Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ; Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur Se distrait quelquefois de sa propre rumeur Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets : Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ; O mer, nul ne connaît tes richesses intimes, Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables Que vous vous combattez sans pitié ni remord, Tellement vous aimez le carnage et la mort, O lutteurs éternels, ô frères implacables !
Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.
Puisque nous sommes pratiquement que de l’eau, il semble cohérent d’affirmer que chaque être humain porte en lui une dose considérable de buée. Vivre consisterait à s’évaporer.
Ô cheval au regard flamboyant ! Tu cours dans l’azur et les plaines nuageuses. L’écume des flots argente ta bouche, la sueur ruisselle à tes flancs polis. Tu écumes, tu frémis, au bord de la mer immense tu hennis, tu bondis, tu galopes et ta crinière danse avec le vent.
Et moi, fascinée par tant de puissance et de beauté j’accoure sur mes petites jambes d’enfant mais j’ai peine à suivre ta trace.
Soudain, ta course s’arrête, tu enfonces tes sabots dans le sol et tu frappes la terre en cadence. Mais comme ton cœur est noble et doux, ployant sur tes jarrets forts, tu te soumets humblement à l’homme vertical et à sa cravache. Essoufflée mais enivrée par ta présence j’avance timidement ma main pour caresser ton museau tout chaud. Dans mon cœur la colère bouillonne contre celui qui t’a piégé et contraint et je regarde impuissante tes dents ronger le mors. Mais lorsque je plonge dans tes yeux bruns et profonds ma colère s’apaise. Au fond de tes pupilles j’ai reconnu celui que je rejoins chaque nuit, celui qui m’emporte dans des chevauchées intrépides au milieu des plaines invisibles du grand empyrée.
Ô cheval, mon ami, qui m’emporte loin du monde ! LAISSE-MOI TE CONTER la grande histoire des « Cavales », laisse-moi te dire le récit fantastique de ces fières et indomptables filles du soleil, tes sœurs.
Sur mes cahiers d’écolière – Mon héros de toujours De ce petit texte d’enfance est né un récit magique autour des Cavales, une première ébauche qui a accompagné le livre d’un peintre, puis une autre histoire s’est construite avec les filles du soleil.