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  • L’histoire de l’œuvre, de sa gestation

    L’histoire de l’œuvre, de sa gestation

    À vrai dire, du livre même, je n’ai pas encore écrit une ligne. Mais j’y ai déjà beaucoup travaillé. J’y pense chaque jour et sans cesse.

    J’y travaille d’une façon très curieuse, que je m’en vais vous dire : sur un carnet, je note au jour le jour l’état de ce roman dans mon esprit ; oui, c’est une sorte de journal que je tiens, comme on ferait celui d’un enfant… C’est-à-dire qu’au lieu de me contenter de résoudre, à mesure qu’elle se propose, chaque difficulté (et toute œuvre d’art n’est que la somme ou le produit des solutions d’une quantité de menues difficultés successives), chacune de ces difficultés, je l’expose, je l’étudie. Si vous voulez, ce carnet contient la critique de mon roman ; ou mieux : du roman en général.
    Songez à l’intérêt qu’aurait pour nous un semblable carnet tenu par Dickens, ou Balzac ; si nous avions le journal de l’Éducation sentimentale, ou des Frères Karamazov ! L’histoire de l’œuvre, de sa gestation ! Mais ce serait passionnant… Plus intéressant que l’œuvre elle-même…

    André Gide Journal des faux-monnayeurs

    J’ajoute des autrices aux auteurs, G.Sand, Colette, V.Woolf, J.Austen, etc.

    carnet de notes

    C’est à l’envers que se développe, assez bizarrement, mon roman. C’est-à-dire que je découvre sans cesse que ceci ou cela, qui se passait auparavant, devrait être dit. Les chapitres, ainsi, s’ajoutent, non point les uns après les autres, mais repoussant toujours plus loin celui que je pensais d’abord devoir être le premier.

    Ne pas amener trop au premier plan – ou du moins pas trop vite – les personnages les plus importants, mais les reculer, au contraire, les faire attendre. Ne pas les décrire, mais faire en sorte de forcer le lecteur à les imaginer comme il sied.

  • L’exode de juin 1940

    L’exode de juin 1940

    vécu par Irène Némirovsky

    Roman : Suite française

    irene-nemirovsky

    Me voici partie dans le feu de l’histoire. L’exode de juin 1940. Je découvre cette auteure, et bien que le sujet ne m’enthousiasme pas énormément, par respect pour le vécu de cette femme  j’irais certainement jusqu’au bout du livre. Quand je dis que le sujet ne m’enthousiasme pas, c’est à propos de la guerre, de cette guerre 39-45 qui nous poursuit, dans les études et bien après. Je n’oublie pas l’émotion dans laquelle m’avait plongé « Le journal d’Anne Franck » pendant mes années de collège. Peut-être ai-je encore des choses à découvrir sur cette page de notre histoire qui soulève toujours des questions. Je suis française et même si je ne me sens pas coupable des erreurs de mes ancêtres, je m’interroge sur l’humanité, sur ses réactions dans les moments les plus difficiles de notre existence. En tout cas, je me réjouis de cette rencontre avec cette femme passionnée de littérature avec qui j’aurais pu partager cette passion commune. Je sais déjà aux premiers mots lus qu’elle va m’emporter dans sa suite …

    Notes manuscrites d’Irène Némirovsky relevées dans son cahier

    Mon Dieu ! Que me fait ce pays ?
    Puisqu’il me rejette, considérons-le froidement, regardons-le perdre son honneur et sa vie. Et les autres que me sont-ils ? Les Empires meurent. Rien n’a d’importance.  Si on le regarde du point de vue mystique ou du point de vue personnel, c’est tout un. Conservons une tête froide. Durcissons-nous le cœur. Attendons.

    Quelques  brèves questions ….

    Ce qui importe avant tout c’est l’œuvre, mais ici le contexte est important. Un aperçu rapide de sa naissance et du moment de l’écriture du livre.

    Qui est-elle ?  D’où vient-elle ?

    Irène Némirovsky est originaire de Kiev, née en 1903 dans une famille de financiers juifs russes. Son père, Léon Némirovsky, était un des plus riches banquiers de Russie. 1914, Les Némirovsky s’installent à Saint Pétersbourg. Malgré l’excellence de ses précepteurs, Irène sera une enfant malheureuse et solitaire, ses parents portant peu d’intérêt pour leur foyer. Elle adore néanmoins son père, toujours pris par ses affaires ou par le jeu au casino. Presque haïe par sa mère, ainsi que l’évoqueront plus tard ses livres tels que Le Bal, Le Vin de solitude ou Jézabel, Irène trouve quelque refuge dans l’écriture et la lecture. Dans sa jeunesse, elle viendra très souvent en France avec ses parents, quittant chaque été l’Ukraine pour Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye ou la Côte-d’Azur, lorsque ce n’était pas la Crimée.

    Elle apprend le français avant de connaître le russe. Mais lorsque la révolution éclate dans le pays en 1917, Léon Némirovsky préfère éloigner sa petite famille du pays en crise et s’installe en France en juillet 1919. Irène reprend alors brillamment ses études et décroche en 1926 sa licence de lettres à la Sorbonne.

    Pourquoi ce livre ?

    En 1938, Irène Némirovsky et Michel Epstein son mari,  se voient refuser la nationalité française, mais n’envisagent toutefois pas l’exil, persuadés que la France défendrait ses juifs. Ils préfèrent toutefois envoyer leurs deux filles dans le Morvan. Lâchée par ses amis et son éditeur, Irène porte l’étoile jaune. Elle rejoint, accompagnée par son mari, ses deux filles dans le petit village où elles étaient cachés. C’est là qu’Irène Némirovsky rédigera le récit de Suite française, persuadée qu’elle allait bientôt mourir.

    En 2004, Denise Némirovsky découvre au fond d’une malle le manuscrit inachevé de Suite française, qui raconte, entre autres, l’exode de juin 1940, faits de lâchetés et de petits élans de solidarité. Elle se décide à le publier, et le roman a la surprise de se voir consacré du prestigieux prix Renaudot. Surprise, car c’est la première fois dans son histoire que le prix est remis à un auteur disparu. Mais ce n’est que justice quand on sait que jamais Irène Némirovsky n’avait été distinguée de son vivant.

    Mon article sur cette lecture

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