Je n’ai pas de territoire à défendre contre ces pauvres gens qui fuient la misère et la guerre. Soyez les bienvenus, même si nous traversons une crise de l’emploi et quelques difficultés nos hypermarchés sont remplis et débordent, il nous arrive même de jeter de la nourriture. Nous avons des vêtements à ne plus savoir qu’en faire, nous changeons de mode chaque année, on ne va pas se couvrir à l’excès de parures quand vous mourez presque nus sur nos plages… Beaucoup de nos logements sont disponibles et vides, parfois trop grands, certains ont deux maisons, il y a de la place… Soyons citoyens du Monde.
Ce remarquable poème d’André Lemoyne (1822-1907) qui parle des voyages au long-cours, du Cap Horn ou des mers boréales est aujourd’hui d’actualité. Soyons ces veilleurs et gardons la flamme toujours allumée pour que personne ne sombre dans la nuit glaciale.
« En décembre les jours sont de courte durée, Notre zone brumeuse est à peine éclairée : À la pointe du Raz, dès quatre heures du soir, Le soleil tombe en mer, la nuit jette son voile ; Et jusqu’au lendemain pas un rayon d’étoile. Sur la côte où le flot se brise, tout est noir. Et surtout quand on pense aux nombreux équipages Qui, par les soirs d’hiver, poussés dans nos parages, Reviennent fatigués d’un voyage au long cours. […]
Pour les navigateurs qui s’approchent des côtes, Un homme toujours sûr veille à ces flammes hautes, Prisonnier volontaire enfermé dans les tours ; Et le plus grand vaisseau vient du large sans craindre Que la lampe du phare un instant laisse éteindre Le rayon de salut qui doit briller toujours.
Ceux qui gardent le feu, les veilleurs invisibles […] »
Un détour par ici pour partager ces chansons qui devraient faire vibrer le top 100 ( je ne connais pas l’expression appropriée pour les succès musicaux) tant elles sont d’actualité.
Suite à quelques réflexions entendues de ci-delà cet été mais je devrais dire depuis de nombreuses années puisque j’ai la bougeotte, suite à ces mouvements de migrants désespérés qui fuient la guerre et la misère et que l’on passe en boucle sur notre chaîne d’infos nationale juste après de longs reportages sur les yachts indécents qui sillonnent nos côtes et qui semblent fasciner une grande partie de la population… Je reste calme, j’ai la chance de vivre dans un endroit paisible de la terre, j’ai juste envie de fredonner ces airs avec vous pour faire passer la colère qui monte — elle est dit-on mauvaise conseillère —.
Sommes-nous obligés d’expliquer que le lieu de naissance n’est dû à aucun mérite particulier mais juste le fruit du hasard de la vie ? Que dire aux imbéciles heureux sinon leur chanter ces magnifiques textes où tout est dit et tellement bien dit par deux grands poètes.
La ballade des gens qui sont nés quelque part
C’est vrai qu’ils sont plaisants, tous ces petits villages, Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages, Ils n’ont qu’un seul point faible et c’est d’être habités, Et c’est d’être habités par des gens qui regardent Le reste avec mépris du haut de leurs remparts, La race des chauvins, des porteurs de cocardes,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie, Empalés une fois pour tout sur leur clocher, Qui vous montrent leurs tours, leurs musés, leur mairie, Vous font voir du pays natal jusqu’à loucher. Qu’ils sortent de Paris, ou de Rome, ou de Sète, Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar Ou même de Montcuq, ils s’en flattent, mazette,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part
Le sable dans lequel, douillettes, leurs autruches, Enfouissent la tête, on trouve pas plus fin, Quant à l’air qu’ils emploient pour gonfler leurs baudruches, Leurs bulles de savon, c’est du souffle divin Et petit à petit, les voilà qui se montent, Le cou jusqu’à penser que le crottin fait par Leurs chevaux, même en bois, rend jaloux tout le monde,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part
C’est pas un lieu commun, celui de leur naissance, Ils plaignent de tout cœur les pauvres malchanceux, Les petits maladroits qui n’eurent pas la présence, La présence d’esprit de voir le jour chez eux. Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire, Contre les étrangers tous plus ou moins barbares, Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part
Mon Dieu, qu’il ferait bon sur la terre des hommes, Si l’on n’y rencontrait cette race incongrue Cette race importune et qui partout foisonne : La race des gens du terroir, des gens du cru. Que la vie serait belle en toute circonstances Si vous n’aviez tiré du néant ces jobards Preuve, peut-être bien, de votre inexistence
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part
Être né quelque part
On choisit pas ses parents,
On choisit pas sa famille
On choisit pas non plus
les trottoirs de Manille
De Paris ou d´Alger
Pour apprendre à marcher
Etre né quelque part
Etre né quelque part
Pour celui qui est né
C´est toujours un hasard
Chœur : Nom´inqwando yes qxag iqwahasa {2x}
Y a des oiseaux de basse cour
et des oiseaux de passage
Ils savent où sont leur nids,
quand ils rentrent de voyage
Ou qu´ils restent chez eux
Ils savent où sont leurs œufs
Etre né quelque part
Etre né quelque part
C´est partir quand on veut,
Revenir quand on part
Chœur : Nom´inqwando yes qxag iqwahasa {2x}
Est-ce que les gens naissent
Egaux en droits
A l´endroit
Où ils naissent
Chœur : Nom´inqwando yes qxag iqwahasa
Est-ce que les gens naissent Égaux en droits A l´endroit Où ils naissent Que les gens naissent Pareils ou pas
On choisit pas ses parents,
on choisit pas sa famille
On choisit pas non plus
les trottoirs de Manille
De Paris ou d’Alger
Pour apprendre à marcher
Je suis né quelque part
Je suis né quelque part
Laissez moi ce repère
Ou je perds la mémoire
J’ai l’impression d’être dans un dessin de Sempé, dit Pierre. Seulement des jeunes, des beaux, des riches, debout, assis ; et dans les phylactères un enivrement, un étourdissement de pensées positives. Dans un coin, juste un personnage qui dirait à un autre : « Tu sais, moi ça ne va pas fort, en ce moment. » Ça semblerait tellement défendu, tellement incongru, tellement hors jeu.
J’ai embrassé l’aube d’été. Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse. Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq. A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. Au réveil il était midi.
Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.