
Mais aujourd’hui, elle le sait, tout a changé dans le monde de l’édition. Un auteur ne vend plus sur son simple nom ; il doit se montrer, on veut entendre sa voix, écouter ce qu’il a à dire. Comme il est loin le temps où elle disait à son amie Foy que les écrivains devaient être lus mais jamais vus ni entendus.
Extrait de « Manderley for ever » de Tatiana de Rosnay
Ce qui compte d’un écrivain, on le trouve dans ses livres. C’est ce que l’on dit. C’est une hypocrisie de plus. Comme le fait remarquer Saul Bellow dans un essai sur l’amour-propre, les écrivains sont victimes des photographes qui leur imposent une représentation d’eux-mêmes qui en vient à être plus puissante que leurs mots.
Notre instrument, le langage, est pris dans des filets invisibles, les mots ne répondent plus. Au « d’où tu parles » des années soixante-dix a succédé une interrogation qui lui ressemble mais est son exact contraire : ce qui compte n’est plus jamais ce qui est dit mais qui le dit. Qui parle ? Est-il, est-elle, célèbre, glamour, sexy, barbare ? Est-il, est-elle prodigieusement riche, ou extrêmement pauvre ? Est-il, est-elle, totalement désespéré, infirme, handicapé, obèse, suicidaire ? A-t-elle eu dix mille amants, escaladé sept cents sommets par la face nord ?
Extrait de « la marche du cavalier » de Geneviève Brisac
C’est hélas de plus en plus juste ! Et pour les femmes la pression est encore plus forte que pour les hommes. Si on a vu le filet va t-on réussir à passer entre ses mailles ?