J’ai embarqué sur le navire-écriture et pris le large.
La traversée est rythmée par mes sautes d’humeur, des moments de désespoir alternent avec d’intenses exaltations, je suis emportée par la houle… J’écris, je relis, je rature, j’écris… je rame, je rame, je suis le cap de ma belle espérance. Que se passe t-il sur le continent, dans le monde, dans la vraie vie, je ne sais pas. Quand je lève la tête au-dessus de mes cahiers, de mes feuillets épars où de mon ordinateur, j’observe la course des nuages et la danse des mouettes et des goëlands, j’avale un café chaud presque brûlant et je laisse la mer me bercer quelques instants. Oh ! Une idée ! Une image ! Un personnage me susurre quelque chose et c’est reparti !
Écrire, écrire.
En ce moment, quoi d’autre ?
Presque rien.
OUI mais…j’ai terminé une première histoire, la suite démarre à grande vitesse, les personnages ne me lâchent plus… Et puis il y a cette nouvelle sur le cahier bleu, ce roman en cours…ce conte qui me fait de l’oeil… Page 52, 82…livre 1, page 114, livre 2… nouvelle illustrée terminée, page 340… Une histoire sans fin, des numéros de pages s’affichent, disparaissent, reviennent… J’ai mis la grande voile !
J’espère que le vent de l’inspiration me sera favorable jusqu’au bout et que ma modeste embarcation tiendra le coup fasse aux assauts de mes incertitudes. Mener tout ce monde à bon port telle est ma mission à ce jour.
Lettre de Virginia Woolf à Vita Sackwille-West, le 16 mars 1926.
Pour ce qui est du « mot juste », tu es tout à fait dans l’erreur. Le style est une chose très simple, tout est dans le rythme. Une fois qu’on l’a compris, on ne peut plus employer des mots de travers. Mais, d’un autre côté, me voici assise à ma table de travail depuis une bonne moitié de la matinée, pleine à craquer d’idées, de visions et de tout le reste, et je n’arrive pas à les débucher, simplement parce que le rythme adéquat me manque. Or c’est quelque chose de très profond la nature du rythme, et cela va beaucoup plus loin que les mots.