Éparpillés dans des librairies, gris de poussière
Ni lus, ni cherchés, ni ouverts, ni vendus
Mes poèmes seront dégustés comme les vins les plus rares
Quand ils seront vieux.— Marina Tsvetaïeva, 1913


Éparpillés dans des librairies, gris de poussière
Ni lus, ni cherchés, ni ouverts, ni vendus
Mes poèmes seront dégustés comme les vins les plus rares
Quand ils seront vieux.— Marina Tsvetaïeva, 1913


Je ne peux m’empêcher de partager ce poème de Xavier Grall, auteur lu et relu et que j’admire toujours. Aujourd’hui, alors que les années défilent et que je vis sur une île bretonne loin des turbulences de la ville, ses mots prennent toute leur densité…
[…] je demeure dans la voix des bardes […]
Terre dure de dunes et de pluies
c’est ici que je loge
cherchez, vous ne me trouverez pas
c’est ici, c’est ici que les lézards
réinventent les menhirs
c’est ici que je m’invente
j’ai l’âge des légendes
j’ai deux mille ans
vous ne pouvez pas me connaître
je demeure dans la voix des bardes
O rebelles, mes frères
dans les mares les méduses assassinent les algues
on ne s’invente jamais qu’au fond des querelles
Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas
dans mes racines je demeure
Allez dire à la ville
qu’à Raguenès et Kersidan
la mer conteste la rive
que les chardons accrochent la chair des enfants
que l’auroch bleu des marées
défonce le front des brandes
Allez dire à la ville
que c’est ici que je perdure
roulé aux temps anciens
des misaines et des haubans
Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas.
Poètes et forbans ont même masure
les chaumes sont pleins de trésors et de rats
on ne reçoit ici que ceux qui sont en règle
avec leur âme sans l’être avec la loi
les amis des grands vents
et les oiseaux perdus
Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas
Terre dure de dunes et de pluies
pierres levées sur l’épiphanie des maïs
chemins tordus comme des croix
Cornouaille
tous les chemins vont à la mer
entre les songes des tamaris
les paradis gisent au large
Aven
Eden
ria des passereaux
on met le cap sur la lampe des auberges
les soirs sont bleus sur les ardoises de Kerdruc
O pays du sel et du lait
Allez dire à la ville
que c’en est fini
je ne reviendrai pas
Le Verbe s’est fait voile et varech
bruyère et chapelle
rivage des Gaëls
en toi, je demeure.
Allez dire à la ville
Je ne reviendrai pas.
Xavier Grall, extrait de « La sône des pluies et des tombes »

J’aime Noël, les lumières qui clignotent autour du sapin, les boules rouges et vertes, l’odeur du pain d’épice, la douceur de la bûche au fond du palais, les enfants qui s’amusent tard et rient en ouvrant leurs cadeaux, la chaleur de se retrouver tous ensemble après de longs mois d’absence parfois. J’aime les petits santons dans les crèches, la ville illuminée et resplendissante sous la neige (quand on a la chance d’en avoir). L’hiver dans ce qu’il a de plus magique, de plus majestueux.
Pourtant je me rends compte que ce n’est pas vraiment cela le message de cette nuit et que l’on passe à côté de quelque chose de plus profond qu’on a oublié dans le brillant et l’opulence. Chaque année j’ai envie de relire les contes d’Andersen : « Le sapin » et « La petite marchande d’allumettes » ; les Contes de Dickens : « Un chant de Noël ». J’ai envie que le monde se réveille et efface toutes les souffrances et les inégalités, comme par magie, puisqu’on peut tout demander au père Noël. Pourtant, le jour qui paraît le lendemain, entre les brindilles du sapin qui commence à déchanter, n’a pas changé le déséquilibre du monde, il n’a pas ôté son vacarme et son indifférence. Le prince de l’amour ne s’intéresse-t-il plus à nous ?
[…] Etre né sur la paille, avoir échappé à Hérode et finir sur une croix, tout ça pour que le 24 décembre, les foules hystériques se battent devant les vitrines, obsédées par cette question : faudra-t-il ouvrir les magasins le dimanche au cas où l’on n’aurait pas le temps de remplir les hottes de Noël, ras-la-gueule […]
[…] Avoir fait de l’anniversaire de la naissance de l’homme qui nous a enjoint de nous débarrasser de nos biens et de partir sur les routes à la recherche de l’amour, une fête où l’on s’ensevelit les uns les autres sous un tombereau de cadeaux dans la chaleur du foyer familial, c’est l’un des plus habiles détournements de message de l’histoire de l’Occident. […]
« Géographie de l’instant » – Sylvain Tesson


Un petit résumé avec des informations lues de-ci de-là, sur ce que peut être un livre d’artiste aujourd’hui.

Souvent confondus avec les livres d’art, les livres d’artistes sont difficiles à définir tant ils peuvent prendre des formes différentes. Ces objets polymorphes si riches, si étranges parfois, témoignent de la diversité de la créativité humaine. Pourtant, dans le cercle restreint mais croissant des amateurs (artistes, auteurs, collectionneurs et même bibliothécaires) les points de vue sont divergents entre deux inclinations majeures du livre d’artiste :

* Il peut s’agir de « livres de dialogue » où un artiste plasticien et un auteur collaborent, se complètent et se répondent. Ces livres sont souvent édités à peu d’exemplaires : leur rareté, leur conception, leur fabrication en font souvent des objets chers et précieux. Les matériaux utilisés pour les livres et leurs illustrations (papier, tissus, gravures, peinture) ainsi que les techniques d’impression ne permettent pas de les reproduire facilement et nécessitent pour l’éditeur un investissement financier élevé.

* Il ne faut pas les confondre avec une autre approche moins formelle du « livre d’artiste » ou « artist book » : des artistes conceptuels se sont emparés du livre dans sa simplicité originelle, pour en faire un lieu d’expérimentation, de réflexions critiques, (au même titre qu’une œuvre d’art, un tableau, une sculpture, une installation vidéo), en rupture avec un formalisme esthétique. Avec les possibilités de reproductions démultipliées, comme l’offset et désormais le numérique, les œuvres sont diffusées hors des lieux institutionnels (galeries, manifestations spécifiques) sans éditeurs, et à un moindre coût. Les notions de rare et de beau ne sont pas leurs propos, l’idée prime sur un savoir-faire.

Différentes structures éditoriales les représentent : de grandes maisons d’impression d’où sortent des ouvrages composés à la main, dans la plus noble tradition des métiers du livre (typographie manuelle, gravures, lithographies, reliures, etc.), des éditeurs plus modestes, mais tout aussi désireux de promouvoir une certaine idée des lettres et de l’art, ainsi que des ouvrages auto-édités où l’artiste seul « met en livre » son univers.


[…] Le seul rêve des innocents
Un seul murmure un seul matin
Et les saisons à l’unisson
Colorant de neige et de feu
Une foule enfin réunie.
Paul Eluard
« La République assure la liberté de conscience »
Il y a 100 ans, la République adoptait une loi qui marquait le couronnement du processus de laïcisation qu’elle avait commencé vingt-cinq ans plus tôt. C’est cette loi de séparation des Églises et de l’État qui a permis, par les libertés fondamentales qu’elle a affirmées, un « vivre ensemble » plus harmonieux.
La laïcité désigne la séparation des pouvoirs entre l’État et les religions. Elle est affirmée en France par la loi de 1905 qui reconnaît et protège la liberté de culte mais limite l’intrusion de la religion dans les affaires publiques. L’État ne doit, normalement, subventionner aucun culte. La laïcité est à l’œuvre de diverses manières dans toutes les démocraties.
Sommes-nous toujours un pays laïque ?
Méthodiquement, le législateur a détricoté la loi de séparation des églises et de l’État, suivi par le Conseil d’État. Aujourd’hui, il est permis de considérer, en dehors de toute haine et de tout racisme, que la séparation des églises et de l’État se trouve extrêmement réduite avec tous les risques que cela comporte à une époque de montée des périls religieux.

Le principe de séparation fonde, à la fois, la citoyenneté et le Pacte républicain.
«Si un groupe de gens est prêt à vous tuer parce que vous avez dit quelque chose, il est alors presque certain que ce quelque chose doit être dit, parce que sinon, les personnes violentes ont un droit de veto sur la civilisation démocratique, et si elles gagnent ce droit, il n’y a plus de civilisation démocratique.»
R.D du NYT
Hors d’un État laïque, respectueux du pluralisme et des convictions des citoyens, la liberté de conscience et les libertés de religions sont des libertés compromises, voire menacées.