Flaubert croqué par Les frères Goncourt (extraits du Journal d’Edmond et Jules de Goncourt)
17 Mars 1861
Flaubert nous dit : « L’histoire, l’aventure d’un roman, ça m’est bien égal. J’ai l’idée, quand je fais un roman, de rendre une couleur, un ton. Par exemple, dans mon roman de Carthage, je veux faire quelque chose de pourpre. Maintenant, le reste, les personnages, l’intrigue, c’est un détail. Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton gris, cette couleur de moisissure d’existence de cloportes. L’histoire à mettre là-dedans me faisait si peur, que quelques jours avant de m’y mettre, j’avais conçu Madame Bovary tout autrement : ça devait être, dans le même milieu et la même tonalité, une vieille fille dévote et ne baisant pas. Et puis j’ai compris que ce serait un personnage impossible. »