishing, qui fédère les maisons d’édition du groupe Hachette, a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires de 2,13 milliards d’euros contre 1,43 en 2004. Cette croissance est en grande partie le résultat des extensions internationales du groupe qui se place ainsi au 6e rang de l’édition mondiale. Quant au deuxième groupe français, Editis, avec 760 millions d’euros de chiffre d’affaires, il est désormais la propriété de l’éditeur espagnol Planeta. Le discours qui a prévalu alors jusqu’à l’effondrement du groupe Vivendi au début des années 2000 tendait à faire des éditeurs, comme des auteurs, des fournisseurs de matière première que les industries numériques auraient eu la charge de transformer en produits culturels et de loisir.
Si cette perspective appelle toutefois un usage mesuré, elle pose la question de l’évolution de la place de l’auteur dans les industries culturelles.
Nous sommes aujourd’hui davantage face à un travail de rédacteur multiple – dont les contributions s’entremêlent au fil des rééditions d’un même livre (ebook, broché, poche) – qu’en présence d’un travail d’auteur au sens strict.
Le statut de l’auteur comme créateur est mis en cause au travers de ces diverses pratiques.
Perdant son statut de créateur, ce dernier prend alors une fonction de : « fournisseur de contenus ».
Stars de l’édition – Editeurs – qui mène la danse ? Piston ?
On rappellera à ce sujet le canular qui a suivi la publication de « L’Institutrice » de Claire Chazal en 1997 : après avoir saisi le texte pour lui donner forme de manuscrit, les concepteurs de ce canular l’ont envoyé sous un autre nom d’auteur à différentes maisons d’édition… qui l’ont toutes refusé. Ces vedettes des médias sont en mesure de choisir leur éditeur et de négocier leurs conditions plutôt que l’inverse, elles n’ont donc pas besoin de « piston ».
En fait, l’idée reçue selon laquelle il faut être pistonné pour pouvoir être publié s’appuie beaucoup sur une représentation idéalisée de l’auteur. Celui-ci serait dégagé de tout ancrage social, construit en dehors de tout champ socio-professionnel et n’acceptant d’autre interlocuteur que la figure majeure de l’éditeur, de préférence patron de maison, dans une relation privilégiée, seul à seul. À voir du piston là où il n’y en a pas, le risque est fort de s’enfermer dans une posture de génie méconnu qui n’est sans doute pas la meilleure pour dénoncer la complaisance.
Plus souvent, l’accès à la publication relève d’un processus très implicite au fil duquel, à côté des qualités intrinsèques du texte soumis à l’éditeur, sont appréciés divers paramètres : la capacité de l’auteur à se mouvoir dans les médias et à se comporter face au public, l’importance des réseaux informels ou officiels qu’il pourra mobiliser pour contribuer à promouvoir son livre, l’étendue de son œuvre à venir… C’est là une tendance générale qui traverse l’ensemble des industries culturelles : les créateurs sont amenés à prendre une part active dans la carrière commerciale de leur production.
L’auteur devenu romancier ex nihilo, en étant totalement étranger au milieu éditorial et à la pratique de l’écriture, ne correspond que très partiellement à la réalité des situations. Par ailleurs, la visibilité de l’auteur dans ses réseaux professionnels est une composante importante de la décision de l’éditeur, en ceci qu’elle détermine la légitimité de l’auteur et contribue aussi à assurer son audience, donc les ventes à venir.
*Réflexion à suivre